La faculté de Droit et des Sciences économiques et politiques de Sousse a organisé un colloque international sur le thème : « le juge et le traité » avec le soutien de la Fondation Allemande Hanns Seidel. Deux unités de recherche de la faculté (« droit administratif » et « droit international et relations internationales ») ont veillé à réunir des universitaires et des juges maghrébins et français pour élaborer une synthèse concertée des différentes approches de cette problématique actuelle qui résulte de la multiplication des traités et leur impact sur les juridictions locales. Universitaires marocains, algériens, libyens et français se sont joints à leurs collègues universitaires et juges tunisiens pour adresser un regard croisé sur cette problématique qu'est le traité par rapport au juge et à la juridiction.
- Supérieurs au Droit national et inférieurs à la Constitution... Dans son allocution d'ouverture, le président de l'université du centre a passé en revue l'approche tunisienne en matière de respect des traités. Il a rappelé que la Tunisie leur attribue une place distinguée dans la hiérarchie de la source des lois, en rapport avec son approche d'ouverture : « Ils sont supérieurs au droit national et inférieur à la constitution. Lorsqu'il y a litige, c'est le droit national qui est amendé afin qu'il soit en conformité avec le traité. Cette prise de position confirme les soubassements des thèses tunisiennes se référant constamment au dialogue et au respect mutuel. Elle s'insère dans la lignée du droit international qui impose aux Etats d'appliquer les traités même s'ils contredisent leur droit interne » Le Doyen de la faculté de Droit et des Sciences économiques et politiques de Sousse, le Professeur Jamel Dimassi, a pour sa part posé la question de l'impact des traités sur le droit interne dans son allocution lors de la séance d'ouverture. Il a soulevé l'embarras du juge face à ce droit étrange surtout lorsque cette législation bénéficie de suprématie par rapport au droit interne comme c'est le cas pour la Tunisie. Il a précisé que cette problématique ouvre la voie au dialogue entre les juges des pays concernés et permet l'extension de l'espace juridique. Le Professeur Dimassi est revenu à cette question lors de son intervention sur le thème « l'invocabilité du traité devant le juge international » pour réaffirmer que le traité permet la confrontation des législations internes et aboutit généralement à leur convergence. Le professeur Mustapha Filali a, lui aussi, mis l'accent dans son rapport introductif sur le fait que les traités relèvent du droit international et imposent des obligations aux particuliers de par l'extension de leurs domaines. Il a expliqué que leur importance pose la question de leur articulation avec le droit interne d'où le rôle primordial du juge interne. Le Professeur Filali a posé aussi une interrogation sur la hiérarchie entre le traité et le droit interne et, plus généralement, le rapport entre le droit international. Il a rappelé que le droit international laisse aux Etats la liberté de choisir leur mode d'adaptation aux normes internationales. Il s'agit d'un aménagement des rapports entre les deux ordres. Selon le Professeur Filali, la plus importante question tourne autour de l'aspect constitutionnel des traités et leur applicabilité. Il trouve que la réponse à ces deux questions détermine tous les enjeux de cette problématique et de tout ce colloque. Le Bâtonnier Abdeljelil Bouraoui n'a pas manqué d'apporter sa contribution dans ce colloque international en présidant l'une de ses séances où il était question de « traité et souveraineté des Etats » de M. Montasser Chérif, « le rang des traités dans la hiérarchie des normes » du Professeur Slim Laghmani et « l'invocabilité du traité devant le juge international » du doyen Jamel Dimassi. D'ailleurs, outre les avocats, la magistrature tunisienne était hautement représentée à ce colloque. En effet, M. Mohamed Lejmi, Premier président de la Cour de Cassation a présidé une séance au colloque alors que M. Ben Khelifa a présenté une intervention sur le thème : « Le contrôle de conventionnalité par le juge administratif tunisien ». Plusieurs magistrats étaient également présents au cours des travaux du colloque. Ceci revient à dire qu'avocats, magistrats et universitaires, du Maghreb et de France, ont cherché à apporter leurs expériences pour éclairer cette problématique et contribuer à apporter des réponses à plusieurs questions soulevés par le colloque comme le statut interne des traités, le degré de contrôle exercé par le juge sur la conformité des normes du droit interne par rapport aux traités, le degré d'effectivité de la norme conventionnelle internationale en droit interne, le mode du dialogue des juges, le traité et l'émergence d'un droit nouveau, etc...La multiplicité des questionnements et la richesse des interventions a rendu la tâche difficile au rapporteur de ce colloque, Professeur émérite, Jacqueline Morand-Deviller tant la récapitulation devait réunir toutes les nuances de ces sujets épineux.