Avec une douzaine de soirées qui mettent les musiques africaines, antillaises et latino-américaines à l'honneur, les milliers de festivaliers qui célèbrent l'Afrique sous la canicule montréalaise ont l'occasion de découvrir à la fois la scène world locale et des invités venus de loin pour proposer reggae, zouk, kompa, blues malien, soul, hip hop, ska, séga, maloya, rythmes afro-cubains, guitares mandingues, afrobeat, soukouss… Aux concerts nocturnes en salles s'ajoutent quatre journées de festivités gratuites en plein air, pour le bonheur des familles. L'événement a pour but de présenter chaque année le meilleur des musiques africaines, en accordant une importance égale à la tradition et à la modernité. Parmi la centaine d'artistes, musiciens, chanteurs et danseurs ayant répondu à l'appel, des révélations (Hindi Zahra, Kinobe, Agana, Nomfusi & The Lucky Charms), de grands événements (Kassav', Omar Pene, Konono no 1, Sierra Leone's Refugee All Stars) et plusieurs talents locaux. Depuis 2008, les Nuits d'Afrique proposent aussi un volet entièrement consacré aux femmes, qui connaît un franc succès. Outre Dobet Gnahoré (Côte d'Ivoire), qui inaugure la série, le festival reçoit notamment Chiwoniso (Zimbabwe) et Marianne Aya Omac (France). Productions Nuits d'Afrique, qui pilote l'événement, organise aussi chaque printemps les Syli d'or de la musique du monde, un concours musical devant public qui récompense trois artistes. Le festival devient ainsi l'occasion d'écouter le savoir-faire des lauréats de l'année, soit Kabakuwo (or), Mayé (argent) et Dji Dji (bronze). De belles découvertes en perspective ! Aboulaye Koné, un Africain de Montréal Fils de griot, Aboulaye Koné naît en Côte d'Ivoire, grandit au Burkina Faso, puis s'installe au Québec en 2000. Artiste depuis toujours – il maîtrise la guitare, le djembé, ainsi que presque tous les autres instruments –, il découvre à Montréal une scène musicale africaine dont il devient rapidement un acteur important. «En voyant toute la ville danser et faire de la musique africaine comme ça, en famille, entre amis, entre voisins, je me suis dit : 'C'est pas possible!' J'ai l'impression que tous les différents pays et le continent (africain) font les choses ensemble.» Cet esprit de réunion, à la base de l'événement Nuits d'Afrique, l'incite à poursuivre sa carrière musicale au Québec: "Ça m'a donné une ouverture. J'ai grandi dans la musique, j'ai fait toute ma vie avec la musique, mais quand je suis arrivé à Montréal, j'ai eu envie de pousser encore plus loin et partager mes compositions." Depuis, celui qui est considéré par le festival comme "le seul musicien de la scène locale qui peut accompagner tous les artistes africains de passage à Montréal" mène de front plusieurs projets qui ont en commun de faire connaître la culture africaine. Parmi ceux-ci, son groupe Bolo Kan, fondé en 2004. "Dans le groupe, il y a des Mexicains, des Guinéens, des Ivoiriens, un Burkinabé, un Québécois…On fait des percussions, de la danse, du jazz, du rock, du blues africain, de la musique mandingue d'Afrique de l'Ouest. Bolo Kan a plusieurs couleurs." Les trois volets distincts du groupe sont : "Percussions ou le Village" (formation avec troupe de danseurs, récipiendaire du Syli d'or 2009), "Moderne ou le métissage urbain" (big band afro-québécois, Syli d'argent 2008) et "Acoustique ou sous le baobab" (guitare mandingue). Autant de formules pour faire découvrir différents aspects des musiques d'Afrique. En plus de diriger Bolo Kan, Koné est membre de deux groupes : la formation jazz François Bourassa Ensemble, où il est percussionniste, et Buntalo, mené par le joueur de kora Zal Idrissa Sissokho, dont il est le guitariste. L'autre voie par laquelle il aime partager les cultures africaines se nomme S'temps d'art africain, "une coopérative de travail qui veut faire connaître l'Afrique aux Québécois". Axée sur la danse et les percussions, l'école vise avant tout la découverte par l'expérience et est ouverte à tous les curieux. "Pour connaître, il faut venir voir. Ce ne sont pas des connaissances écrites sur papier. L'école te parle directement, te met naturellement dedans parce que nous avons appris tout ça de cette façon. Je veux faire comprendre qu'il y en a pour tout le monde dans la musique et la danse africaines. Que tout le monde est africain à sa façon !" Les Etoiles des Nuits d'Afrique Koné participe chaque année aux Nuits d'Afrique avec Bolo Kan ou autres formations amies. L'événement lui donne cette année carte blanche, avec une série de concerts nocturnes partagés avec des invités spéciaux. Toutes ces soirées de rencontres exploratoires se déroulent au Club Balattou qui, en 25 ans, est devenu un lieu incontournable de la musique world à Montréal. "Si j'avais pu, j'aurais invité toute la scène musicale de Montréal ! s'exclame-t-il. Mais j'ai dû choisir seulement 5 invités, des amis. Il y a David Mobio de Côte d'Ivoire qui joue du clavier, Lasso qui vient du Burkina Faso et joue de la flûte mandingue et de la flûte peule. Nazir Bouchareb, du Maroc, et Lévy [Bourbonnais], un harmoniciste montréalais avec qui j'ai commencé il y a 4 ans." Il invite aussi Zal Idrissa Sissokho, complice de longue date. Koné explique l'esprit de ces soirées uniques qu'il est très fier de présenter : "On veut montrer comment on travaille au pays, comment nous, en Afrique, nous improvisons. Notre improvisation, c'est de la composition et tout le monde a le droit d'y participer, à sa façon, dans le contexte mandingue." Le musicien insiste sur l'importance de la spontanéité de la formule : "La musique, elle vit. Il ne faut pas trop lui serrer le cou. Si tu lui serres le cou, elle ne pourra pas respirer !" (RFI)