Nous voilà à quelques jours de l'été dont les signes annonciateurs se font voir déjà. Pour ceux qui déplorent que 9 mois sur 12, nos villes soient désertes et lugubres la nuit, les soirées animées jusqu'à l'aube et à chaque coin de rue, c'est pour très bientôt ! Dans les villes côtières surtout, les bords de plages, corniches et longues avenues donnant sur la mer commencent à accueillir de plus en plus de monde. Les veillées sont certes encore courtes mais à partir de la mi-juin et en fonction de la chaleur ambiante, nos nuits seront plus longues et plus vivantes que nos jours. C'est que le Tunisien est devenu presque contre son gré, un noctambule saisonnier. La tradition qui prévalait autrefois dans la capitale et qui faisait sortir les familles de chez elles la nuit et en toute saison, est aujourd'hui révolue. La raréfaction ou l'absence des loisirs nocturnes à Tunis et ailleurs, l'insécurité qui caractérise certains endroits de la cité, la télévision qui a pris aux salles de cinéma et aux spectacles nocturnes la majorité de leur public, les horaires de travail inadaptés des divers moyens de transports, ce sont là les principaux facteurs qui, le soir, vident les artères des grandes et petites agglomérations urbaines en Tunisie. En été par contre, le décor change de fond en comble. Ce sont les foyers qui, dès 19 heures, se vident de leurs habitants au profit des innombrables espaces extérieurs ouverts à toutes sortes de public : terrasses de restaurants et de cafés, salles de spectacles, amphithéâtres, centres d'animation en plein air, aires de jeux ou de promenades, hôtels et discothèques. Si bien qu'on se croirait transporté sous d'autres cieux que tunisiens.
Nuisances et délits à la pelle Mais les nuits estivales ne se passent pas chez nous sans quelques désagréments du genre à gâcher le plaisir des noctambules. C'est bien en effet de voir nos villes sortir de leur torpeur le soir et revenir à la vie le temps d'une saison ; mais que d'ennuis, que de contrariétés et que de comportements inciviques constatés ou subis chaque nuit d'été. C'est à souhaiter parfois que l'état de siège soit décrété 7 nuits sur 7 durant la saison estivale. On constate chaque été la multiplication des actes de vandalisme, l'augmentation du nombre d'accidents de la circulation, l'amplification des nuisances sonores, l'encombrement excessif de la plupart des espaces de loisirs, le nombre croissant des infractions commises par les commerçants de circonstance en situation régulière ou illégaux, la fréquence plus élevée des noyades, des fugues, des vols et viols, des accrochages avec la police, des rixes entre jeunes sur les plages ou ailleurs. En bref, il ne se passe pas une nuit sans que l'on enregistre de tels agissements aux conséquences parfois dramatiques. La situation échappe au contrôle dans certaines banlieues et quartiers de la capitale et des grandes villes. Quant aux spectacles donnés dans le cadre des nombreux festivals du pays, il faut être un habitué ou un amateur pervers des bousculades mortelles, des déhanchements hystériques, des musiques assourdissantes et bas de gamme pour y assister et y prendre plaisir. C'est pourtant le cas de dizaines de milliers de spectateurs qui n'en demandent pas plus pour libérer tous leurs instincts refoulés.
On veille idiot chez nous ! Nous en venons donc à l'essentiel de notre propos : s'il est vrai que nous ne sommes noctambules qu'une saison sur quatre, la manière dont on passe nos nuits d'été laisse beaucoup à désirer. Désordre, violence, boucan et mauvais goût : voilà ce qui caractérise la plupart des activités de divertissement auxquelles on s'adonne chez nous de juin à septembre. Les programmes de qualité ne sont malheureusement pas ceux que l'on propose le plus souvent, et pour cause d'ailleurs puisqu'ils ne drainent pas la grande foule recherchée par les organisateurs soucieux avant tout de rentrées financières. D'autre part, pour passer des veillées de qualité, il faut un budget conséquent ! Ce qui n'est pas donné à toute cette majorité de citoyens qui alors se contente de déambuler des heures durant dans les rues et les boulevards les plus animés en observant de temps à autres quelques brèves pauses sur un quelconque garde- fou ou à même le trottoir. Sur les terrasses des cafés et des restaurants, le service et le menu servi sont très souvent en deçà du prix à payer. Idem dans les hôtels qui, notamment pendant la haute saison et en cas de surbooking, réservent un accueil médiocre aux clients autochtones quand ils ne les éconduisent pas dès l'entrée.
Une question de qualité ! L'été tunisien est plus nocturne que diurne, personne n'en disconvient ! Mais de là à prétendre que les noctambules de chez nous ne veillent pas idiot, c'est tout simplement vouloir se cacher la face ! Plutôt que de se mentir, pourquoi ne cherche-t-on pas à améliorer la qualité de nos grandes vacances qui se déroulent le plus souvent dans une ambiance de stade ou de souk ! De jour comme de nuit, hélas !