Sur le parking du théâtre romain de Carthage; transformer des structures de fer, en réceptacle susceptible d'accueillir une exposition créant sur trois niveaux, un parcours spirituel, une mosquée virtuelle où une vingtaine d'artistes arabes traduisent le parcours des croyants et des orants. Ils ont affronté les flots, sillonné les routes de la mer, porté les richesses du Sud aux cités du Nord, caboté, bourlingué, livré des vivres, des machines, caché des harraguas peut-être, et sont venus s'échouer.....sur ce terre-plein d'une des cités les plus glorieuses de l'Histoire : Carthage. Là, face à ce théâtre romain du haut duquel les siècles les jaugent, face à cette mosquée, haut lieu de spiritualité, ils se préparent à une nouvelle vie. Une vingtaine de containers, rouillés, patinés, laminés par le sel et les embruns, cabossés par les grues et les treuils, sont en train d'être transformés en ...musée. Il fallait y penser, et surtout y croire. Ils sont neuf, membres d'une équipe de choc, qui se sont donné pour nom avec dérision «le radeau de la Méduse», un peu fous probablement, croyant aux miracles certainement, à s'être lancés dans cet invraisemblable challenge. Transformer ces structures de fer, ces tubulures, ces tôles en réceptacle susceptible d'accueillir une exposition. Et pas n'importe quelle exposition puisqu'il s'agissait de créer, sur trois niveaux, un parcours spirituel, celui de la foi et de la connaissance, une mosquée virtuelle où une vingtaine d'artistes arabes, tous passionnés par la gageure, traduisent, dans leur langage artistique, le parcours des croyants et des orants. Il y a, d'abord, Maya l'architectoriste comme on s'amuse à l'appeler, qui inventa le découpage et l'agencement de ces containers. Travailler sur un tel matériau, aussi insolite fût-il, n'est pas nouveau pour elle. Elle avait déjà gagné plusieurs concours internationaux, pour lesquels elle proposait de construire rapidement des écoles en réutilisant des containers. La légèreté avec laquelle elle agence ces mastodontes, les décrochés, les porte-à-faux, les dénivelés de ses façades sont d'un brio et d'une maîtrise étonnante. Et puis, il y a Taïeb Jellouli, le «zénographe», qui a l'habitude de scénographier l'invraisemblable.....pour le cinéma. Star Wars, c'est lui. Il n'a jamais travaillé pour un musée ou une galerie, et relever le défi le tentait. Ici, il s'agit pour lui de créer des atmosphères, des glissements de tons, des correspondances, des unités de lieux et des ruptures. Un travail d'orfèvre, tout en subtilités Il y a l' «ingénieuriste» Adnan Ben Zineb, et Rached Ben Hamadou, «le blindage fondu», qui, à eux deux, ont rendu possibles les rêves les plus fous et les délires poétiques de ce team qui refuse d'avoir les pieds sur terre. Il y a encore Benedetta Ghione, qu'on appelle «le baume réparateur», ce qui dit tout sur sa mission, et également Wael Mansour et Youssef Ben Ammar «Avant-première du fait accompli» La dernière touche, c'est lui, Ahmed Bennys, «lumière éclair», le magicien de la lumière. Fulminant, fulgurant, il est tout en éclairs et en étincelles. Il en sort toujours quelque chose que ce génial démiurge, porteur du feu, maîtrise avec brio. Et puis, bien sûr, il y a celle qui les entraîna dans cette invraisemblable aventure, sut leur faire partager sa foi dans ce projet, et les convaincre que l'impossible était possible : Lina Lazaar «concepteur et commissaire dans le noir». Organisant chaque année, Jaou Tunis, rencontre d'artistes, de collectionneurs, de curateurs, de critiques d'art, elle souhaitait, pour la première fois, monter une exposition dans ce cadre Ceci est, ou du moins sera le contenant. Quant au contenu, il ne s'explique ni ne se raconte. Ce sera une expérience sensorielle, esthétique, spirituelle qui se vit. Laissons néanmoins Lina Lazaar tenter de le présenter : «L'exposition «le monde entier est une mosquée» interroge la possible échappée de l'espace sacralisé, et la probable sacralisation de l'espace séculier. La mosquée serait alors partout, et la foi une affaire de cœur avant d'être une affaire de clôture.....Si le monde était une mosquée, il ne s'y passerait pas ce qui se passe aujourd'hui. Il n'y aurait pas tant de haine, de guerres de conflits. Car la mosquée est un lieu de paix et de méditation d'abord....Si le monde était une mosquée, on y entendrait des prières qui seraient avant tout une consécration de l'humain. L'on y verrait affluer ceux qui ont au cœur l'amour de leur prochain». Une vingtaine d'artistes arabes y ont cru, et ont créé des œuvres pour ce parcours, engagé leur regard, et invité à une quête. Alors oui, à partir du 30 mai, sur le parking du théâtre romain de Carthage, le monde entier est une mosquée