Avec la décapitation de 21 coptes, l'Etat islamique a franchi un nouveau pas en Libye. Il est désormais à nos portes. Petit tour d'horizon de la grave menace qu'il représente En réplique à l'exécution de vingt et un coptes égyptiens par l'Etat islamique, dimanche sur les côtes de Tripoli, des avions de combat égyptiens ont bombardé hier des positions du groupe Etat islamique. Une source libyenne affirme que plus de quarante jiahdistes ont été tués dans ces frappes. A travers une vidéo techniquement et artistiquement de haute qualité, parfaitement montée et sonorisée, le monde apprend avec effroi un énième coup d'éclat sanguinaire du groupe terroriste Daech, branche libyenne. Les victimes étaient alignées avec leurs combinaisons orange, elles étaient à genoux, en file au bord de la plage, derrière chacune était posté un bourreau cagoulé. Un homme en treillis militaire s'adresse à la caméra en anglais, un couteau à la main, la mer en arrière-plan : ce sont des gens de la croix, fidèles de l'Eglise égyptienne ennemie, annonce-t-il. Il confirme l'implantation de Daech en Libye : «Récemment, vous nous avez vus sur les collines du Levant, aujourd'hui nous sommes au sud de Rome, sur la terre musulmane de la Libye » Daech essaime donc en Afrique du Nord. Des groupes avaient annoncé dans la ville de Derna, entre autres, leur allégeance à l'Etat islamique et à son chef Baghdadi. La Libye, après avoir été un camp d'entraînement des jihadistes de tout acabit, une terre de transit vers la Syrie, un refuge pour les terroristes Tunisiens, est devenue la nouvelle capitale mondiale du terrorisme. L'expansion des filiales de Daech est avérée, sans oublier les rivalités territoriales entre les milices tribales, régionales et idéologiques. Le pays est dans le chaos total. La sécurité nationale Si cet état de fait est un problème en soi pour la population locale et pour les pays limitrophes : l'Egypte, l'Algérie, le Soudan, le Tchad, le Niger, et ceux du Sud méditerranéen, comme l'Italie, il pose un quadruple problème à la Tunisie : d'ordre sécuritaire, avec les infiltrations possibles dans les deux sens à partir et vers la Tunisie, sans oublier le pouvoir d'influence sur les Tunisiens embrigadés secrètement sur le sol national; un problème social, le tarissement de la contrebande, si l'on considère qu'entre 50 à 100 mille familles tunisiennes en vivent; un problème économique, avec la baisse des exportations de la Tunisie et le retour éventuel de dizaines de milliers d'émigrés tunisiens. Et un problème de réfugiés : si la guerre civile s'étend, on peut prévoir l'arrivée de plusieurs centaines de milliers de réfugiés dans le pays, notamment dans le Sud. L'organisation EI est en train de se développer rapidement à nos portes. D'ailleurs, le document audiovisuel de l'assassinat des Egyptiens représente la signature officielle de l'expansion des «Dawech». Dans le même temps, leurs partisans ont annoncé une nouvelle stratégie en Afrique du Nord comme en Europe. L'attrait de l'Etat islamique opère en effet partout. Amedy Coulibaly, l'un des hommes armés dans les attaques terroristes à Paris le mois dernier, avait déclaré avoir fait allégeance au groupe. Face à cette catastrophe qui les touche de près, les Tunisiens ne sont pas d'accord entre eux sur la manière de la traiter ; une scrupuleuse neutralité, à l'encontre des belligérants ou une prise de position claire contre les islamo-jihadistes libyens. Quoi qu'il en soit, la neutralité, au moins de façade, est de mise, pour ne pas exposer nos concitoyens installés sur cette terre, et pour ne pas exporter le conflit armé dans notre pays, compte tenu de la présence conséquente d'une communauté libyenne en Tunisie. N'empêche que la majorité des Tunisiens ressentent une sérieuse menace planer sur leurs têtes, du fait de la domination des groupes islamistes sur les postes frontières de Dhehiba et Ras Jedir. Divisions internes C'est en ravivant les divisions internes que les groupes jihadistes bâtissent leur stratégie pour saper les fondements des Etats et s'étendre; entre les chiites et les sunnites, entre les chrétiens et les musulmans. Comme en Tunisie le pays est à peu près uni confessionnellement et ethniquement, c'est sur le régionalisme qu'ils vont se rabattre, en ressuscitant les vieilles rancœurs entre les régions, cette fois-ci entre le Nord et le Sud. Les troubles de la ville de Ben Guerdane, malgré leur légitimité, mais en raison de leur timing et vitesse à se propager, en raison des autoproclamés porte-voix et de leurs discours — dont on connaît les alliances révélées au temps de la Troïka —, représentent un signe avant-coureur de la recette huilée des nébuleuses terroristes pour semer le trouble dans un pays et le déconstruire. Les dirigeants du renseignement américain, selon un article publié par le New York Times dans son édition du 14 février 2015, affirment que les combattants du groupe EI sont au nombre de 20.000 à 31.500 en Syrie et en Irak. « Sans compter les engagements moins formels de soutien de centaines d'extrémistes dans des pays comme la Jordanie, le Liban, l'Arabie Saoudite, le Yémen et la Tunisie ». L'Etat islamique est en pleine expansion à partir de ses premières bases syro-irakiennes, et cherche à se « tailler un territoire », selon les termes d'un responsable du contre-terrorisme américain qui parlait sous le couvert de l'anonymat. Pour étayer cette situation, un proverbe tunisien s'avère donc démonstratif : « On joue avec notre dîner ». La Tunisie est entrée désormais en résistance.