« C'était plus par bêtise que par haine » Temps-agences : Michel Platini juge "absurde" la décision de Nicolas Sarkozy de faire arrêter les matches amicaux si "La Marseillaise" est sifflée, alors que Jean-Pierre Escalettes n'est pas très chaud. Dans un entretien au "Monde" daté d'hier, l'ancien capitaine des Bleus et actuel président de l'UEFA regrette que le football soit "pris en otage par le monde politique" et estime que les sifflets qui ont accompagné l'hymne français avant le match France-Tunisie ne sont "pas une insulte à la France". Pour sa part, le président de la Fédération française de football (FFF) Jean-Pierre Escalettes estime que l'annulation du match dans le cas où l'hymne national est sifflé "est une réponse agressive à des comportements agressifs et intolérables". "Je ne fais pas injure au président de la République, ni à la ministre (des Sports Roselyne) Bachelot, ni au secrétaire d'Etat (aux Sports Bernard) Laporte, de ne pas avoir mesuré les conséquences éventuelles", note M. Escalettes dans un entretien paru dans "Le Parisien/Aujourd'hui en France" de vendredi. M. Sarkozy a fait savoir mercredi que tout match amical où "La Marseillaise" sera sifflée serait désormais immédiatement arrêté, sur décision de la fédération organisatrice, et que les éventuels matches amicaux ultérieurs avec le pays concerné seraient suspendus. "Si on commence à arrêter un match parce qu'il y a des sifflets, dans ce cas-là on arrête aussi dès qu'un joueur se fait siffler ou quand le gardien se fait conspuer après un dégagement. C'est absurde", juge Michel Platini. "Et pourquoi pas aussi un policier derrière chaque spectateur. Il faudrait plutôt éduquer les supporters car dans certains pays, les hymnes ne sont jamais sifflés". Selon le président de l'UEFA, les sifflets entendus au Stade de France étaient tout simplement une manifestation d'hostilité à l'encontre d'un "adversaire d'un soir, en l'occurrence l'équipe de France, que l'on veut battre". "Dans d'autres occasions, je suis certain que les mêmes jeunes qui ont sifflé "La Marseillaise", mardi soir, chantent l'hymne national quand l'équipe de France dispute un match de l'Euro ou de la Coupe du monde", a-t-il souligné. Concernant la décision du gouvernement français, Platini juge que le monde politique n'a pas à interférer avec celui du sport. "Il y a des règles qui régissent le football et elles sont édictées par la FIFA et l'UEFA", ajoute-t-il. "Le règlement prévoit qu'un match peut être arrêté, et j'y suis favorable, en cas d'acte de racisme par exemple. Mais ce n'est pas à une autorité politique de décider: la responsabilité incombe à l'arbitre et au délégué du match". Platini se souvient qu'à l'époque où il défendait les couleurs des Bleus, l'hymne français était sifflé "sur tous les terrains". "Mais à l'époque, les politiques ne s'intéressaient pas au football et ça ne choquait personne", affirme-t-il. "Aujourd'hui, c'est devenu une obligation pour un homme politique, en fonction de son étiquette, de se positionner. Une fois encore, le football est pris en otage par le monde politique car cette histoire de sifflets est devenue une affaire politique qui n'a rien à voir avec le sport". "Je ne me sens pas capable, moi, d'évacuer tout un stade", confie de son côté M. Escalettes. "Si les gens ne veulent pas partir? Et après, que font-ils dans la rue? Il faut donc mettre en place une structure type UEFA - directeur du stade, chef de la police, président de la Fédération - qui rapidement prend une décision collective". "Il faudra gérer cette nouvelle situation", prévient M. Escalettes, ajoutant que les membres du conseil fédéral de la FFF "seront très prudents" quant au choix des futurs adversaires de l'équipe de France lors des prochains matches amicaux. Face à ces interrogations, le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre répond en contre-attaquant sur... l'arbitrage, jugeant qu'il "est temps que la Fédération française de football, la FIFA et M. Platini se posent la question d'une remise à plat des règles du foot et de la transparence". "Tant qu'il y aura un doute sur la légitimité des décisions d'arbitrage de la part du public qui utilise comme seul moyen d'expression les sifflets, il ne faudra pas s'étonner que le respect ne fasse pas partie du comportement du public", assure M. Lefebvre ------------------------------------- « C'était plus par bêtise que par haine » Le Temps-agences : Les sifflets de la Marseillaise avant le match France-Tunisie sont ramenés en banlieue à un "jeu" de surenchère entre jeunes issus de l'immigration même si, soulignent des habitants et observateurs, ils puisent pour partie leur origine dans un sentiment de relégation. Lire la suite l'article Après les sifflets entendus lors de France-Algérie et France-Maroc, les supporteurs de la Tunisie "ne pouvaient pas ne pas en faire autant", souligne Yahia Bellakhal, directeur d'une entreprise d'insertion de jeunes sans qualification à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Il y a "un rapport de force entre jeunes Français issus de l'immigration" poussant à la surenchère, observe-t-il, faisant remarquer qu'à ce "jeu", cette "course", "les Algériens jouent souvent les « durs au mal » vis à vis des autres communautés "qui ne veulent pas passer ensuite pour des moutons", surtout quand il s'agit de s'affirmer face à l'ancienne puissance coloniale. En voulant "ne pas rester en reste" et "se faire remarquer", "ils n'ont pas pensé aux autres, à leurs parents ou aux Tunisiens qu'ils ont peinés", déplore Rachid Maiza, maire-adjoint PCF de La Courneuve, qui a discuté avec des jeunes présents, dont son fils de 13 ans qui, précise-t-il, "n'a pas sifflé". Leur réaction est "débile", "inadmissible". "Les gens ont voulu chahuter l'adversaire plus qu'autre chose", comme dans beaucoup d'autres sports, juge pour sa part Omar Dawson, de Grignywood, une association de création audiovisuelle en Essonne, qui pense comme la majorité des personnes interrogées que l'on exagère la "portée" de l'incident. Cédric Suman, habitant de Savigny-sur-Orge (Essonne) et supporteur mardi des Bleus au Stade de France témoigne: "c'était plus par bêtise que par haine. Les supporteurs de la Tunisie les plus jeunes sifflaient en rigolant sans avoir conscience de leur acte. L'ambiance était super bonne entre nous, on était tous mêlés". Pour M. Bellakhal, le travailleur social, siffler l'hymne a été également un acte de "revendication" pour "une minorité qui a une conscience politique" qui "en a profité pour dire une fois de plus on n'est toujours pas reconnus mais relégués, il n'y a pas d'égalité". "Pourquoi voulez-vous qu'ils se mettent debout à chanter alors qu'ils ne voient pas au quotidien les preuves qu'ils sont des enfants de la République", poursuit-il. Le stade "ne devrait pas être le lieu de cette expression mais quels sont les espaces de parole pour ces jeunes", s'interroge-t-il. "Ils se sentent à la marge, à la moindre occasion de montrer leur mécontentement, ils le font", abonde Miloud Kanfoudi, enseignant en Seine-Saint-Denis. Ses élèves, rapporte-t-il, "regrettent qu'il n'y ait pas de réaction aussi ferme de la classe politique quand il y a des cris de singe dans les stades. Ils ont le sentiment qu'il y a toujours deux poids deux mesures". L'avalanche de réactions politiques "ressemble à une polémique orchestrée au moment où l'on est en train de se rendre compte que finalement, trois ans après la crise de 2005, pas grand chose n'a été fait pour les banlieues", estime Hassan Ben M'barek, président de "citoyenneté et démocratie", une association revendiquant un millier d'adhérents dans les quartiers d'Ile de France. Les condamnations comportent selon lui un "message subliminal", qui est "regardez, on vous prend à témoin que les jeunes de banlieue ne nous aiment pas, alors on ne va pas leur faire de cadeau".