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Oueriemmi Sayah: L'ingouvernable Tunisie!
Publié dans Leaders le 02 - 03 - 2020

Depuis le 14 janvier 2011, l'Etat Tunisien n'est plus l'image de lui-même et a, semble-t-il, perdu l'essence de son mode de gouvernement. Nous entendons par mode de gouvernement tout le système étatique et non le gouvernement au sens réduit et étroit du terme. En effet, le mode de gouvernement de l'Etat en Tunisie a subi un séisme inédit dans son histoire contemporaine, et a été entaché de paradoxes multiples, voire de contradictions profondes.
Nous cherchons successivement les aspects ainsi que les facteurs de la crise du système étatique Tunisien (1) , pour, ensuite, essayer de proposer d'ultimes remèdes à ce système (2).
1/ Facteurs et aspects de la crise du mode de gouvernement tunisien
La Tunisie est, vraisemblablement, condamnée à être gouvernée plus par sa position géographique, son climat et ses caractères naturels ainsi que par ses conditions historiques, que par des Hommes, qui étaient, tout de même , assez présents dans la succession des différentes périodes historiques qu'a vécues la Tunisie (Hannibal, Jughurta, Kheiredine, Bourguiba). L'aspect conflictuel au sein de la société autour des belligérants du pouvoir était omniprésent (husseinites-bachistes, youssifites-bourguibistes...Sans oublier, à l'échelle locale, des confréries regroupées autour des Hommes pieux...).
La fondation de Carthage, par les Phéniciens de Tyr, en 814 avant J.-C., marquera les vrais débuts de l'histoire de la Tunisie, passant par la conquête romaine en 215 avant J.-C., l'occupation par les Vandales en 440 et par les Byzantins en 533, la conquête arabe en 647 pour les temps anciens. Selon Jean-François Martin dans son ouvrage (La Tunisie de Ferry à Bourguiba, Edition de L'Harmattan 1993), "Les époques récentes ont vu l'établissement des Turcs à partir de 1574, le relâchement de leur domination, la mise en place du protectorat français en 1881, l'accession à l'indépendance en 1956".
L'interférence de la géographie, du climat et ses spécificités naturelles et de l'histoire témoigne de la présence de paradoxes et de clivages qui influent sur le mode du gouvernement étatique. La Tunisie fait l'objet de l'amalgame de ces aspects déséquilibrés et souvent conflictuels. Le nord de la Tunisie est la région située entre la mer et la dorsale montagneuse. Elle est la plus favorisée parce qu'elle est la plus humide (plus de 400 mm/an de pluie). Elle représente moins de 1/3 du territoire qui nourrit plus de la moitié de la population. C'est cette faveur qui a contribué à développer deux capitales (Carthage et Tunis). Le centre est la région de la steppe entre la dorsale et la chaîne de Gafsa où le climat se dégrade en une sécheresse de plus en plus marquée (entre 200 et 400 mm/an de pluie). C'est la zone de rencontre entre nomades et sédentaires. Elle réunit deux ensembles, la côte et l'intérieur. Le Sahel entre Nfidha et Skhira regroupe une population nombreuse dans un réseau de villages et de villes d'où se détachent, Sousse, Mahdia et Sfax. Les steppes intérieures plus élevées sont moins favorisées. "L'influence maritime cède devant la continentalité, les steppes, partiellement mises en culture pendant l'antiquité, demeurent une zone de nomadisme après les invasions bédouines du XIème siècle" ( J. F. Martin). Vient, maintenant, le sud, la ligne Gafsa-Gabes, où commence la Tunisie présaharienne et désertique. Une zone étendue sur près de la moitié du territoire national. Un paysage relativement diversifié (chotts salés, maigres steppes d'alfa...) témoigne de la pauvreté du milieu qui développe une vie de nomadisme ou de sédentarisme dans les oasis.
Ainsi, il paraît, conclut J. F. Martin, "qu'en raison de son climat et de ses caractères naturels, la Tunisie est un pays fragile, aux récoltes incertaines, où les temps de troubles, de relâchement de l'effort, entraînent, inéluctablement, une régression économique et sociale .
S'agissant des conditions historiques, la Tunisie n'a subi, après la chute de Carthage, que des invasions et des conquêtes successives et sur des périodes de domination distancées. Pendant toutes ces périodes, elle n'a jamais été une métropole parce que le pouvoir central de ses conquérants était toujours loin de ses terres. Le développement des cités tunisiennes dépendaient de l'importance de l'expansion impériale des conquérants selon que la Tunisie se rapproche du centre des métropoles dominantes où reste dans la périphérie. On trouvait des cités romaines, byzantines et arabo-musulmanes qui ne seront que des capitales de la province d'Africa chez les romains, la province d'Afrique chez les byzantins, Ifriqiyya ou la province de Kairouan qui remplace Carthage chez les Arabes. Au Moyen-âge, Tunis acquiert peu à peu la prédominance et devient capitale d'Ifrikya sous les Almohades, puis son nom se transmet au pays qui sera nommé successivement Royaume de Tunis, Iyala (province) de Tunis, régence de Tunis et enfin République Tunisienne. Alors que sous les Carthaginois, la Tunisie était elle-même, une métropole dominante, tout le territoire appartenait à la cité de Carthage (provinces d'Africa, zengitania et bysacena).
Le fait de subir les conquêtes venues de loin sans que la Tunisie, ait une autodétermination socio-économique, était en soi un facteur qui empêchera souvent la consolidation d'un pouvoir central favorisant la cohésion sociale et nationale, diminuant les méfaits des déséquilibres géographiques et climatiques et atténuant l'influence des séquelles de l'histoire.
L'une des grandes séquelles de l'histoire tunisienne est celle du fait que la Tunisie n'était pas au rendez vous du siècle des lumières et de la révolution industrielle. Le manquement à ce rendez vous était, selon Bourguiba, la cause directe de la colonisation. C'est ce que ce dernier, grand lecteur rationnel de l'histoire, voulait, magistralement, faire comprendre à un autre grand lecteur de l'histoire, mais d'une manière passionnelle, (le colonel Kadhafi) au Palmarium lors d'un discours bien que fortuit, restera gravé dans l'histoire.
L'indépendance, aux yeux de Bourguiba, se réduit à la quête de cette autodétermination politique et surtout socio-économique perdue depuis la chute de Carthage. Seul un État fort par son pouvoir central, soucieux de réduire le grand décalage intervenu suite au rendez vous manqué avec la révolution rationnelle et industrielle, pourrait réaliser l'autodétermination politique, économique et sociale recherchée. Deux hommes de l'histoire contemporaine tunisienne ont été habités par ce désir d'autodétermination profonde, ils entamaient des réformes en ce sens. Le premier, Kheiredine, qui malgré ses grands efforts et ses bonnes intentions de modernisation de l'économie et des institutions de l'Etat, incontestablement reconnu par tout le monde, sauf par les siens, soit par ignorance, soit par jalousie, n'a pas pu empêcher la colonisation directe de son pays. Il était convaincu que son projet réformiste lui serait une condition de la sauvegarde de l'indépendance. Il disait, dans un mémoire de sa vie privée et politique 1888,
"à l'appui de notre thèse, rappelons ici ce qu'enseignent les auteurs européens dans leurs ouvrages sur la politique de la guerre à savoir que les États qui n'imitent pas leurs voisins dans le perfectionnement des armes et du système militaire finissent tôt ou tard par devenir la conquête de ces mêmes pays voisins".
Le second, Bourguiba, œuvrant durant les deux tiers de sa vie à l'indépendance de son pays, entamait son projet de réforme pour créer un État moderne qui devrait, en peu de temps, rattraper son retard de développement dû au manquement de son rendez-vous avec la révolution industrielle. Il disait qu'il ne faut pas oublier, si on va lentement, on recule".
À présent, la Tunisie risque de manquer le rendez vous d'une autre révolution, C'est celle dite digitale ou celle de l'intelligence artificielle...
2/ Les remèdes à la crise du mode de gouvernement tunisien
Les solutions de la crise du système étatique tunisien ne pourraient être qu'autour des grandes idées réformistes de Kheiredine et de Bourguiba, parce qu'hormis l'évolution naturelle des temps et les acquis réalisés par l'Etat national de l'après indépendance, le paysage précédemment décrit est presque toujours le même, la géographie ne change pas, le climat non plus, les nomades sont à leur endroit, les sédentaires et les citadins aussi. Même si leurs modes de vie ont changé, les mentalités de chaque catégorie restent inchangées. L'enseignement de l'histoire qui en résulte c'est que le développement du nomadisme a souvent coïncidé avec les périodes difficiles d'appauvrissement et de recul du pouvoir central. La lecture de la période qui précède le protectorat français, notamment, celle de la révolte de l'intérieur du pays dite révolte de Ali Ben Ghathehem, passant par l'installation de la commission gérant les dettes de la Tunisie et l'échec des réformes de Kheiredine, jusqu'à la colonisation française nous projette dans notre actuelle décennie postrévolutionnaire et vice versa. Les deux périodes, bien qu'elles soient éloignées, l'une de l'autre, s'associent aux mêmes crises socio-économiques, aux mêmes malversations et corruptions, aux mêmes surendettements et aux mêmes immoralités...
Paradoxalement, conclut le Professeur Ahmed Friaa, dans son article intitulé "cinq propositions en vue d'un minimum d'espoir" paru dans le quotidien La Presse du 14 janvier 2020, "les principales revendications du citoyen lambda sont à connotation essentiellement socio-économique, touchant à sa vie quotidienne, alors que la réponse à ces revendications légitimes ne peut être que politique et culturelle".
Jadis, les tentatives de réformes sont réalisées par des moyens et des hommes politiques, c'est-à-dire par l'action politique entreprise par des leaders historiques qui ont cru à un espoir, à un rêve ou à une ambition auxquels adhère le peuple. Cela commence par l'individu, sans toutefois, renoncer au processus démocratique, et ça s'achemine par l'adhésion du peuple et la réalisation commune. Il en fut toujours ainsi.
• La sortie de la crise commence, donc, par un projet d'Etat fort dont les institutions devraient s'articuler autour d'un pouvoir central juste et rigoureux par la force de la loi garantissant des droits et des devoirs de tous les citoyens, qui devraient avoir droit à une égalité juridique et à une égalité des chances, qu'ils soient nomades, ou semi-nomades, sédentaires, ou citadins, qu'ils habitent la côte ou l'intérieur, le nord ou le sud, la campagne ou la ville...
Le régime politique prévu par la constitution de 2014 devrait être réformé en vue de l'adoption d'un régime Présidentiel auquel la Tunisie et les Tunisiens sont, traditionnellement, habitués. En effet, le paradoxe actuel, selon lequel le président de la République (le leader de la nation dans l'imaginaire du peuple), bien qu'élu au suffrage universel, n'est doté que de prérogatives minimes, alors que le large pouvoir est dispatché entre les partis politiques récemment créés ou, néanmoins, récemment réorganisés et qui n'ont aucune tradition de gouvernement.
De plus, le mode électoral adopté ne servira jamais à dégager une majorité homogène et claire capable de gouverner, ce qui donne un pouvoir faible, hésitant et incapable d'entreprendre les grandes réformes. Pouvoir incapable de redonner l'espoir et l'ambition de travailler à une population affaiblie et une jeunesse désespérée en face d'un monde globalisé et dominé par le savoir, selon l'expression du Professeur Friaa. Une jeunesse qui voit quotidiennement, sur ses tablettes et smartphones, ce monde en train d'avancer à une vitesse étonnante. Une jeunesse qui espère vivre au rythme du passage d'un monde que le Professeur Friaa qualifie "...de newtonien, où les notions de temps et d'espace sont indépendantes de l'observateur et de ses mouvements éventuels, à un monde plutôt relativiste où le temps se rétrécit au fur et à mesure qu'augmente la quantité d'informations reçues et l'espace devient virtuel."
• Un État fort, capable par la voie et la voix de la loi d'imposer une réconciliation nationale dans le but d'user de toutes les forces productives du pays (compétences et capitaux...) sans exclusion ni division. L'Etat devrait être au dessus de tous et devrait veiller à ce que toutes les compétences participent à l'édifice national. Un État capable d'adopter un modèle de développement basé sur l'investissement dans le savoir et l'intelligence surtout que la Tunisie est dotée, en la matière, des atouts et des potentialités considérables (la matière grise selon l'expression chère à Bourguiba). Un État qui travaille sur le changement des mentalités archaïques entachées de régionalisme, de sectarisme et de "secteurisme", vers un patriotisme fondé sur l'amour de la patrie et le désir de vivre ensemble, fiers de notre "tunisianité", tout en restant tolérants et généreux. Tout cela ne serait assuré que par une dynamique nationale axée sur la culture, l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche scientifique. C'est ce que pourrait être un Rêve Tunisien.
Me Oueriemmi Sayah


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