Convaincus qu'ils n'ont plus rien à faire au sein de Nida Tounès, les destouriens décident de mettre un terme à la division au sein de leurs rangs et à l'éparpillement de leurs voix. Dans les prochains jours, ils envisagent de réunir la plateforme propice à la création du parti politique destourien unifié. «Nous sommes condamnés à rassembler la grande famille destourienne, quitte à ce que les leaders actuels cèdent le témoin aux jeunes», soulignent les initiateurs du projet du parti qui s'appellera le Front destourien. La recomposition du paysage politique national, à la lumière des résultats des élections législatives du 26 octobre 2014 et surtout dans la foulée de la formation du gouvernement Essid, semble s'imposer de plus en plus comme un sujet d'actualité brûlante. Les langues commencent à se délier et ceux qui attendaient un dernier geste de la part de Nida Tounès à la victoire duquel ils disent avoir contribué grandement ont décidé de sauter le pas et d'agir à l'avenir pour leur propre compte. C'est le cas des destouriens lâchés par Nida Tounès lors de la formation du gouvernement Essid. Ils ont enfin compris qu'ils n'ont plus de place au sein du parti des Berges du Lac. Une conviction que Hafedh Caïd Essebsi a confirmée dans une interview publiée hier par le quotidien Achourouk. Il confie tout simplement et crûment : «Les destouriens ont fait l'objet d'un complot de la part des conseillers installés au plais de Carthage». Vendredi 13 février, la coordination pour l'unité destourienne présidée par Dr Tarek Ben M'barek a tenu une réunion au cours de laquelle il a été décidé «de lancer un appel à tous les destouriens en vue d'unifier leurs rangs pour la création d'un front destourien unifié qui réunira les neuf partis à vocation destourienne s'activant actuellement sur la scène politique nationale». S'agit-il d'un front similaire au Front populaire où les partis politiques le composant préserveront leur autonomie et leur direction ou d'un grand parti où fusionneront les partis destouriens avec une direction unifiée ? Le Dr Tarek Ben M'barek est aussi clair que précis dans ses réponses : «Au cours des jours à venir, les membres de la coordination rencontreront les présidents des partis destouriens en vue de la nécessité de créer le grand parti que les destouriens attendent. Notre ambition est d'organiser une conférence nationale destourienne qui sera couronnée par la création du Front destourien, un parti politique qui rassemblera tous les destouriens. Nous savons que l'entreprise s'annonce difficile puisque nous aurons à gérer un grand problème. Il s'agit de l'ego des responsables actuels qui s'estiment, chacun, de son côté, le représentant légitime de l'héritage destourien et de la pensée bourguibienne. Pour nous, il est question de mettre un terme définitif à la division des rangs destouriens, à l'éparpillement de leurs voix et à la guerre de leadership qui fait rage au sein de la famille destourienne. Nous sommes condamnés à nous unir quitte à ce que les leaders actuels laissent la place à une nouvelle génération de responsables prêts à prendre le témoin». «Nous tablons sur au moins un million de voix» Comment sera formé le parti destourien auquel appelle la coordination? «Notre parti, précise Dr Ben M'barek, comprendra les neuf partis destouriens, les destouriens indépendants et les destouriens qui ont boudé les élections législatives du 26 octobre 2014. Nous tablons sur au moins un million de voix, sans compter ceux qui ont accordé leur voix à Nida Tounès et qui choisiront à l'occasion des prochaines échéances le Front destourien, mais à condition qu'ils s'y retrouvent. Et c'est aux destouriens de montrer à l'opinion publique qu'ils ont compris la leçon et acquis l'expérience qu'il faut pour rebondir et reprendre la place qui leur revient sur la scène politique nationale». Certes, les destouriens ont essuyé un échec cuisant lors des législatives, mais ils «ont démontré qu'ils sont toujours présents sur la scène nationale lorsqu'ils se sont mobilisés pour assurer le succès de Béji Caïd Essebsi lors du premier et du second tour de l'élection présidentielle, quand notre machine a fait ce qu'il fallait faire pour que le candidat des modernistes s'installe au palais de Carthage». Et même s'ils ont été ignorés par Habib Essid quand il a formé son gouvernement, ils expriment leur soutien à ce gouvernement. Dans la déclaration publiée par la coordination pour l'unité destourienne, on lit notamment : «En dépit de l'exclusion injustifiée dont la famille destourienne a été victime, les destouriens font part de leur appui au gouvernement, conscients qu'ils sont de l'importance de l'étape et des dangers qui menacent la stabilité de notre pays sur les plans national et international, plus particulièrement le terrorisme et les prémices de la désobéissance civile».