Malgré les efforts ministériels de dissuasion et de persuasion, cheikh Houcine Laâbidi campe sur sa position et a prononcé le prêche vendredi dernier. Il estime que la justice l'a bien confirmé en tant que maître du temple sacré Suspense vendredi dernier au sein de la foule des fidèles. Jusqu'au dernier moment, on ne savait pas qui allait prononcer le prêche et présider la grande prière hebdomadaire. Finalement, c'est cheikh Houcine Laâbidi qui dit à tous: «Me revoilà ! J'y suis, j'y reste!», laissant le clan opposé... le nez dans le vent! Pourtant, Dieu sait ce qu'on a fait et on n'a pas fait du côté des autorités religieuses, pour favoriser une passation dans la douceur ou, du moins, sans le moindre accroc. Le ministre des Affaires religieuses, cheikh Othmane Battikh, en personne, s'est déplacé avec son équipe, au courant de la semaine dernière, pour dissuader cheikh Houcine Laâbidi de sa manière forte de tenir en main la mosquée de la Zitouna et sa tribune de prêche. Et de le persuader de la nécessité de se plier à la légalité. Mais toutes ces tentatives ont fait chou blanc, l'imam prétendant rester dans les limites de la légalité à la faveur d'un document le désignant à la tête du cheikhat de la Zitouna, cosigné le 12 mai 2012 par les ministres (de l'époque) des Affaires religieuses, de l'Enseignement supérieur et de l'Education nationale. A préciser que ce document a été annulé à la fin du mandat du gouvernement provisoire de Mehdi Jomâa par décision tripartite (voir notre article du 10 février 2015). M. Fadhel Achour, président du Syndicat des prédicateurs religieux et des cadres des mosquées, nous dit avoir, au nom de ses pairs, engagé des poursuites judiciaires contre tous ceux qui ont été derrière ce document qualifié de vicieux et vicié. Tant et si bien bien, nous affirme-t-on, qu'il a exposé la mosquée de la Zitouna aux quatre vents de l'intrusion de divers courants et milices extrémistes (surtout wahhabites), éternels ennemis déclassés de notre Islam sunnite. La mainlevée renvoyée sine die Au ministère des Affaires religieuses, on nous dit que «la poire n'est pas encore mûre» et les conditions ne sont pas encore propices à «la mainlevée» et au déblocage pacifique de la situation. Surtout qu'on écarte, pour le moment, une opération coup de poing pour rétablir l'ordre au sein de cette institution. Estimant qu'il y a tout lieu d'attendre l'issue de la procédure judiciaire en cours, pour intervenir sur le terrain sous la couverture policière qu'ordonnerait éventuellement le Parquet de Tunis. L'autre son de cloche Par souci d'équité et d'équilibre, nous avons cherché à tendre l'oreille du côté du principal protagoniste de l'interminable conflit: cheikh Houcine Laâbidi. Bien qu'ayant l'habitude de s'esquiver et d'éviter le dialogue avec les organes de presse et l'apparition sur les plateaux de télévision, l'intéressé a bien voulu, on ne sait trop pourquoi cette fois-ci, prendre langue avec nous. Il a commencé par justifier son attitude avec la presse locale, la taxant de «subjective et partisane». Au sujet de son obstination à se maintenir, contre vents et marée, aux commandes de la plus prestigieuse institution islamique du pays, cheikh Houcine Laâbidi se dit «jouir de la totale légalité». Il estime que le contrat l'ayant porté à la tête de la Zitouna — qu'il a cosigné avec pas moins de trois ministres — demeure encore en vigueur. Affaire gagnée sans appel Et le document venant d'être cosigné par les trois ministres précités (fraîchement nommés) est dénué de toute valeur juridique. Parce que, de toute évidence, non cosigné par la principale partie prenante (c'est-à-dire cheikh Houcine Laâbidi). Le principal argument sur lequel repose la stratégie défensive de l'imam controversé, c'est le suivant : après avoir été écarté de la responsabilité de la Zitouna, l'intéressé a eu à intenter une action en justice contre le ministère des Affaires religieuses. Il a ainsi, dit-il, le libellé de l'arrêté à l'appui (qui nous a été transmis), obtenu gain de cause, à travers le verdict prononcé par le Parquet de Tunis le 19 mars 2012 (affaire n°9506). L'exécution de la sentence a été opérée par voie d'huissier-notaire le 31 mars 2012. Ce qui a permis au plaignant de récupérer les clés de la mosquée et de reprendre en main la responsabilité de l‘institution. Un casse-tête chinois Cela dit, si les autorités religieuses cherchent à gagner la partie, c'est sur le terrain judiciaire qu'il leur faudrait jouer. Et ils auraient tout à perdre en se laissant entraîner dans la galère administrative. Au final, avouons que ce dossier est un véritable casse-tête chinois pour cheikh Othmane Battik et compagnie. Il s'agit d'une affaire où chaque partie voit le soleil et la lune devant sa porte, due à la lune de miel vécue par la Troïka et ses alliés religieux inavoués... D'où une politique politicienne ayant mis notre sacré temple en proie au déchirement politico-religieux. Du coup, bonjour les dégâts et le rififi dans les lieux bénis ! qui se sont enlisés, au fil du temps et des vendredis, dans un imbroglio juridico-administratif inextricable. Tout le monde a, aujourd'hui, le feu aux trousses. De peur de voir la «baraque» de la baraka prendre feu et la barque malmenée... Naufragée !