* Bluffés, ils achètent. Puis voilà qu'une construction s'apprête à monter pour leur bloquer la vue ! * La municipalité a une attitude un " peu trop " réglementée. Or les textes sont une chose, la réalité du terrain en est une autre Les habitants de deux résidences situées dans la localité d'El Aouina connaissent des conditions très désagréables, ils vivent en plein chantier, eux, qui croyaient qu'en achetant des appartements haut standing de l'ordre de 160 mille dinars allaient enfin connaître le paradis terrestre qui s'est avéré un véritable enfer. " En payant ce prix cher, je m'attendais au confort, nous dit Fathi, l'un des propriétaires. " Anis, qui l'interrompit, nous assura que " le matin, nous sommes réveillés à partir de six heures et demie par les coups de marteau et de burin et le vacarme émis par les boutonnières et les autres machines. Le soir, la relève est assurée par les mouches et " el mézouid ", c'est-à-dire que c'est à peine que nous bénéficions de quelques heures de sommeil. " Un troisième, Khaled, ajouta qu' " à cause de ces travaux, on se trouve devant un dilemme : choisir la chaleur ou la poussière, si vous fermez les fenêtres, vous étouffez, si vous les ouvrez, vous êtes envahis par cette dernière que vous respirez à pleins poumons. Ma femme me fait vraiment de la peine, puisqu'à chaque fois qu'elle veut aérer les chambres, se trouve dans l'obligation de refaire le ménage, de nettoyer à nouveau le meuble et le parterre. Nos voitures également subissent le même sort, on doit les laver après les avoir ramenées du lavage. A part la poussière soulevée par les travaux, la rue est toujours jonchée de balayures et de pierres." Son voisin, Ghassène, habitant la même résidence s'interrogea " on ne sait pas qui nous a trompés, le promoteur qui nous a montré une maquette comprenant un espace vert en face de chez nous, ou bien la municipalité qui prétend que selon le cahier des charges, ledit espace est à usage d'habitation ? Tout ce qu'on sait c'est qu'on a été dupés et que la qualité de la vie qu'on nous a promise ne se trouve que sur le papier et le panneau que vous voyez. " L'annexion de la voie publique Le terrain en question contient deux lots, mesurant 600 mètres carré, chacun. Ils sont séparés par un passage piéton de 4 mètres de large. D'après les prétentions des résidents, ces lots appartenaient à une société qui les a vendus à ce nouveau promoteur il y a un an. Ce nouvel acquéreur, propriétaire a commencé par ériger une barrière avec des planches tout autour du terrain les privant ainsi du trottoir et a même annexé, récemment, un mètre de chaque côté du passage piéton qui est une propriété publique : il a recouru à ce procédé illicite le 13 août, un jour férié à six heures du matin pour échapper au contrôle des autorités. Alors, les habitants ont alerté les autorités qui ont immédiatement arrêté les travaux, et puis les agents de la réglementation municipale se sont présentés et ont rédigé un procès. Et c'est le lendemain qu'il a signé un engagement pour remettre les choses à leur état initial et reconstruire la partie du pavé qu'il a détruite. " Selon quelle loi et selon quelle logique, s'exclama Mohammed sur un ton indigné, accorde-t-on une autorisation à quelqu'un après qu'il ait commis un délit ?! Normalement, l'agrément doit précéder l'engagement, cette anomalie nous laisse douter que ledit accord soit donné par écrit, on suppose qu'il a été accordé verbalement. D'autre part, comment permet-on à un tiers d'annexer le trottoir ? Si le terrain est exigu, c'est la preuve que l'on ne peut pas y construire d'immeubles, le plus simple serait d'en refuser l'autorisation. Et comme vous le remarquez il manque sur le panneau de projet l'adresse et la maquette, ce qui est contraire à la réglementation. "
L'intimité non respectée " Il est inadmissible que l'on permette de construire de grands édifices sur des superficies de cette dimension, commenta Mounir, déjà on a du mal à garer nos voitures tellement la rue est étroite, imaginez un peu comment serait la situation quand ce promoteur construirait ses immeubles, et comme vous le voyez, il y en a d'autres, de l'autre côté, qui sont en cours de construction et qui vont être bientôt habités. Si ce projet se réalisait, le lieu serait invivable, on n'aurait plus d'intimité, puisque votre voisin d'en face pourrait espionner tout ce qui se passerait chez vous comme s'il partageait votre demeure, et pour vous changer, vous devriez fermer les fenêtres. Dans ce cas, on n'aurait qu'à condamner ces dernières et transformer nos balcons en chambres, on gagnerait au moins un peu d'espace à l'intérieur. On éprouverait certainement du mal même pour respirer, on serait asphyxiés à cause de cette proximité trop serrée, termina-t-il. " Dégradation des conditions de vie et chute de valeur " Et nos enfants, où est-ce qu'ils vont pouvoir jouer si l'on construit cet immeuble ? D'après sa configuration et son emplacement, ce terrain ne peut être qu'un espace vert, souligne Mohammed, l'un de nos interlocuteurs. Nos enfants et nous-mêmes courons de gros risques à cause de ce chantier, il y a quelques jours, un engin a heurté un tube de gaz, et il a fallu l'intervention de la STEG pour éviter la catastrophe. De plus, il a creusé 80% du terrain, alors que le COS, le coefficient de surface, l'interdit, cela laisse supposer qu'il ne va pas laisser la distance de 4 mètres entre la construction et le trottoir comme l'exige la loi. Et le plus grave dans tout cela, c'est qu'avec ce projet, on va voir la valeur de nos appartements chuter, des appartements qu'on a acquis aves des crédits comme vous pouvez le supposer, donc on n'a même plus la possibilité de déménager." Tous les propriétaires nous firent part de leurs craintes quant à la manière de l'exécution de ce projet en nous citant un exemple similaire où un promoteur, affirmèrent-ils, a édifié un R+5 sur un trottoir!!! Il a laissé un passage piéton au milieu de l'immeuble nous rappelant les ruelles couvertes (sabbat) de la médina. Leurs inquiétudes sont aiguisées par le silence des autorités : ils ont adressé deux requêtes une au président de l'arrondissement de Laâouina, et une autre au président de la municipalité de La Goulette. Et jusqu'à ce jour, ils n'ont pas reçu de réponse. Réalisée par Faouzi KSIBI ------------------------------------- La réponse des autorités municipales Après avoir entendu les doléances de ces habitants, on s'est dirigé vers la municipalité de La Goulette pour demander des réponses. Des sources autorisées nous ont donné les éclaircissements suivants : "Une équipe se rendra demain, 19/08/2009(c'est-à-dire le lendemain de notre première visite), sur les lieux pour en vérifier l'état. Le projet en question a connu plusieurs étapes, on vous en donne un aperçu sur son historique : -le 03/10/2007, cette société a déposé une demande pour la construction d'un R+7 sur les lots que vous avez évoqués et qui sont séparés par une voie publique, mais la commission des autorisations de construction l'a rejetée. -le 17/112007, une nouvelle demande et un nouveau refus. -le 28/11/2007, le demandeur a formulé son désir d'acheter le passage piéton, mais le 27/02/2008, les autorités de tutelle, qui sont le Ministère de l'Intérieur et le gouvernorat, ont refusé la cession. -le 19/03/2009, une autre demande de la construction d'un r+7avec cette fois-ci sans le passage, demande qui a connu le même sort que ses précédentes en date du 15/04/2009. Une demande analogue en date du 22/04/209 accueillie par un refus en date 02/06/209. -Une nouvelle demande en date du 08/07/2009 de la construction d'un R+5 avec une cave et l'engagement de ne pas utiliser le passage piéton. Le 21/07/2009, la commission a émis un avis favorable et a accordé l'autorisation de construction. Et on rappelle à ce propos que la page 16/24 du cahier des charges du 26/02/2000 donne un aspect d'habitat collectif continu à ce lotissement, et que celle numéro 18/24 du même cahier autorise la construction d'immeubles d'une hauteur de 26 mètres, c'est-à-dire des R+7. Quant à la clôture, elle est a priori justifiée par le chantier, car la superficie n'est pas assez importante, et d'après la loi de voirie, on peut autoriser l'occupation temporaire du trottoir pour protéger les piétons. De plus, et toujours dans un souci de sécurité, on a demandé à la société en question de doubler cette clôture en bois d'une autre en tôle et de la peindre en rouge et blanc pour qu'elle soit visible la nuit pour les voitures, comme on a exigé d'elle de procéder au nettoyage de la route d'une manière quotidienne. " En recontactant les habitants des résidences, ils nous ont affirmé qu'ils n'étaient pas au courant de cette visite dont parlaient les autorités municipales. En tout cas, ils n'en ont pas été informés par ces dernières qui, d'après leurs allégations, sont dans l'obligation de le faire, puisqu'ils ont déposé des requêtes auprès d'elles.