"On ne peut parler de l'amendement de la Constitution ou le réclamer sans l'instauration de la Cour constitutionnelle", a estimé mercredi le constitutionnaliste, Amine Mahfoudh en réaction à l'appel du président de la République, Béji Caïd Essebsi à l'amendement de la Constitution et de la Loi électorale. Dans une interview télévisée, le chef de l'Etat avait appelé lundi dernier à l'amendement de la Constitution et de la Loi électorale qui, selon lui, sont devenues "inadéquates", soulignant avoir décidé de ne pas amender la Constitution pendant son mandat d'exercice pour qu'il ne soit pas accusé d'être assoiffé de pouvoir. "Bien que la Constitution soit lacunaire, on ne peut pas la modifier à l'heure actuelle en raison de l'absence de la Cour constitutionnelle", a-t-il déclaré à l'agence TAP. A ce propos, il a rappelé qu'il avait mis en garde à plusieurs reprises contre la Constitution de 2014 qui, a-t-il prévenu, allait favoriser la mise en place d'un régime politique complexe et coûteux, vider les élections de tout sens et provoquer des conflits entre les pouvoirs. "La relation entre les pouvoirs est devenue tendue que ce soit entre les deux têtes de l'Exécutif ou entre les pouvoirs exécutif et législatif ", a-t-il souligné. A ce propos, il a jugé préférable que le président de la République lance une initiative pour la formation d'une commission qui aura pour mission d'étudier les lacunes que comporte la Constitution et de présenter un projet à cet effet. " Cette Commission est beaucoup plus importante que celle des libertés individuelles et de l'égalité, malgré que cette dernière représente un acquis ", a-t-il ajouté. " La loi électorale et le règlement intérieur du Parlement ont amplifié la crise du régime politique en Tunisie ", a-t-il souligné, faisant remarquer que l'adoption du mode de scrutin à la représentation proportionnelle a conduit à l'absence d'un parti doté de la majorité absolue, favorisé les gouvernements de coalition et consacré le nomadisme partisan. " En l'absence de la Cour constitutionnelle, l'amendement de la Constitution demeure impossible ", a de son côté, affirmé le constitutionnaliste Kamel Ben Massoud, faisant remarquer que tout amendement des différentes dispositions de la Constitution doit être soumis à l'examen de la Cour constitutionnelle qui, a-t-il expliqué, doit vérifier la constitutionnalité des dispositions soumises à l'amendement, surtout que certains articles ne peuvent être changés. Pour lui, " l'amendement de la Constitution semble prématuré. L'appel à son amendement a été manifesté sous la pression de la crise politique. Ainsi, l'amendement de la Constitution dans de telles conditions est inapproprié". Toutefois, si les mécanismes constitutionnels conduisent à une impasse et entravent la bonne marche des rouages de l'Etat, il devient légitime d'amender la Constitution, à condition de respecter toutes les conditions nécessaires, dont les délais, la majorité requise et l'installation de la Cour constitutionnelle, a-t-il ajouté.