La danse est un rituel où le corps questionne le monde. Sous le slogan «Danse avec les mots», «Al kalimat» et «Tunis capitale de la danse» se présentent cette année comme un double événement qui se tient à Tunis entre le 29 avril et le 3 mai. « Tunis capitale de la danse» en est à sa quatorzième édition. «Al kalimat» est son cadet de dix ans et consiste en des lectures publiques et des rencontres autour des livres et de leurs faiseurs. Pour le programme de cette année, la danse a précédé les mots avec des spectacles au Mondial et au 4e art. Deux jeunes talents ont dansé pour le public jeudi après-midi. Marwen Errouine en chorégraphe et danseur, a mis en scène «Ras Nahej», une danse partagée avec Zouhair Gouga, Mariem Bouajeja, Emna Mouelhi et Amel Laaouini. Ils incarnent des personnages tout droit sortis de l'imaginaire de Marwen Errouine, nourri de l'imaginaire commun. On retrouve sur scène un accordéoniste qui défait et refait son instrument, tandis qu'une danseuse étoile au gros ventre lance sa boîte à musique et effectue de gros gestes. Les autres personnages sont en uniforme. Ils sont tantôt doux tantôt durs. Leurs rencontres, dans un coin de rue (Ras Nahej en tunisien), vont de la confrontation à la complaisance. L'intention du chorégraphe est de «créer une durée, chercher l'autre, vider certains espaces, remplir des zones de silence, inventer une nouvelle danse, aller vers des mains tendues et des larmes prêtes à jaillir». A cette fin, il nous offre une danse où les personnages sont au service du rythme, où les pas prennent la place des dialogues pour créer le sens. Inégal mais recherché. Après une pause pour changer de décor, c'est Wael Marghni qui investit la scène. Celle-ci est couverte de nattes. Le danseur entame un rituel d'ablutions où il donne le ton de sa chorégraphie «koffirtou». Danse et islam se rencontrent dans les pratiques soufies, dont s'inspire Wael Marghni afin de danser des questions qui le rongent. Sur scène, la lumière est comme un rayon qui semble venir de là-haut. La purification par l'eau précède chaque question posée, dont le corps se fait médium. «Peut-on être croyant et artiste? Que croire ou plutôt qui croire?», se demande-t-il. Sans prétendre détenir la réponse, nous croyons que l'artiste est le plus pieux des croyants. S'il croit en son art, celui-ci est sa prière.