L'emploi très limité des eaux usées traitées en Tunisie, notamment de la part des agriculteurs, risque de compromettre, en perdurant, les ambitieux et coûteux programmes que le gouvernement projette de mettre en œuvre dans ce domaine, durant la période à venir. Pour remédier à la situation, une Conférence internationale sur '' le transfert et la valorisation des eaux usées traitées'' a été organisée, ce mardi 17 février 2009, à Tunis, à l'initiative du ministère de l'Environnement et du Développement durable, et de l'Office national de l'assainissement qui en relève, avec la participation d'experts et de spécialistes de Tunisie et de plusieurs autres pays ayant une expérience développée, en la matière, notamment l'Australie et l'Etat de Californie, des Etats-Unis d'Amérique. A cet égard, le ministre de l'Environnement et du Développement durable, Mr Nadhir Hamada, a signalé le cas de la nouvelle station d'épuration réalisée à Kairouan , moyennant 40 millions de dinars d'investissement et qui applique le procédé du triple traitement comme le réclament les agriculteurs. Or, la capacité de traitement de cette station s'élève à 18 mille mètres cubes par an dont mille mètres cubes seulement sont réemployés par les agriculteurs de la région. Le ministre a émis l'espoir que les pouvoirs publics ne seront pas amenés à la fermer, faute de rentabilité. Or, un cadre juridique avancé a été mis en place pour encourager la réutilisation des eaux usées traitées en Tunisie, outre l'adoption d'un tarif unitaire incitatif fixé à 20 millimes pour le mètre cube. Au total, 30% des eaux usées traitées en Tunisie sont réemployées dans le secteur agricole et autres secteurs cibles comme le tourisme, ou encore pour l'irrigation des espaces verts et la réalimentation de la nappe phréatique. A elle seule, la région du Grand Tunis produit chaque jour 250 mille de mètres cubes d'eaux usées traités, chiffre qui doit passer, selon les prévisions, à 450 mille mètres cubes en 2021. Le volume global des eaux usées traitées annuellement en Tunisie s'élève à 230 millions de mètres cubes, grâce à un important réseau d'évacuation sanitaire et quelque 100 stations d'épurations implantées dans les différentes régions du pays. Le gouvernement projette donc de lancer au cours du prochain plan de développement, à partir de 2012, un grand programme portant sur le transfert et la valorisation des eaux usées traitées du Grand Tunis au profit des régions d'El Fahs, de Zaghouan et de Kairouan, parallèlement à un programme de mise à niveau des stations d'épuration en service pour accroître leur capacité de traitement et l'amélioration des procédés qu'elles appliquent. Ce programme porte aussi sur la création de 33 mille hectares de périmètres irrigués dans ces régions sous forme de lotissements de 10 à 15 hectares le lotissement qui seront cédés à des jeunes promoteurs agricoles diplômés de l'enseignement de toutes les régions du pays, sans exception, après avoir reçu, dans ce but, une formation complémentaire. Une partie des eaux transférées servira à réalimenter la nappe phréatique menacée de voir sa salinité augmenter à cause de la surexploitation. Le coût du programme qualifié par le ministre de l'un des plus importants programmes du prochain plan quinquennal, est estimé à 500 millions de dinars. Le fonds mondial de l'environnement et la banque mondiale ont déjà accordé à la Tunisie 10 millions de dinars à titre de don pour réaliser les études techniques nécessaires et l'aménagement de zones d'expérimentation pilotes. Cette Conférence internationale est appelée à approfondir tous les aspects relatifs au transfert et à la valorisation des eaux usées traitées, notamment le transfert sur des longues distances. L'Australie et la Californie ont été justement invitées à cette Conférence pour leur expérience avancée dans le domaine des transferts des eaux usées traités sur des longues distances.
Changer les mentalités Cependant, le grand problème reste d'agir sur les agriculteurs et les usagers en général, pour les persuader à adhérer massivement au projet. Le représentant de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche, M. Kamel Chérif, a reconnu que les agriculteurs tunisiens sont restés, jusqu'à présent, réfractaires à l'emploi des eaux usées traitées à des fins d'irrigation en matière agricole, imputant cette résistance à des facteurs psychologiques et objectifs liés à la qualité des eaux usées traitées et à la couleur changée de ces eaux traitées. Selon lui, 8 mille hectares de terres agricoles, seulement, sont irrigués au moyen des eaux usées traitées. Dans ce contexte, le ministre de l'Environnement et du Développement durable a formé le vœu que le programme de mise à niveau des stations d'épuration permettra d'améliorer la qualité des eaux usées traitées en Tunisie, car ces stations sont soumises à une pression dépassant leur capacité naturelle de traitement, ce qui provoque des effets négatifs sur la qualité des eaux. Des traitements complémentaires seront effectués en cas de besoin. Le ministre a signalé le cas de pommes produites dans des exploitations à Ouerdanine irriguées par des eaux usées traitées, et qui battent tous les records en matière de qualité et de grandeur. Elles sont d'ailleurs destinées à l'exportation. Une grande action de sensibilisation va donc être entreprise pour susciter une plus grande adhésion des agriculteurs et des usagers en général, et assurer le changement de mentalités nécessaires pour obtenir cette adhésion. Tous les orateurs ayant pris la parole ont insisté sur le caractère stratégique du sujet, compte tenu de l'importance de l'eau sur la terre et pour l'existence de l'homme, et au vu des pressions et menaces de toutes sortes auxquelles cette ressource vitale est exposée, comme le changement climatique terrestre. Les eaux usées traitées constituent une ressource hydraulique alternative de la plus grande importance pour garantir la sécurité en eau et la sécurité alimentaire. Un forum mondial sur les eaux sera organisé à Istanbul, en Turquie, au mois de mars, à l'initiative du Conseil mondial de l'eau dont le vice- président, Mr Ives Sanchez, de Marseille, en France, assistait , notamment, à cette Conférence de Tunis. Il a exprimé, à cette occasion, son appréciation pour l'intérêt porté par la Tunisie à l'eau et à la valorisation des eaux usées traitées, montrant, ainsi, une fois encore, sa volonté d'être un pays à la pointe du progrès au service du développement agricole et du bien- être de l'ensemble de sa population.