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Rafaâ Ben Achour: L'affaire de l'application et l'interprétation de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza devant la CIJ
Publié dans Leaders le 27 - 01 - 2024

Le 29 décembre 2023, l'Afrique du Sud a déposé devant la Cour internationale de justice une requête introductive d'instance contre l'Etat d'Israël au sujet de supposés manquements par cet Etat aux obligations qui lui incombent au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en ce qui concerne les Palestiniens dans la bande de Gaza.
Dans sa requête, l'Afrique du Sud affirme que
«les actes et omissions d'Israël revêtent un caractère génocidaire, car ils s'accompagnent de l'intention spécifique requise … de détruire les Palestiniens de Gaza en tant que partie du groupe national, racial et ethnique plus large des Palestiniens» et que, «par son comportement — par l'intermédiaire de ses organes et agents et d'autres personnes et entités agissant sur ses instructions ou sous sa direction, son contrôle ou son influence — à l'égard des Palestiniens de Gaza, Israël manque aux obligations qui lui incombent au titre de la convention contre le génocide ». La demanderesse avance également qu'« Israël, en particulier depuis le 7 octobre 2023, manque à son obligation de prévenir le génocide, ainsi qu'à son obligation de punir l'incitation directe et publique à commettre le génocide», et «s'est livré, se livre et risque de continuer à se livrer à des actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza».
L'Afrique du Sud entend fonder la compétence de la Cour sur le paragraphe 1 de l'article 36 du Statut de la Cour et sur l'article IX de la convention contre le génocide, à laquelle Israël et elle-même sont tous deux parties.
1. La demande en indication de mesures conservatoires
La requête contient également une demande en indication de mesures conservatoires, déposée conformément à l'article 41 du Statut de la Cour et aux articles 73, 74 et 75 de son Règlement.
Selon une jurisprudence constante, «le pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires que la Cour tient de l'article 41 de son Statut a pour objet de sauvegarder, dans l'attente de sa décision sur le fond de l'affaire, les droits revendiqués par chacune des parties. Il s'ensuit que la Cour doit se préoccuper de sauvegarder par de telles mesures les droits que l'arrêt qu'elle aura ultérieurement à rendre pourrait reconnaître à l'une ou à l'autre des parties»(1).
L'Afrique du Sud y prie la Cour d'indiquer des mesures conservatoires comme «protection contre un nouveau préjudice grave et irréparable aux droits que le peuple palestinien tient de la convention contre le génocide», et de «faire en sorte qu'Israël respecte les obligations que lui fait la convention de ne pas commettre de génocide, et de prévenir et de punir le génocide». Aux termes de l'article 74 du Règlement de la Cour, «[l]a demande en indication de mesures conservatoires a priorité sur toutes autres affaires».
Les 11 et 12 janvier 2024, la Cour a tenu deux audiences publiques pendant lesquelles elle a écouté les plaidoiries de deux parties sur la demande de mesures conservatoires.
Au terme des audiences, l'agent de l'Afrique du Sud et le coagent d'Israël ont présenté les demandes suivantes à la Cour :
Position de l'Afrique du Sud:
«L'Afrique du Sud, en qualité d'Etat partie à la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, prie respectueusement la Cour d'indiquer de toute urgence, dans l'attente de sa décision au fond dans la présente affaire, les mesures conservatoires suivantes en ce qui concerne le peuple palestinien en tant que groupe protégé par ladite convention.
Ces mesures sont directement liées aux droits qui constituent l'objet du différend opposant l'Afrique du Sud et Israël:
1) L'Etat d'Israël doit suspendre immédiatement ses opérations militaires à et contre Gaza.
2) L'Etat d'Israël doit veiller à ce qu'aucune unité militaire ou unité armée irrégulière qui agirait sous sa direction, avec son appui ou sous son influence, ainsi qu'aucune organisation ou personne qui se trouverait sous son contrôle, sa direction ou son influence, n'entreprenne une quelconque action visant à poursuivre les opérations militaires mentionnées au point 1) ci-dessus.
3) La République sud-africaine et l'Etat d'Israël doivent, conformément aux obligations que leur fait la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, prendre chacun, en ce qui concerne le peuple palestinien, toutes les mesures raisonnables en leur pouvoir pour prévenir le génocide.
4) L'Etat d'Israël doit, conformément aux obligations que lui fait la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, en ce qui concerne le peuple palestinien en tant que groupe protégé par ladite convention, s'abstenir de commettre l'un quelconque des actes visés à l'article II de la convention, en particulier:
a) le meurtre de membres du groupe;
b) les atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; et
d) les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe.
5) L'Etat d'Israël doit, en application du point 4) c) ci-dessus, en ce qui concerne les Palestiniens, s'abstenir de commettre l'un quelconque des actes ci-après, et prendre toutes les mesures en son pouvoir, y compris l'annulation des ordres et mesures de restriction ou d'interdiction voulus, pour en prévenir la commission:
a) expulser les populations de chez elles et les déplacer de force;
b) priver les populations:
i) d'un accès approprié à l'eau et à la nourriture,
ii) d'un accès à l'aide humanitaire, notamment en ce qui concerne les besoins en combustible, abris, vêtements, hygiène et assainissement,
iii) de soins de santé et de fournitures médicales; et
c) détruire la vie palestinienne à Gaza.
6) L'Etat d'Israël doit, en ce qui concerne les Palestiniens, veiller à ce qu'aucune de ses unités militaires, aucune unité armée irrégulière ou personne qui agirait sous sa direction, avec son appui ou en étant d'une autre manière influencée par lui, et aucune organisation ou personne qui se trouverait sous son contrôle, sa direction ou son influence ne commette l'un quelconque des actes visés aux points 4) et 5) - 3 - ci-dessus ou ne se livre à un quelconque acte constitutif d'incitation directe et publique à commettre le génocide, d'entente en vue de commettre le génocide, de tentative de génocide ou de complicité dans le génocide, et veiller à ce que, si de tels actes sont commis, des mesures soient prises pour en punir les auteurs, conformément aux articles premier, II, III et IV de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
7) L'Etat d'Israël doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d'actes relevant de l'article II de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide; à cette fin, il doit s'abstenir de refuser ou de restreindre l'accès à Gaza des missions d'établissement des faits, titulaires de mandats internationaux et autres organismes chargés d'aider à la protection et à la conservation desdits éléments de preuve.
8) L'Etat d'Israël doit soumettre à la Cour un rapport sur l'ensemble des mesures qu'il aura prises pour donner effet à l'ordonnance en indication de mesures conservatoires, dans un délai d'une semaine à compter de la date de celle-ci, puis à intervalles réguliers, tels que fixés par la Cour, jusqu'à ce qu'une décision ait été définitivement rendue en l'affaire. Les rapports devront être publiés par la Cour.
9) L'Etat d'Israël doit s'abstenir de commettre, et faire en sorte de prévenir, tout acte susceptible d'aggraver ou d'étendre le différend porté devant la Cour ou d'en rendre le règlement plus difficile. »
Position d'Israël:
«Conformément au paragraphe 2 de l'article 60 du Règlement de la Cour, et pour les motifs exposés au cours de l'audience du 12 janvier 2024, ainsi que pour tous autres motifs que la Cour pourrait juger appropriés, l'Etat d'Israël prie celle-ci:
1) de rejeter la demande en indication de mesures conservatoires soumise par l'Afrique du Sud; et
2) de radier l'affaire de son rôle.»
L'affaire portée par l'Afrique du sud contre Israël a été précédée d'autres affaires concernant d'autres Etats sur l'application et l'interprétation de la convention contre le génocide. Il s'agit des affaires suivantes:
- Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro). L'affaire introduite en 1993 a donné lieu à deux ordonnances en indication de mesures provisoires, le 8 avril et le 13 septembre 1993; un arrêt sur les exceptions préliminaires le 11 juillet 1996 et un arrêt au fond le 26 février 2007.
- Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie). L'affaire introduite le 2 juillet 1999 a donné lieu à un arrêt le 18 novembre 2008 sur les exceptions préliminaires et un arrêt le 3 février 2015 sur le fond.
- Allégations de génocide au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie: 32 Etats intervenants). L'affaire introduite le 27 février 2022 est encore pendante. Elle a donné lieu à une ordonnance en indication de mesures conservatoires le 16 mars 2022.
- Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar). L'affaire introduite le 11 novembre 2019 est encore pendante. Elle a donné lieu à une ordonnance en indication de mesures provisoires le 23 janvier 2020 et un arrêt le 22 juillet 2022 sur les exceptions préliminaires.
A la lumière de toutes ces affaires portant pratiquement sur l'application et l'interprétation de la même convention, il y a lieu de souligner que l'affaire de l'Afrique du sud contre Israël connaîtra le même cheminement, à savoir : une ou plusieurs ordonnances en indication de mesures provisoires, un arrêt sur les exceptions préliminaires et un arrêt au fond dans le meilleur des cas dans quatre ans.
2. L'ordonnance du 26 janvier 2024 en indication de mesures conservatoires
14 jours après la clôture des plaidoiries, la CIJ a rendu son ordonnance en indication de mesures provisoires à la quasi-unanimité des juges. Seuls la juge ougandaise Mme Sebutinde et le juge ad hoc israélien M. Barak ont voté contre les paragraphes 1, 2, 5 et 6 du dispositif de l'ordonnance ; alors que seule Mme Sebutinde a voté contre tous les paragraphes du dispositif.
Avant d'en arriver aux demandes formulées par l'Afrique du sud, la Cour s'est prononcée dans un premier temps sur sa compétence prima facie. Pour cela, elle devait s'assurer de l'existence d'un différend entre l'Afrique du sud et Israël et ce conformément à l'article XI de la convention sur le génocide qui «subordonne la compétence de la Cour à l'existence d'un différend relatif à l'interprétation, l'application ou l'exécution dudit instrument» (§19). A cet effet, la Cour «rappelle que, pour déterminer s'il existait un différend entre les Parties au moment du dépôt de la requête, elle tient compte notamment de toute déclaration ou de tout document échangé entre les Parties, ainsi que de tout échange ayant eu lieu dans des enceintes multilatérales» (§25). Elle constate, d'une part, que l'Afrique du sud «a fait, dans différentes enceintes multilatérales et bilatérales, des déclarations publiques dans lesquelles elle a dit estimer, au vu de la nature, de la portée et de l'ampleur des opérations militaires menées par Israël à Gaza, que les actions de celui-ci étaient constitutives de manquements à ses obligations au regard de la convention sur le génocide» (§26) et que, d'autre part, Israël «a écarté toute accusation de génocide dans le contexte du conflit à Gaza» (§27). De cette opposition, «la Cour considère que les Parties semblent avoir des points de vue nettement opposés quant à la question de savoir si certains actes ou omissions reprochés à Israël à Gaza sont constitutifs de manquements par celui-ci aux obligations prévues par la convention sur le génocide» (§28). A la lumière de cela, «la Cour [devait] établir si les actes et omissions dont le demandeur tire grief semblent susceptibles d'entrer dans les prévisions de la convention sur le génocide […]. De l'avis de la Cour, au moins certains des actes et omissions que l'Afrique du Sud reproche à Israël à Gaza semblent susceptibles d'entrer dans les prévisions de la convention » (§30). Par conséquent, «la Cour conclut que, prima facie, elle a compétence en vertu de l'article IX de la convention sur le génocide pour connaître de l'affaire».
Quant à la qualité pour agir de l'Afrique du sud, « la Cour a conclu que tout Etat partie à la convention sur le génocide peut invoquer la responsabilité d'un autre Etat partie, notamment par l'introduction d'une instance devant la Cour, en vue de faire constater le manquement allégué de ce dernier à des obligations erga omnes partes lui incombant au titre de la convention et d'y mettre fin».
Pour indiquer les mesures provisoires, la Cour dresse, sur la base de rapports d'organes compétents des NU. Elle «note que l'opération militaire conduite par Israël à la suite de l'attaque du 7 octobre 2023 a fait de très nombreux morts et blessés et causé la destruction massive d'habitations, le déplacement forcé de l'écrasante majorité de la population et des dommages considérables aux infrastructures civiles. Même si les chiffres relatifs à la bande de Gaza ne peuvent faire l'objet d'une vérification indépendante, des informations récentes font état de 25 700 Palestiniens tués, de plus de 63 000 autres blessés, de plus de 360 000 logements détruits ou partiellement endommagés et d'environ 1,7 million de personnes déplacées à l'intérieur de Gaza (voir Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'Organisation des Nations unies (OCHA), Hostilities in the Gaza Strip and Israel reported impact, Day 109 (24 Jan. 2024) (§40).
Les mesures prononcées par la Cour, même si elles ne reprennent pas in extenso les demandes de l'Afrique du sud, vont dans leur direction. En conséquence, la Cour a prononcé les mesures suivantes:
«1. L'Etat d'Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l'encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d'application de l'article II de la convention, en particulier les actes suivants:
a) meurtre de membres du groupe;
b) atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
2) Par quinze voix contre deux, l'Etat d'Israël doit veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés au point 1 ci-dessus;
3) Par seize voix contre une, l'Etat d'Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l'incitation directe et publique à commettre le génocide à l'encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza;
4) Par seize voix contre une, l'Etat d'Israël doit prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d'existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ;
5) Par quinze voix contre deux, l'Etat d'Israël doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d'actes entrant dans le champ d'application des articles II et III de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide commis contre les membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza;
6) Par quinze voix contre deux, l'Etat d'Israël doit soumettre à la Cour un rapport sur l'ensemble des mesures qu'il aura prises pour donner effet à la présente ordonnance dans un délai d'un mois à compter de la date de celle-ci.»
La première mesure a une grande portée et emporte des conséquences importantes. En effet, le fait que la Cour ordonne à Israël de «prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l'encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d'application de l'article II de la convention, en particulier les actes suivants : a) meurtre de membres du groupe; b) atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; et d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe» implique ipso facto qu'Israël arrête ses frappes aériennes et ses attaques terrestres et maritimes, sinon on voit mal comment on parviendrait à éviter le meurtre de membres du groupe, etc. avec la poursuite de l'offensive armée israélienne. Il en est de même pour la deuxième mesure qui demande à Israël de «veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun » de ces actes. Cette deuxième mesure donne un sens à l'initiative prise par le Secrétaire général des NU, qui, sitôt l'ordonnance émise, a pris ses responsabilités en transmettant la décision au CS . L'ordonnance est en soi exécutoire, mais l'initiative du SG semble indiquer que ce dernier voudrait que le CS saisisse cette base juridique pour enfin ordonner un cessez-le-feu immédiat. Quant à la sixième mesure relative à la soumission d'un rapport dans un délai d'un mois à partir de la date de l'ordonnance, elle constitue un moyen de pression supplémentaire pour assurer l'effectivité de la décision.
Bien évidemment, Israël, par la voix de son Premier ministre et de son ministre de la Défense, a affirmé son intention de poursuivre ses opérations militaires à Gaza et a accusé la CIJ de partialité, voire d'antisémitisme. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là d'une décision, fût-elle conservatoire ne préjugeant pas du fond de l'affaire, salutaire pour la cause palestinienne non seulement sur le plan des principes juridiques, mais également sur le plan politique. Elle donne à la question palestinienne une nouvelle légitimité et de nouvelles perspectives.
Rafaâ Ben Achour
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