Par Mlaouhia HOSNIA Supposons que l'on soit à la veille d'un match important de football (derby entre le Club Africain et l'Espérance). Supposons aussi que le stade, lieu de l'événement, ait une capacité d'accueil de 10.000 places. Ces 10.000 places constituent l'offre. Pour augmenter l'accessibilité de cet exposé à un maximum de lecteurs, je vais éclaircir quelques concepts clés. L'offre est définie comme la quantité de bien économique que les producteurs souhaitent vendre à un prix donné. Dans ce cas, elle correspond aux 10.000 places du stade qu'on envisage de vendre. La demande est définitie comme la quantité voulue d'un bien, à un prix donné, par les consommateurs ayant les moyens de l'acheter. Elle correspond dans ce cas au nombre de personnes qui veulent assister au match pour un prix donné. Le marché est défini comme le lieu de rencontre entre les demandeurs et les acheteurs d'un bien donné. Un marché est dit en équilibre lorsque l'offre est en harmonie avec la demande. Premier cas de figure Supposons dans un premier cas que l'Etat, soucieux de permettre l'accès au match à un maximum de jeunes de toutes les couches sociales, subventionne les organisateurs du match de telle sorte que le prix de vente d'un billet ne dépasse pas les 10 dinars. Ce prix étant inférieur au coût réel du spectacle (coût énorme de l'infrastructure du stade). Mais l'Etat se charge de payer la différence. Supposons aussi qu'à ce prix, 15.000 personnes veuillent assister au match. La demande (15.000) est donc nettement supérieure à l'offre (10.000 places). On assiste à un déséquilibre du marché (écart entre l'offre et la demande 15.000 10.000). C'est une situation d'excès de demande par rapport à l'offre. D'autre part, l'offre est rigide : elle ne peut pas augmenter à court terme pour répondre à la hausse de la demande. La veille du match, on assiste à plusieurs files d'attente devant les guichets. Seules les 10.000 personnes qui se présenteront les premiers aux guichets vont pouvoir acheter leur billet. A priori, beaucoup de jeunes défavorisés vont pouvoir assister au match grâce à l'intervention de l'Etat. Il leur suffit seulement de se réveiller tôt et faire la queue pour être parmi les 10.000 spectateurs dans le stade le jour «J». Deuxième cas de figure Si on se situe maintenant dans un contexte où l'Etat ne subventionne pas le prix du billet. L'Etat va se limiter à son rôle de gendarme. Son intervention va se limiter, à travers les policiers, à surveiller la vente des billets aux guichets, à organiser la queue et les éventuels débordements de la foule. Le jour du match, les policiers vont assurer la sécurité des spectateurs et régler les éventuels différends entre les sympathisants des deux équipes rivales. Ils interviennent aussi en cas de débordement de ceux qui sont insatisfaits du résultat du match ou des décisions des juges. En revanche, le prix d'accès au match n'est plus l'apanage de l'Etat mais celui du marché. Ce prix est issu de la confrontation entre offre et demande. Si la demande pour un produit augmente, le prix de celui-ci augmentera aussi et a contrario, si l'offre dépasse la demande pour un produit, le prix diminuera jusqu'à ce qu'il y ait un équilibre entre la quantité produite et la demande du produit. Dans le cas d'espèce, la situation d'excès de demandes va être résorbée par une hausse des prix. Le prix du billet va augmenter jusqu'à se situer à un niveau qui correspond à une égalité entre l'offre et la demande et éliminer les 5.000 spectateurs en excès. La demande étant la quantité voulue d'un bien, à un prix donné, par les consommateurs ayant les moyens de l'acheter. Si à un prix égal à 10D, la demande s'élève à 15.000, elle baissera au fur et à mesure que le prix augmente. Supposons que les quantités demandées à différents niveaux de prix sont comme suit : Prix en dinar Quantités demandées en billets 10 15.000 15 14.000 20 13.000 25 12.000 30 11.000 35 10.000 Le prix va augmenter jusqu'à ce que la demande baisse à 10.000 et éliminer les 5.000 personnes de plus qui ne sont plus prêtes à acheter un billet supérieur à 10. Si on se réfère au tableau ci-dessus, le prix qui correspond à une demande égale à l'offre est 35 D. Ce prix qui correspond à l'égalité entre offre et demande est appelé prix d'équilibre. Les 10.000 spectateurs qui vont accéder au stade sont ceux qui peuvent payer leur billet à 35D. Les jeunes issus des milieux défavorisés ne vont plus pouvoir assister au match sans l'intervention de l'Etat. Dans le premier cas de figure, l'Etat, en plus de son rôle de gendarme, joue un rôle économique en subventionnant le prix du billet. Plus ce dernier rôle est important, plus on parle d'une économie dirigée par l'Etat. Plus ce rôle est minime, plus on parle d'une économie de marché. Dans le deuxième cas de figure, l'Etat se limite à son rôle de gendarme et laisse faire les mécanismes du marché déterminer le prix. Mais ce dernier s'avère au-dessus des moyens de ces jeunes défavorisés qui ne pourront plus assister au spectacle. A priori, c'est l'intervention de l'Etat qui va leur permettre d'assister au spectacle. Toutefois, les choses peuvent se passer différemment sur le terrain. Aussitôt après l'épuisement des billets, un autre marché en bonne et due forme va prendre la relève devant les guichets fermés, qu'on désigne par marché noir. Sans vraiment se donner rendez-vous, des offreurs et des demandeurs de billet vont s'y rencontrer. D'un côté on va trouver toutes ces personnes passionnées de football, qui n'ont pas réussi à acheter leur billet et qui veulent assister au match «à n'importe quel prix». D'un autre côté, des spéculateurs, qui ayant conscience de cette demande, avaient acheté plusieurs billets quelques jours auparavant. Ils vont les revendre à un prix supérieur au prix d'achat sur ce marché noir. La tentation est parfois tellement forte que même les jeunes vont vendre leurs propres billets et se privent du spectacle. L'aspect gendarme de l'Etat est censé se mobiliser pour empêcher cette pratique interdite. Mais cette dernière échappe à ses moyens. Le prix du billet au marché noir va se déterminer en fonction de l'offre et la demande et va tendre vers le prix d'équilibre (2e cas de figure). En fixant un prix maximum — inférieur au prix d'équilibre — l'Etat cherche à permettre à une partie de la population, en l'occurrence la plus défavorisé, d'accéder à des biens et des services. Dans le cas d'espèce, l'Etat va supporter la différence entre le prix réel d'équilibre (35D) et le prix maximum qu'il impose, soit 10D. Or avec l'apparition du marché noir, c'est seulement ceux qui payent le prix du marché qui vont pouvoir assister. Dans les deux cas de figure, la plupart de ceux qui ont assisté au match ont acheté leur billet au prix du marché. Sauf que dans le premier cas, les recettes du stade s'élèvent à 10. 10.000, soit 100.000 D. Dans le deuxième cas, les recettes seront égales à 35.10.000, soit 350.000 D. L'Etat aurait dépensé 250.000 D sans que ces jeunes défavorisés n'aillent voir le match. La subvention de l'Etat n'aura servi qu'à remplir les poches des spéculateurs. C'est l'un des arguments de toutes ces voix qui appellent à un désengagement de l'Etat de la vie économique pour laisser faire les mécanismes du marché.