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Tarek Kahlaoui - L'opportunité diplomatique en Libye: Combler le vide de médiation crédible!
Publié dans Leaders le 03 - 06 - 2020

Par Tarek Kahlaoui - Centre des études stratégiques sur le Maghreb (CESMA), Ancien DG de l'ITES - La Libye est actuellement un casse-tête géopolitique majeur. Cependant, cela a été l'occasion d'augmenter le pouvoir des principaux prétendants en Afrique du Nord tels que la Turquie et la Russie. La Tunisie ne peut rivaliser avec de tels poids lourds militaires et économiques. Mais dans la crise libyenne, elle peut utiliser sa position actuelle pour jouer un rôle crucial. Combler notamment le grand vide de médiateurs crédibles dans un conflit qui ne peut être résolu que politiquement.
1-L'échec de la solution militaire de Haftar et ses alliés
La situation sur le terrain est encore compliquée mais devient plus claire et essentiellement le grand changement c'est l'échec de la solution militaire de Haftar et sa fuite en avant politiquement.
Sur le plan militaire nous avons donc la principale division entre les forces de gouvernement d'accord national (GNA) dirigé par Fayez Sarraj basé à Tripoli et reconnu par l'ONU depuis mars 2016 et l'armée nationale libyenne (ANL) dirigée par Khalifa Haftar, soutenue par la Chambre des représentants et basée à Benghazi.
Il y a encore quelques semaines, jusqu'à la mi-avril, les forces de Haftar assiégeaient pratiquement Tripoli et contrôlaient les différents sites qui l'entouraient. Mais depuis le 13 Avril les choses ont basculé et les forces du gouvernement de Tripoli ont pris le contrôle de nombreux sites le long de la côte comme Sabratha, puis elles ont pris plus récemment la base aérienne stratégique de al-Watyia très près des frontières tunisiennes. Maintenant, ils avancent sur Tarhouna (au sud de Tripoli) et les forces de Haftar sont en train de reculer et même abandonner parfois leurs positions au sud de la capital.
Une des principales raisons pour lesquelles cela se produit est l'augmentation du soutien aérien turc, notamment par leurs différentes versions des drones Bayraktar.
De plus, la défense aérienne turque est de plus en plus présente et met effectivement fin à la supériorité des forces de Haftar dans les airs. Cela a permis aux forces du gouvernement de Tripoli d'avancer rapidement et efficacement sur le terrain.
Une autre raison qui pourrait expliquer l'affaiblissement de Haftar et ses défaites est qu'il a perdu du soutien du côté ouest à cause des grandes pertes économiques et humanitaires parmi la population comme ça a été souligné par Stephanie Williams (la représentante spéciale en Libye par intérim de l'ONU) dans son dernier rapport le 19 Mai 2020.[1]
De toute évidence, sur le plan politique, le processus de la conférence de Berlin est non seulement au point mort, mais il est devenu non pertinent en raison des développements sur le terrain. Par ailleurs, Haftar, lors des dernières défaites, a décidé de mettre fin à la plateforme juridique sur laquelle la communauté internationale fonde son approche que sont les accords de Skhirat, se déclarant un leader unique et ciblant efficacement la légitimité du parlement de Benghazi. Cela a probablement créé une fracture parmi ses partisans à l'est et beaucoup désignent le président du parlement de Benghazi Aguila Saleh comme un rival croissant de Haftar. Nous devons également souligner que le principal rival de Haftar restera Seif al-Islam Kadhafi avec ses forces “vertes”, certes alliés de Haftar sur le terrain mais qui n'étaient pas satisfaites de la direction des dernières batailles et de la déclaration de Haftar qu'il est le chef dominant.
Mais toutes ces divisions et conflits à tous les niveaux ne peuvent être compris sans les alliances stratégiques des moyennes puissances internationales et régionales.
2-L'influence étrangère en métamorphose
L'échec de la solution militaire de Haftar a un impact sur ses alliés internationaux. Les Émiraties sont les plus gros perdants car ils sont les seuls partisans d'une solution militaire totale. Les Egyptiens et les Français sont clairement plus intéressés par une solution politique, qui les pousserait à rechercher une alternative à Haftar notamment Aguila Saleh. Les Russes, comme nous le verrons, seraient plus intéressés à renforcer leur propre présence indépendamment des agents locaux; on sait déjà qu'ils sont en contact avec Seif al-Islam et pas seulement Haftar.[2] Et les Turcs sont actuellement les principaux gagnants. Un tel paysage suggère surtout l'intérêt des puissances étrangères à renforcer leurs gains et à limiter leurs pertes. Ainsi, la possibilité de partition entre l'est et l'ouest deviendrait une option forte dans la phase à venir.
Un élément majeur pour comprendre le rôle important des acteurs étrangers dans le conflit militaire sur le terrain est de suivre les forces mercenaires et les armes importées. Pour cela, nous devons faire attention aux sources car il y a beaucoup de fake news et de biais médiatiques. La seule source crédible à ce sujet est le rapport cyclique du groupe d'experts et les photos et informations publiées par les sources militaires officielles.
Quelques observations s'imposent:
D'abord, le dernier rapport de l'ONU (Avril 2020) par le groupe d'experts divulgué aux médias (à Bloomberg le 14 mai) révèle l'influence importante des Émiraties: une équipe de mercenaires occidentaux liée à deux sociétés basées à Dubaï a été brièvement déployée en Libye pour aider Haftar dans son offensive pour capturer Tripoli.[3] Le rapport a révélé que six anciens hélicoptères militaires ont été acquis et envoyés en Libye pour le projet dans ce qu'il a qualifié de non-respect d'une résolution des Nations Unies pour un embargo sur les armes en Libye.
Le rapport précédent du groupe d'experts publié en décembre 2019 souligne aussi que les deux parties au du conflit ont reçu des armes, du matériel militaire et un appui technique et fait appel à des combattants non libyens, en violation des mesures de sanction liées aux armes.[4] Les Émirats arabes unis, la Jordanie et la Turquie ont fourni régulièrement des armes, parfois de manière flagrante, sans se donner la peine d'en dissimuler la provenance. Le Groupe d'experts a également relèvé la présence de groupes armes soudanais et tchadiens à l'appui des forces affiliées au GNA et à l'ANL.
La France est également connue pour soutenir Haftar sur le front du renseignement mais aussi diplomatiquement. Cela fait partie de l'approche française en Afrique qui est sa croyance en des hommes forts qui pourraient gouverner les pays africains et imposer la stabilité.
La position française a causé une division au sein de l'OTAN et entre les Européens. L'Italie soutient le gouvernement Sarraj et est clairement en désaccord avec la France.
En revanche, la Turquie est devenue au cours des six derniers mois un acteur majeur de la modification de l'équilibre des pouvoirs. Beaucoup indiquent que les États-Unis donnent le feu vert à Ankara pour accroître sa présence afin de contrer le rôle russe.
Cela s'ajoute aux informations déjà connues sur l'importance croissante des mercenaires russes de la société Wagner, très proche du Kremlin. La Russie a officiellement fait attention à son implication en Libye et à la dissimulation de son soutien à Haftar.
L'Africom de l'armée américaine s'est concentré en particulier sur la présence russe et a publié la semaine dernière des photos d'avions Mig et Sukhoi récemment transportés en Libye. Les États-Unis voient cela comme un “changeur de jeu/game changer" suggérant que la présence russe croissante est censée faire pression sur les Européens afin de mettre fin aux sanctions de l'Union européenne contre la Russie.
3-Washington est inquiète mais elle n'interviendrait pas
De toute évidence, les États-Unis ne sont pas satisfaits de l'influence croissante de la Russie en Libye. Nous devons examiner cela stratégiquement. La Russie est toujours considérée comme un rival et une cible majeure de la politique d'expansion de l'OTAN. La présence d'avions russes suggère une présence officielle aux frontières sud de l'Europe occidentale, à quelques centaines de kilomètres des côtes des membres de l'OTAN tels que l'Italie et la Grèce. L'AFRICOM a mentionné la possibilité d'installer des missiles russes en Libye comme une possibilité forte et suggérant ainsi une menace directe pour l'OTAN.
Cependant les positions américaines semblent rappeler des positions stratégiques mais sans réel effet sur le terrain. Soyons clairs ici : les États-Unis ne voient pas la Libye comme leur principale priorité, c'est même au bas de leurs priorités. L'administration Trump mène une stratégie d'isolement et de retrait des forces américaines des conflits et de réduction de sa présence à l'étranger. Il n'y aura pas de président américain qui s'aventurerait dans le conflit libyen difficile et compliqué, en particulier après le meurtre de l'ambassadeur américain en Libye en 2012.
Pour les États-Unis, leur politique en Libye est gérée par les Turcs. Un allié proxy pour contrer le rôle croissant de la Russie. Cependant, ils ne peuvent pas compter sur leurs autres alliés de l'OTAN qui sont en désaccord, en particulier la France et l'Italie.
4-La Tunisie en face de la tourmente Libyenne
Aujourd'hui, la Tunisie est confrontée à un conflit de plus en plus compliqué à ses frontières, sans fin claire et avec une implication internationale accrue… également de forces qui n'étaient pas traditionnellement essentielles en Afrique du Nord au siècle dernier à savoir la Turquie et la Russie. Les anciennes forces occidentales fréquentes telles que les États-Unis, la France et l'Italie sont de moins en moins influentes.
La Turquie est clairement là pour rester pour des raisons stratégiques. La Turquie se considère comme une puissance moyenne montante qui a un rôle à jouer le long de la Méditerranée et des intérêts à protéger en particulier dans les réserves de pétrole et de gaz.
La Russie a toujours rêvé d'être présente en Libye. Staline a demandé la Libye lors de la conférence de Potsdam en 1945. C'était un allié solide pour Kadhafi et lui a vendu de nombreuses armes. Putin a mentionné à plusieurs reprises la Libye dans le cadre de la nouvelle stratégie d'expansion russe. La Russie est aussi un vieil allié de l'Algérie. L'Algérie, concentrée sur ses problèmes internes, est à peine en mesure de suivre une politique claire lui permettant de jouer un rôle majeur. Son échec à faire accepter son ancien ministre des affaires étrangères Ramtane Lamamra par la communauté internationale en tant que nouvel envoyé de l'ONU en Libye, qui était soutenue par la Tunisie, est un exemple de son influence limitée.
Globalement, la Tunisie est coincée entre de nouvelles forces montantes dans la région, le chaos et l'absence d'une politique régionale unissant le Maghreb et les pays arabes et africains voisins.
5-La Tunisie un médiateur crédible
Pour toutes les raisons mentionnées, la seule carte restante pour la Tunisie en Libye, et elle doit avoir une carte et être impliquée, est que nous ne pouvons pas être de simples observateurs. La seule carte restante est d'être un agent de paix crédible.
Le problème majeur des forces les plus impliquées est qu'elles sont rejetées par les deux parties. Les États-Unis, qui pourraient être un intermédiaire, ne sont pas vraiment intéressés, mais ils peuvent lancer un processus de paix via les Nations Unies.
Il y a donc un vide de médiateurs d'une paix crédible. La Tunisie surtout en tant que joueur “neutre” peut le faire.
Maintenant la position de Kais Saied insiste clairement sur deux points: premièrement, que sa principale référence est la légitimité internationale, les accords signés sous la supervision des Nations Unies, y compris les accords de Skhirat, ce qui engendre la reconnaissance de GNA comme vis à vis officiel.
D'autre part, il insiste sur une solution pacifique libyenne-libyenne et refuse toute intervention étrangère, qui enflamme le conflit.
Ces deux points simples peuvent être une plate-forme unissant des éléments des deux côtés. Mais je dois souligner ici deux principes pour assurer ce rôle.
D'abord l'approche tribale du Président Saied est problématique non seulement parce que la société libyenne ne s'explique pas seulement d'un point de vue tribal (des éléments majeurs de l'équation sur le terrain tels Misrata ne peut pas être réduit à un agent tribal) mais aussi parce qu'il est difficile d'avoir un vis à vis tribal. Ainsi, de nombreux “conseils” tribaux sont perçus comme une association trompeuse de groupes d'intérêt plutôt que comme représentant leurs supposées tribus. La tribu est un facteur essentiel mais il faut beaucoup de prudence pour l'approcher.
Ensuite que cette politique doit être dirigé spécifiquement par Kais Saied. Toute interférence et confusion provenant d'autres centres de pouvoir en Tunisie rendrait un tel message problématique. Et ici, je me réfère à l'appel téléphonique de président de parliament Rached Ghannouchi à Sarraj pour le féliciter pour sa victoire à al-Watiya; cela n'aidera pas une éventuelle position de médiateur crédible pour la paix. Cela n'est pas en contradiction avec l'utilisation de hautes personnalités Tunisiennes comme Ghannouchi et d'autres comme intermédiaires possibles de Saied dans des possibles pourparlers, ce qui pourrait être utile dans certaines circonstances, mais uniquement à sa demande.
Enfin, tout cela nécessite un nouveau départ et cela pourrait être le retour des diplomates tunisiens à Tripoli d'abord puis à Benghazi. Ce sera un signal de notre ferme engagement à faire partie du processus politique.
Tarek Kahlaoui
Centre des études stratégiques sur le Maghreb (CESMA)
Ancien DG de l'ITES
________________________________________
[1] https://reliefweb.int/report/libya/acting-srsg-stephanie-williams-briefing-security-council-19-may-2020
[2] https://www.bloomberg.com/news/features/2020-03-20/how-a-russian-plan-to-restore-qaddafi-s-libyan-regime-backfired
[3] https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-05-14/western-mercenaries-went-to-libya-to-help-moscow-s-man-un-finds
[4] https://undocs.org/fr/S/2019/914


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