En ces temps de crise mondiale des finances, parler de dialogue euro-arabe peut paraître ringard, sinon hors contexte. Dans quelques jours à Tunis, sur initiative de l'ALECSO (cf P.4) on se penchera sur la question. Cette fois, néanmoins, on nous assure qu'on ne se limitera pas à ressasser, à répéter sinon à édulcorer ou à ternir les conflits passés ayant accouché d'une "histoire commune", mais déchirante des deux entités. On cherchera plutôt à dégager des ébauches de solutions, et d'abord à ce lourd contentieux civilisationnel. Il s'agira donc d'une relecture pragmatique et positiviste de l'Histoire. Jusqu'où doit-on remonter dans le temps? Jusqu'aux Croisades dont le prétexte, la grande supercherie historique, tournait autour du conflit Islam/christianisme mais qui avait, au fond, une valeur civilisationnelle? Sinon doit-on s'arrêter là où se sont arrêtés les Arabes, c'est-à-dire à Poitiers? Ou alors doit-on encore brosser les portraits croisés entre ces deux visionnaires, ces deux modernistes que furent Haroun Arrachid dans la splendeur de la renaissance arabe et Charlemagne précurseur du siècle des Lumières européen? Et quelle part dévolue à cette profusion de dialectiques historiques au rêve d'Alexandre Le Grand qui croyait pouvoir tout résoudre, en berçant toutes les ethnies, toutes les religions des eaux de cet abreuvoir essentiel qu'est La Mare Nostrum? Sauf que si l'on traite de l'aspect strictement civilisationnel c'est qu'on occultera délibérément d'autres aspects fondamentaux. Dont deux au moins. Si les Arabes ont rampé sur l'Europe et se sont approfondis en Asie c'est pour porter haut l'étendard de l'Islam. C'est donc une guerre religieuse. Par la suite les invasions se traduiront par autant de profits économiques. En revanche la motivation première des colonisations européennes sont d'ordre essentiellement géostratégique et économique. Même si les colons français ou anglais envoient d'abord des missionnaires comme éclaireurs, cela ne change rien à la donne. L'ex-président Jumo Kenyatta le disait d'ailleurs: "Quand les missionnaires sont arrivés, nous, on avait la terre et eux la Bible. Ils nous ont dit de fermer les yeux et de prier. Quant on les a rouverts, eux ils avaient la terre et, nous, la Bible". De quel contentieux civilisationnel entre Arabes et Européens parle-t-on? Le monde arabe est en conflit perpétuel, avec lui-même, avec ses valeurs et avec ses dirigeants. Il est en butte à la dérive intégriste couvée et engraissée par l'Occident. L'Europe, elle, est encore ravagée par les crises identitaires et par l'obstination de ses idéologies anachroniques. Au point qu'un professeur pose cette question à ses élèves dans un collège en Seine-Saint-Denis: "Ceux qui se sentent français, levez le doigt". Comment être arabe ou noir et réfléchir à une identité autre. Et n'oublions pas qu'il y aura toujours un Mur des lamentations pour freiner la résolution du contentieux arabo-européen. Et mécaniquement on nous sortira le vieux contentieux judéo-chrétien, la Passion du Christ ou alors quelques obscènes caricatures.