En évoquant explicitement, et dès le titre, l'épidémie du Coronavirus, le tout dernier recueil poétique de Noureddine Souli invite en profondeur à diverses réflexions en rapport avec le rôle de la littérature et - à travers elle - de l'intellectuel face au désastre. La crise sanitaire actuelle ne peut laisser indifférents les hommes de la plume, qu'ils soient romanciers, poètes ou penseurs philosophes. Korona Fi Kasaed, c'est donc plus qu'un recueil de poèmes sur les retombées psychologiques, sociales, politiques, morales de la pandémie. Noureddine écrit et s'interroge sur ce qu'il écrit, sur l'objet de sa poésie, sur sa propre fonction d'écrivain poète et sur sa manière de représenter le réel et de réagir à ses plus dures manifestations. Les vingt-deux poèmes de ce recueil parlent du virus et au virus : ils en parlent comme d'un ennemi de la vie et du bonheur; ils lui parlent comme pour le braver et lui lancer – à lui comme à la maladie et à la mort, ses opportunistes adjuvants – le défi de l'homme révolté et de l'art anti-destin. En dépit des décors et des horizons assombris par le fléau et par ceux qui en profitent, la poésie de Noureddine Souli ose célébrer sa foi en l'homme et en sa force face à l'adversité. Le poète rejoint alors, dans et par ce qu'il écrit, l'armée des médecins et des infirmiers auxquels le recueil est dédié. Et la page blanche noircie par l'écrivain de ressembler en valeur symbolique et thérapeutique à la blouse blanche portée par les héros "guerriers" du corps médical et paramédical. C'est que la poésie peut soigner, peut au moins accompagner le traitement médical. Parce que la poésie est un antidote au désespoir quand elle est mise au service des nobles causes humaines. Le poème donne des forces, rassure, réconforte, vaccine contre l'abattement et la résignation. On comprend dès lors la légèreté délibérée des vingt-deux poèmes qui composent le recueil. Il en est –les tout derniers- qui sont extrêmement courts comme pour accélérer le rythme auquel progressent ensemble la pandémie et la lutte acharnée pour la vaincre. Par son volume, Korona Fi Kasaed.... est un petit livre, conçu ainsi comme pour figurer le caractère passager du "désastre" et l'imminence d'une victoire humaine sur lui. Les illustrations humoristiques qui agrémentent certaines pages du recueil confirment l'optimisme obstiné de l'auteur et de sa plume. La Covid 19 s'en ira, rassure le poète, et les hommes n'en parleront que comme de l'histoire...ancienne ! Ce qui, en revanche, perdurera ce seront surtout la solidarité, la bonne volonté, le courage, la résistance à l'absurde condition humaine. Le poème, lui non plus, ne mourra pas! Car l'œuvre littéraire qui profite aux hommes dans tous leurs combats survivra toujours, ne serait-ce que pour la leçon et la mémoire. Sans compter, bien sûr, que la beauté du poème authentique réside justement dans son éternelle nouveauté et dans son inaltérable fraîcheur, donc dans sa capacité à défier le temps et la mort. B.B.H