A défaut de « On ne change pas une équipe qui gagne », le remaniement ministériel opéré par le président du gouvernement, Youssef Chahed, consacre plutôt la formule du : « On ne change pas une coalition qui stabilise » ! En effet, tous les vecteurs porteurs du gouvernement « d'union nationale » ont été soigneusement protégés, à commencer par les partis signataires du « document » (ou déclaration) de Carthage, dans leur grande majorité, et l'incontournable UGTT, centrale syndicale très influente, et ça ne date pas d'hier. La griffe du « Maître » de Carthage est plus que perceptible dans les domaines « réservés » du président de la République, la Défense, les Affaires étrangères et l'Intérieur auxquels s'ajoutent un petit coup de pouce aux Finances, surtout, et à l'Education nationale. BCE, plus conscient que jamais de menaces sérieuses qui pèsent sur le pays, avec cette crise économique et financière, plus que persistante, et la situation identitaire de plus en plus conflictuelle, avec la persistance aussi des courants obscurantistes et « frères musulmans » malgré une évolution bien timide vers l'Etat « civil », s'estime le dépositaire de la concorde nationale et de la pérennité de l'Etat. Or, l'argent est le nerf de la guerre, et les caisses vides ne peuvent en aucun cas répondre aux exigences embouteillées et prioritaires du développement. Idem, pour l'identitaire et l'irruption du « religieux » politique en puissance dans le champ social, au sein de l'administration et mêmes des départements stratégiques et sécuritaires. Tout cela commence à donner à réfléchir au boss de Carthage, qui avait parié, par deux fois, sur l'évolution de l'islamisme politique et d'Ennahdha vers l'Etat civil et démocratique et qui a reconnu une fois clairement son « erreur » et cette dernière fois, il y a à peine deux jours, reconnu « peut être une nouvelle erreur d'évaluation » ou d 'appréciation ! Mais, passons avec le « Maître », le non dit est plus percutant que le bien dit ! En effet, Ennahdha a bénéficié du beurre et de l'argent du beurre avec BCE. C'est bien lui qui les a défendu auprès des Américains et des Occidentaux, européens en déclarant au G7 et au G20, que « l'Islam n'est pas incompatible avec la démocratie et l'Etat civil. Puis, c'est bien lui, encore une fois, qui les a repêchés après leur défaite en décembre 2014, pour des raisons d'équilibre et de stabilité générale, en composant avec eux un gouvernement de « consensus » ou « tawafuk » ; Aujourd'hui encore, et malgré tout ce qu'on débite sur « face-book » et sur le Net, sur un éventuel revirement, amer, du président, vis-à-vis d'Ennahdha et sa persistance à vouloir « islamiser » politiquement le pays, sa culture et sa vocation méditerranéenne proche de l'Occident, le parti de Rached Ghannouchi se porte comme un charme et marque des points sur tous les fronts ; D'abord, et c'est loin d'être négligeable avec sa présence honorable quantitativement et qualitativement, au gouvernement, Ennahdha, donne l'image au monde, qu'il accepte la règle du jeu démocratique (et même civil) et coopère pleinement avec un gouvernement majoritairement ancré dans la grande famille « bourguibienne » qui va de Nida Tounès à Afek, au Massar (gauche classique) et à l'UGTT centrale travailliste et moderniste. Ceci est de la plus haute importance au moment où on annonce ça et là une possible inscription par le congrès américain (attendue le 11 septembre courant) d'Ennahdha, dans la liste des organisations « impliquées » dans le terrorisme international ! Vrai ou faux, attendons le fameux 11 septembre de triste mémoire ! Par conséquent, Ennahdha en participant au gouvernement de M. Youssef Chahed, parrainé par M. Béji Caïed Essebsi, bourguibien de race et ami de l'Amérique et de l'Europe, s'immunise fortement contre tout ce qui a reflété dans son parcours, l'appartenance et les liens avec les courants « frères musulmans » et toutes les dérivées de la violence terroriste qui continue à menacer la concorde et la paix dans le monde. Par ailleurs, les départements accordés à Ennahdha, sont d'une importance vitale et stratégique pour le pays. Ça va, en effet, de l'Industrie, aux PME, à la Coopération internationale et surtout le Développement (anciennement ministère du Plan). Cerise sur le gâteau, Ennahdha dispose aussi du ministère des Technologies, de la Communication et de l'Economie numérique. En bref, la sève de la sève, ou la gelée royale (le meilleur du miel) de tout gouvernement moderne orienté vers les domaines qui font l'avenir des peuples et des Nations du globe en ce moment. Pour le reste, Youssef Chahed a bien placé de plus jeunes technocrates prometteurs et a certainement bien fait d'écouter BCE, en plaçant des hommes de grande expérience, capables de prendre rapidement le train en marche au vu de leur connaissance précédente dans des départements comme la Finance, la Défense, l'Intérieur et l'Education nationale, grosso modo, c'est le meilleur choix possible du moment, dans un système politique hybride à la limite de l'ingouvernable et où l'Exécutif à deux têtes est doublement dépendant de l'équilibre politique (entendez aussi identitaire) avec Ennahdha et la paix sociale avec l'UGTT. Quant au Parlement... il vaut mieux positiver en ce moment et espérer que nos députés vont comprendre que la Tunisie va mal et qu'elle a besoin de solidarité et de sérénité pour reprendre des forces.