L'arrêt de l'économie indienne causé par le confinement a un coût social bien plus violent que la crise sanitaire. Le pays compte en effet entre 50 et 100 millions de travailleurs migrants de l'intérieur, qui ont quitté leur village pour gagner un peu d'argent dans les grandes villes du pays. Et comme tous les transports régionaux sont arrêtés, ils se retrouvent bloqués, sans revenus et souvent sans nourriture. Une large étude vient de révéler des détails effrayants sur le quotidien de ces travailleurs journaliers depuis le confinement indien, imposé il y a un mois. Des dizaines de membres d'association ont répondu aux appels de détresse lancés par des dizaines de milliers de ces migrants de l'intérieur. Au cours de leur distribution de nourriture, ils les ont interrogés. Un collectif appelé Swan est alors né. Epaulés par des chercheurs, ils ont pu établir l'un des premiers rapports à grande échelle sur cette crise humanitaire. Et établir un profil de ceux touchés. Sur les 11 000 personnes interrogées, 79 % sont des travailleurs journaliers du bâtiment ou d'usines. Leur revenu moyen était de moins de 5 euros par jour, ce qui implique une grande précarité : ils n'ont pas d'économies et la moitié n'avait qu'une journée de réserves alimentaire au moment du sondage. Ce qui entraîne des situations dramatiques. Un groupe de 240 travailleurs de Bangalore a ainsi témoigné ne manger qu'une fois par jour pour économiser. Un ouvrier du Pendjab, isolé, n'avait, lui, pas mangé pendant quatre jours quand les bénévoles l'ont rencontré. Certains journaliers vivent aussi avec leurs enfants et ces derniers sont en train de tomber malades à cause de cette disette. Le gouvernement central a annoncé il y a un mois une aide de plus de 20 milliards d'euros pour la population la plus précaire. Mais très peu de ces migrants indiens de l'intérieur la reçoivent, car ils ne sont pas enregistrés dans les villes où ils sont venus travailler. Ils vivent sous les radars, presque invisibles des autorités qui ont décidé de ce confinement brutal sans anticiper leur détresse.