Chaque année, à pareille époque, on rappelle aux Tunisiens que payer ses impôts est le devoir de tout bon citoyen. Seulement beaucoup d'entre eux tergiversent, et rusent du mieux qu'ils peuvent pour échapper à ce genre de charges. La plupart des propriétaires immobiliers par exemple doivent aux diverses municipalités du pays des années de taxes impayées. On a beau leur envoyer des préavis de saisie, ils prennent la menace à la légère et, persuadés de ne rien encourir, ils affirment : « ils disent toujours ça, mais ne passent jamais à l'acte ! ». Beaucoup d'entre eux gardent toujours l'espoir de bénéficier d'une nouvelle amnistie fiscale qui les exonérerait du paiement de leurs dus et savent, qu'au pire des cas, il leur restera toujours la possibilité, d'étaler le paiement sur plusieurs mensualités et donc d'adoucir l'impact sur leurs budgets respectifs. Pourtant, il suffit de mettre chaque jour de côté la somme dérisoire de 200 millimes, pour avoir de quoi payer les taxes municipales de deux années et non d'une seule. Mais ils préfèrent finasser et laisser venir : qui sait ? Une bonne nouvelle peut tomber à tout moment et leur permettre d'épargner les 40, 50, 100, 200 dinars qui allaient profiter à... l'Etat ! Si « le rêve » ne se réalise pas et qu'aucune amnistie n'est décrétée, ils font les surpris, les scandalisés, ils crient au vol et à l'arnaque en découvrant les montants dus à la municipalité. « C'est toujours nous, les pauvres gens, qu'on harcèle ! Pourquoi une telle somme, est-ce que je possède un chalet, moi ? » Voilà un peu le genre de jérémiades récurrentes qu'on entend chez les créanciers de l'Etat.
Mauvaise foi ! Quand il s'agit de payer une facture d'eau ou d'électricité, c'est la même rengaine. Dès que le montant dû à la STEG ou à la SONEDE dépasse le seuil supportable, on crie au loup : « On nous vole ! Impossible que j'aie consommé tout ça ! Il doit y avoir erreur ! C'est peut-être la facture du voisin ! ». Mais on met néanmoins du temps pour aller vérifier si le nom et les chiffres indiqués sont les bons. Dans ce genre de situation, les Tunisiens aiment repousser les échéances jusqu'aux dernières limites. Même lorsque tous les délais sont dépassés, ils trouvent toujours le moyen de gagner encore du temps. Quand ils sont dos au mur, ils prennent un autre ton, cherchent des « terrains d'entente », des « compromis », des solutions intermédiaires et si possible des réductions, des facilités de paiement, des allègements, des traitements spéciaux etc. Leurs vis-à-vis se montrent généralement prêts à consentir quelques délais supplémentaires et ne vont que très rarement au bout des poursuites engagées contre les mauvais payeurs. Leur devise dans ce genre d'affaire étant qu' « un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès » !
Emprunts culturels ! Le Tunisien emprunte aussi aux entreprises et aux particuliers, mais soit il rend la vie dure à ses débiteurs avant de rembourser, soit il tente par tous les moyens de ne pas honorer cette dette. Nous l'avons toujours dit à propos des adultes, mais les adolescents et les enfants ont hérité de ce mauvais réflexe. L'autre jour, deux collégiens faillirent se faire tuer sur la voie du métro à cause d'une petite somme que l'un d'eux n'a pas rendue à l'autre. Au primaire, l'écolier qui prête à son camarade un stylo, une règle ou un compas passe pour un idiot. Toute chose prêtée est désormais difficile à récupérer que l'on soit entre grands et petits, entre gens d'élite et citoyens ordinaires ou entre riches et pauvres. Parmi les indélicatesses fréquentes et classiques entre personnes cultivées, celle de ne pas rendre les livres empruntés à leurs propriétaires (amis, collègues, bibliothèques publiques, scolaires ou universitaires etc.). La « fonte » des bouquins (l'expression est très récurrente entre élèves, étudiants et intellectuels) a toujours eu ses adeptes notamment à l'Université, où les bibliothèques se vident chaque année de centaines de titres perdus à jamais. La pratique est certes regrettable mais elle présente quand même un aspect rassurant : si les livres disparaissent aussi frauduleusement, c'est qu'ils ont encore de la valeur ! Tant mieux donc pour le savoir et la culture !