C'est un foot à deux vitesses au plan des moyens et des sources de financement qui s'enfonce dans le tunnel C'est toujours la même chanson: les clubs ne sont toujours pas sortis de l'auberge alors que nous avons dépassé la mi-saison et que les recettes n'ont pas évolué d'un iota. Le cycle des mouvements de grève a repris son cours comme atteste le dernier boycottage des entraînements observé mardi dernier par les joueurs du Stade Tunisien : trois salaires en suspens, des primes de rendement et de victoires qui s'accumulent sans qu'elles soient servies, un trésorier qui ne sait plus où donner de la tête et des fournisseurs qui s'impatientent. A bien y regarder, le scénario est identique un peu partout. Où vous vous retournez, c'est le même constat de dessèchement des ressources financières. Entre-temps, le professionnalisme à la tunisienne éternue et trahit clairement les limites d'un modèle qui bat de l'aile et ne peut pas aller très loin. Il subit en quelque sorte les retombées de la crise qui frappe de plein fouet l'activité économique du pays. Chacun pour soi ! Le passage d'une structure sportive assistée à celle d'une autonomie des fonds créés est tortueux. Longtemps, les associations avaient vécu au crochet d'un Etat-proividence qui vient les secourir à coups de subventions pompées sur le budget du ministère de tutelle et des collectivités publiques (conseil du gouvernorat, municipalité...). Les gros mécènes se faisaient un devoir d'apporter leur pierre à l'édifice tout simplement pour gagner les faveurs de l'Etat, du parti et des autorités. Une sorte de gage de bonne conduite qui «allait droit au financement des activités de la jeunesse qu'il faut sauver de la délinquance et de la perdition, encadrer et canaliser dans le droit chemin», selon la rhétorique qui sévissait alors. Le discours, démagogique, hypocrite et infiniment opportuniste a vécu. Maintenant, c'est plutôt chacun pour soi et Dieu pour tous ! Alors que les gros soutiens financiers se débinent, que les recettes aux guichets se font rares, il ne reste plus que la manne du Promosport et des droits TV à s'arracher, à se partager. Hormis, deux ou trois clubs connus de tous, tous les autres vivent dans l'attente de la fameuse subvention du ministère pour pouvoir avancer. Or, le département des sports doit puiser ces précieux fonds auprès du ministère des Finances sur lequel la pression est devenue ces derniers temps trop forte, des pans entiers des professions remuant ciel et terre pour obtenir des augmentations salariales, de nouvelles primes... Pyramide inversée ? La semaine dernière, 27 clubs de Ligue 2 avaient apeplé à la suspension des compétitions en attendant que les subventions promises soient reçues. Rassemblés au sein de l'Amicale des présidents de L2 sous la conduite de Slaheddine Chatti, premier responsable du Croissant Sportif de Msaken, ils ont rappelé la tutelle à ses devoirs, voire à ses promesses reportées aux calendes grecques, d'un ministre des Sports à l'autre. Et ils ne seraient pas à leur premier mouvement de débrayage si jamais leur menace venait à se concrétiser. Plus dramatique, la situation des clubs amateurs rappelle que le dénuement extrême dans lequel ils vivent est la conséquence logique d'une accumulation de déséquilibres prononcés au niveau du partage d'une manne financière plutôt chétive, squelettique et chaque jour un peu plus insuffisante. Depuis la saison dernière et la fameuse réunion de Yasmine-Hammamet, soldée par un retrait de confiance aux autorités du foot, les clubs de L3 et 4 dénoncent une pyramide qu'ils trouvent inversée. Et militent dans le sens d'une «justice sportive», d'un nouvel ordre de priorités où ce sont justement les plus démunis, c'est-à-dire les petits clubs divisionnairs qui devraient bénéficier des subventions les plus importantes, et non l'inverse comme pratiqué depuis une éternité. D'ailleurs, les compétitions amateures, qui avaient démarré avec un retard monstre, subissent actuellement les contre-coups de la colère des «damnés du foot». Ils sont suspendus, en attendant une éclaircie. Que leur voix soit écoutée. Une voix qui épingle les faveurs accordées à des clubs de L1 milliardaires. «Les 150 mille dinars de subvention, que pourraient-ils ajouter aux clubs nantis qui fonctionnent à coups de milliards ? Par contre, tombés dans notre escarcelle, ils feraient notre bonheur et nous sauveraient de la banqueroute !», répètent-ils à l'envi. Pourtant, il est clair qu'un tel devoir de solidarité suppose une volonté politique réelle de la part du ministère et de la Fédération, et une adhésion volontaire et réfléchie des gros budgets. Lesquels ne sont pas sans savoir que c'est auprès des disvisionnaires qu'ils puisent les jeunes talents, et que ces viviers inépuisables leur permettent par la suite d'effectuer de gros bénéfices sur la revente de ces joueurs. Y compris et surtout à l'étranger.