Le Temps-Agences - Le PS s'enfonçait dans la crise hier au lendemain de l'élection sur le fil du rasoir de Martine Aubry à la tête du parti, rejetée par les partisans de Ségolène Royal qui menaçaient même de saisir la justice. Au terme du vote des militants pour désigner leur nouveau premier secrétaire, la maire de Lille a devancé l'ex-candidate à la présidentielle de 42 voix, sur 134.784 suffrages exprimés, selon un décompte rendu public à l'aube par la direction du PS à l'issue d'une folle nuit de rumeurs, coups de gueule et d'intox. Mais avant même cette annonce, Ségolène Royal faisait savoir qu'elle ne "se laisserait pas faire", exigeant un nouveau vote. Ses partisans, comme ceux de Martine Aubry, évoquaient de possibles "tricheries" de l'autre camp. "Nous sommes très déterminés à ne pas nous laisser voler cette victoire. Nous utiliserons tous les moyens politiques, juridiques et judiciaires pour contester cette victoire", a lancé Manuel Valls, un des principaux lieutenants de Mme Royal, appelant même "à une révolte des militants". "Pour l'instant Martine Aubry est incontestablement la gagnante du scrutin, même si le score est serré. Elle devrait logiquement, si l'ensemble de nos règles sont respectées, être désignée premier secrétaire," a assuré de son côté le député François Lamy, proche de la maire de Lille. Le litige sera examiné par une "commission de récolement" des résultats à partir de ce week-end et porté devant le Conseil national du parti mardi soir, qui devra se "prononcer sur le résultat et désigner la prochaine première secrétaire", a annoncé le patron sortant du PS, François Hollande. Une solution qui risque de ne pas satisfaire les partisans de Mme Royal, minoritaires dans cette instance composée à la proportionnelle intégrale des motions au récent congrès de Reims. Le texte de la présidente de Poitou-Charentes avait alors recueilli 29% des voix, et risque donc d'y faire face à un "tout sauf Ségolène" dénoncé par ses amis. François Hollande, à la tête du parti depuis 11 ans et souvent critiqué avant même cette crise pour son refus de trancher les conflits, a lancé un "appel à la responsabilité de chacun et au respect de nos procédures, du vote et de nos instances". Et d'assurer, comme une incantation, que "le risque n'est pas du tout de scission ou d'éclatement, (mais) de confusion". Les partisans de Ségolène Royal, et l'ancienne candidate elle-même, assurent qu'il n'est pas question de quitter le parti, mais pour Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l'innovation politique, le PS va peut-être "entrer dans une crise dont il ne se relèvera pas". Pour l'analyste, le parti est en tout cas "devenu ingouvernable", divisé en deux parts égales. D'un côté, une sorte de camp légitimiste incarné par la "dame des 35 heures", attaché à feue la "gauche plurielle" et où se retrouveraient selon M. Reynié "tous les +éléphants+". De l'autre, des "royalistes" à la chef de file moderniste et déroutante, tournée vers son ambition présidentielle, promettant le "renouvellement" interne et dont les partisans auraient surtout envoyé comme message au "vieux parti" un "on ne veut plus de vous". "C'est un vote-sanction interne qui est inédit", estime le politologue. La crise semble en tout cas devoir éloigner le PS du sursaut qu'il espérait tirer de la désignation d'un nouveau leader -pour la première fois une femme-, après trois échecs successifs à la présidentielle et une longue guerre des chefs qui l'a rendu quasi-inaudible face à un "hyper-président" Nicolas Sarkozy. Une situation dont n'a pas manqué de se réjouir l'UMP, raillant la "démonstration d'un art consommé de la volonté de disparaître" de la part d'"un parti affaibli et coupé en deux, avec deux camps qui ne se respectent pas... pire, qui se haïssent!"