L'auteur du ‘'Spleen de Paris'' et ‘'Les Fleurs du mal'' a toujours exprimé le mal du vivre et l'envie d'ailleurs. Il a exercé sa verve pour dénoncer la méchanceté humaine, parfois même la paralysie spirituelle de l'être humain et son absence du sens du beau comme du bien. Le Spleen baudelairien, sa mélancolie et son dégoût de l'existence est devenue une caractéristique de son œuvre qu'il a réussi à détacher de la morale, ‘'la proclamant destinée au beau et non à la Vérité''. Et c'est dans cette ambivalence entre mal et beauté, mal être et extase que Baudelaire a tissé l'ensemble de sa poésie. Mais comment peut-on soulager un spleen ? Avant d'y arriver, rappelons la définition du spleen baudelairien qui renvoie à un « Etat affectif, plus ou moins durable, de mélancolie sans cause apparente et pouvant aller de l'ennui, la tristesse vague au dégoût de l'existence. » Baudelaire nous apprend que pour soulager un spleen il faut apprendre à rejeter toute forme d'hypocrisie sociale obligeant tout un chacun à se faire à des règles conventionnelles de morale, à ranger ses idées dans la bien-pensance ambiante ou la fausse décence. «Les Paradis artificiels» Et si on parlait plutôt de ces principes actifs procurés par la nature aussi efficaces que variés et qui feront oublier le spleen de Tunis et l'absurde d'une situation sociale, économique et politique qui pèse sur tout un chacun ? Ah ces débauchés vulgaires et malhonnêtes qui font la classe politique d'aujourd'hui ! Misérables et abrutis, ces balourds qui font notre quotidien .... Baudelaire nous apprend la rébellion à travers la beauté des mots qui enchantent et envoûtent, le rêve et l'extase des figures de style... Un très beau livre ‘'Les Paradis artificiels'' est un condensé de son expérience poétique. Baudelaire nous prend par la main et nous montre le chemin pour entamer notre voyage intérieur, en s'enivrant de la beauté des images aussi bien puissantes qu'hallucinantes... « Vastes cieux enchantés, eaux fuyantes, gouffres amers, splendeurs océans... Le Paradis est là et ses noirs artifices, fruits de l'herbe et du pavot... Le haschich s'étend sur la vie comme un vernis magique, verte confiture de chanvre qui nous laisse aériens. Un vrai coup de soleil ! Avant le coup de tabac... Car, après l'ivresse, la volupté, l'homme-dieu, ce prince des nuées, sent son aile qui se casse... « Voyeur en Technicolor », le mangeur d'opium, lui, ne peut que se dévorer lui-même... Du goût de l'infini au paradis perdu... « Amer savoir, celui qu'on tire du voyage»... » Tenté par l'excès, Baudelaire a récidivé, à l'époque, avec un livre resté moins connu que les écrits cités précédemment. ‘'Vin et haschich'' est un appel à profiter des rares moments de bonheur dans cette quête éperdue de soi. Lorsque la vie pèse sur nous, Baudelaire nous emmène dans un autre monde transparent, que « la passion dévorante de l'âme humaine peine à rejoindre », un monde fait de la magie « des artifices lucifériens ». Mais il ne faut pas se leurrer car cet écrit n'est pas un essai sur les drogues, ou un appel à la débauche, mais plutôt une manière à lui de se faire à la laideur du monde et de combattre le spleen qui empêche d'avancer. « Prenez-en gros comme une noix, remplissez-en une petite cuiller, et vous possédez le bonheur absolu avec toutes ses ivresses, toutes ses folies de jeunesse, et aussi ses béatitudes infinies. Le bonheur est là, sous la forme d'un petit morceau de confiture ; prenez-en sans crainte, on n'en meurt pas ; les organes physiques n'en reçoivent aucune atteinte grave. Peut-être votre volonté en sera-t-elle amoindrie, ceci est une autre affaire. » dit-il dans un écrit qui choquera plus d'un notamment parmi ceux qui se cacheront derrière des lois archaïques sur l'usage des stupéfiants sous nos cieux, pour sanctionner, brimer et briser des vies. M.B.G.