Lorsque les anciens footballeurs se retrouvent pour évoquer les souvenirs des époques précédentes ou des générations qui ont suivi, immanquablement chacun désigne son favori. Mais à chaque fois, l'unanimité tranche la question : Noureddine Diwa est incomparable, au dessus du lot. Ses équipiers ou adversaires ne trouvent aucune difficulté à énumérer ses qualités exceptionnelles, son impact sur le jeu et sur ses partenaires. Malgré le grand nombre des joueurs talentueux que la Tunisie a enfantés, Diwa a conservé une résonance unique. Nostalgie ? Parti-pris pour cette époque-là ? Sentimentalisme ou adoration ? Qu'importe, le joueur est aujourd'hui dans le Panthéon du football tunisien, à juste titre, à plein titre et dans une position fort privilégiée. La carrière, elle, est éloquente, s'inscrivant dans la durée et jalonnée de prouesses invraisemblables qui constituent pour ses contemporains une véritable allégorie. Né selon l'état civil le 26 février 1937 – date contestée- au quartier de Rahbet Ghnem à Tunis, Noureddine Ben Yahmed découvre dans le football une occupation passionnante qui le révèle à lui-même. Le talent ne tarde pas à s'énoncer, et ses copains lui prédisent un avenir radieux. Ils s'appellent Mohieddine, Farzit, Jebali, tous ses aînés. Il comprend alors que signer une licence est le passage obligé et son choix est porté sur l'Espérance de Tunis. Au lieu de se conformer à son engagement, il commet une bourde qui l'éjecte de ce club dirigé d'une main ferme par Chedly Zouiten : il signe deux licences au St et à l'Espérance. Irrité, Zouiten le radie du club. Débute alors une carrière qui se prolongera durant dix ans au Bardo avec une moisson inespérée pour ce club fondé en 1948 à l(initiative de Mohamed Ben Salem, le médecin-ministre gendre du Bey. De la deuxième division en 1953-54, le Stade Tunisie commence à grimper pour accéder d'abord en National puis remporter la première Coupe de Tunisie grâce à l'apport de Diwa et l'efficacité de Braïek, lui aussi formé à l'Espérance. La mainmise du CSHL de Slaheddine Bey est alors brisée, mais Mohamed Ben Salem est à son tour poussé à laisser la place dès la proclamation de la République. Mais Diwa ne se concentre que sur le terrain, le jeu et le ballon. Il réalise des merveilles et enfile à merveille l'habit de coqueluche qui met davantage d'ambiance le jour du match. Le titre de champion en 1957 est une conséquence logique à cette progression naturelle du joueur, la maturation en prime. la même année, il participe à une expédition qui lui ouvre de nouveaux horizons : les jeux panarabes à Beyrouth. Il dispute les cinq rencontres, s'impose comme l'animateur de l'équipe, inscrivant deux buts. Sa carrière internationale s'annonce alors prometteuse mais ses caprices lui jouent de mauvais tours avant les Jeux Olympiques de Rome. Chedly Zouiten est à nouveau intransigeant et dicte à Kristic de se passer se ses services d'autant qu'il a rejoint le groupe avec un certain retard. La mort dans l'âme, le meilleur joueur tunisien doit rendré frustré, bredouille et pestiféré. Il fait alors son deuil de l'équipe de Tunisie, un gâchis qui doit être imputé à toutes les parties prenantes. Il ne revêtira le maillot national que le 13mai 1969 lors d'un mémorable match d'appui entre la Tunisie et le Maroc, à Marseille, aux éliminatoires de la Coupe du monde. Tenant convenablement son rôle, le vétéran de l'équipe tire sa révérence sans goûter au plaisir de la qualification : le tirage au sort après le nul 2-2 souriant aux Marocains qui feront plus tard bonne figure au Mexique. Au Stade Tunisien, les choses se sont déroulées autrement, le joueur ayant un statut à part. Il permet à son équipe de glaner d'autres sacres de champion (1961 et 1962) et trois autres coupes( 1958, 1960, 1962). Convoité par Limoges, il s'y engage. Son intégration est immédiate au point qu'on le surnomme le petit Kopa. Son rayonnement permet à l'équipe de passer en trois ans de la 11ème à la troisième place. L'expérience dure six ans sans le moindre rapport avec le football tunisien. En 1968, il retrouve Tunis et un coéquipier de la vieille génération : Abderrahman Ben Ezzedine, l'entraîneur de l'Espérance, qui le récupère avec beaucoup d'enthousiasme comme pour le réhabiliter et lui rappeler ses origines sportives. Deux saisons sont alors suffisantes pour qu'il promène son talent à travers les terrains de la Nationale. Le bilan est éloquent : un e finale de coupe, en 1969, et un titre de champion, en 1970, dix ans après le dernier sacre du club. Ainsi, la carrière peut connaître une apothéose à la mesure de l'immense talent de l'homme. En faisant ses adieux à la compétition, il est néanmoins ravi par l'affirmation d'un joueur lui aussi capable de tous les exploits : Abdelmagid Ben Mrad. Les deux joueurs ont eu en commun le rayonnement en club et les irrégularités en sélection. Diwa poursuivra sa relation avec le football en tant qu'entraîneur d'appoint au Stade Tunisien, finaliste malheureux en 1981 face à l'Etoile dirigée par Habacha, dans le football corporatif, et enfin chez les vétérans pour tenir compagnie à ses anciens compagnons de route que furent Ben Ezzedine, , Oukaa, Hénia, Mohieddine, Meddeb et d'autres moins âgés comme Toto Klibi, Chemmam ou Zarrouk… Son retrait définitif de la scène sportif et sociale est lourdement ressenti par ses amis et ses admirateurs. Son décès, le 20 avril 2020, est ressenti comme une ablation : une part des amateurs du beau football s'est détachée. L'image du joueur complet malgré une petite taille est toutefois indélébile. Animateur de jeu, technicien déroutant, buteur patenté, c'est tout cela Diwa. Peu de joueurs peuvent sur ce registre lui tenir tête. Dans son éclairage publié en 1998 - Mémoire de foot- MustaphaZoubeidi, en tant que témoin de cette époque-là, s'interrogeait en ces termes : « On se demande si après cette époque, on a pu voir des joueurs supérieurs à Diwa, Chétali ou Farzit. Il serait dur de placer tous les grands joueurs dans cette galerie. Celle-ci va devoir par un phénomène d'actualité réserver ses meilleures places à ceux que le temps n'a pas encore recouverts de sa poussière, c'est dans la nature des choses, les moyens médiatiques aidant. » Plus loin : « Tous ces cracks du football tunisien ont constitué des idoles et, mieux, des repères pour d'autres. Probablement, sans Diwa, il n'y aurait pas eu Chaïbi ou Lahamr. San Ayachi et Zarga, Attouga n'aurait pas été le même, Sans Mougou et Chetali, le phénomène Mohieddine Habacha, décédé en 1962 à l'âge de dix-huit ans, n'aurait pas été un. »