En arrivant samedi soir à Ennajma Ezzahra, on s'attendait à une belle soirée comme Mûsîqât a l'habitude de nous en offrir : du bon son, de la découverte et de la virtuosité. Et, même si la soirée d'ouverture était sous le signe de la musique africaine, mandingue plus précisément, on s'attendait à plus que de la musique simplement traditionnelle. Et c'est en effet ce qui se passa. Dès que Babani Koné fit son entrée sur scène avec sa formation de musiciens, l'enchantement eut lieu. Elégante, elle l'était dans sa robe aux couleurs de l'Afrique et sa coiffe qui rehausse son visage souriant. Mais au-delà de son apparence dans la pure tradition vestimentaire, Babani Koné nous a offert une soirée pleine d'innovation et de créativité, avec des morceaux jazzy et de la fusion bien dosée. Rien d'étonnant de la part de cette petite-fille de griotte qui accompagnait sa grand-mère dans les mariages et les baptêmes et qui jouait au choriste depuis sa plus tendre enfance. Babani est, en fait, une artiste qui a appris très tôt l'art de la scène. Intelligente et ambitieuse, elle a révélé ses talents de chanteuse, assimilant avec facilité les gestes techniques et les intonations vocales de la grand-mère. Fortement imprégnée de cette grande tradition de griotte, elle ne refuse nullement l'ouverture sur le monde et les sonorités nouvelles. Et l'acoustique des instruments traditionnels comme le kora, le n'goni, le balafon et le djembé, fait bon ménage chez elle avec celle de la guitare, de la basse et de la batterie. Et même si on n'a compris aucun mot de ses chansons, la chaleur de sa musique et son jeu de scène étaient plus qu'envoûtants. La salle était entraînée dans le sillage de ses rythmes, par la grâce de sa gestuelle. La salle était totalement à ses pieds, elle suivait sans ciller les faits et gestes de cette enchanteresse qui les appelait sur scène à danser et à partager un moment de joie et de fête. Dans le défoulement, des billets de banque tombaient de partout aux pieds de la diva qui savait très bien comment faire plaisir à son public. La soirée a été clôturée avec une chanson sur l'indépendance du Mali et un hommage à un ancien guerrier, après avoir chanté les maux de l'Afrique en évoquant, dans ses chansons, des sujets tabous ou ignorés, tels que le sida, la polygamie, la pauvreté ou le chômage…. Babani a séduit tout le monde par son professionnalisme et sa sensibilité. Un savoir-faire qui a fait d'elle non pas une simple reproductrice de tradition, mais celle qui sait la réinventer tout en restant proche d'une jeunesse africaine en quête de repères.