Les écoles préparatoires en Tunisie abritent les lauréats qui ont obtenu les meilleures moyennes au baccalauréat. Les élèves de ces écoles constituent donc la crème de la crème de nos bacheliers. Ils ont travaillé d'arrache-pied durant le secondaire pour obtenir les meilleures notes en maths et en physique, Ils ont réussi à battre tous les scores, malgré les critères d'accès très rigoureux lors de l'orientation universitaire, pour arracher le premier choix et être affilié à l'une de ces écoles préparatoires où les places disponibles s'épuisent dès le premier tour des orientations. Si certains élèves de prépa vont bien, il y a cependant ceux qui n'arrivent pas à tenir jusqu'au bout et risquent de perdre pied surtout en maths et en physique, deux matières dans lesquelles ils avaient, pourtant, l'habitude de passer pour des cracks. Certains élèves abandonnent à mi-chemin cette course vers l'élitisme ; d'autres font une grosse déprime. Quelles en sont les causes ? Serait-ce le rythme accéléré du travail ou le programme trop chargé ? Serait-ce la pression exercée sur les élèves de la part de l'administration et des parents ? Les profs, de leur côté, y seraient-ils pour quelque chose ?
Course à l'obstacle Pour voir la situation de près, nous avons visité deux ou trois écoles préparatoires très connues où nous avons rencontré plusieurs étudiants qui nous ont parlé sans ambages de leurs expériences vécues, des conditions de travail, de leurs préoccupations et de leurs espoirs. Ces écoles préparatoires recrutent leurs élèves parmi les bacheliers scientifiques (sciences mathématiques, expérimentales et informatiques) par concours sur dossier et sur la base de l'ordre du mérite au baccalauréat. Les élèves admis sont préparés scrupuleusement au concours national d'accès aux grandes écoles d'ingénieurs, telles que l' Ecole polytechnique de Tunisie, l' Ecole Supérieure des Communications de Tunis, l' Ecole nationale des sciences de l'informatique ou encore les Ecoles nationales d'ingénieurs comme celle de Tunis, ainsi qu'aux concours d'entrée à l' Ecole normale supérieure de Tunisie. Parmi ces écoles d'élites, on peut citer l'IPEIT (Institut préparatoire aux études d'ingénieurs de Tunis) créé en 1995 ; mais les locaux abritant cette école sont déjà vétustes et peu dignes d'une école de renom comme l'IPEIT, le même bâtiment ayant déjà accueilli dans le passé le Lycée Mohsen Ayari, puis l'Ecole normale des jeunes filles et enfin l'Institut de la presse et des sciences de l'information. Il va sans dire que la vétusté des lieux pourrait déteindre sur les conditions du travail au sein de cet institut, une remarque que nous avons relevée dans les témoignages de beaucoup d'étudiants : " On vient de restaurer tout le bloc administratif, nous apprend une étudiante, alors que toute l'école a besoin de réparations immédiates ; il y va de la sécurité des étudiants ! La bibliothèque, par exemple, est dans un état lamentable et repoussant ! "
Un taux d'absentéisme presque nul Il s'y trouve des élèves ayant obtenu 20/20 en maths et ayant réussi avec mention bien et très bien au baccalauréat. Un monde d'élèves brillants et studieux, heureux de se voir parmi la crème des élèves de Tunisie et déterminés à peiner encore pour poursuivre leur voie vers les grandes écoles. Il faut les voir, ces taupins, qui ne manquent aucun cours et qui ne semblent pas avoir d'autres occupations à part leurs études ! Le sérieux, l'abnégation et l'assiduité font d'eux de véritables bosseurs, si bien que le taux d'absentéisme dans ces écoles est presque nul. L'un d'eux nous a affirmé, non sans plaisanterie : " En prépa, il nous faut être ni malade, ni amoureux ! Les pressions exercées sur les élèves leur font oublier souvent leur temps de loisirs ! ". En effet, les études passent avant toute chose ! Et pourtant, les 20/20 auxquels ces élèves s'étaient habitués au secondaire sont devenus des souvenirs pour la majorité de ces élèves qui triment toute l'année pour avoir 10/20. Selon les dires des élèves, l'administration était obligée à la fin de l'année dernière d'autoriser le passage à la classe supérieure (2è année) à tout élève ayant obtenu entre 08/20 et 09/20 comme moyenne annuelle, pour atteindre le taux de réussite demandé. Ceci explique soit la difficulté des études dans ces écoles , soit les exigences imposées par les enseignants, soit encore l'inadaptation au rythme auquel les nouveaux élèves sont soumis ! Cette chute énorme des notes par rapport à celles reçues au bac n'est pas bien digérée par la plupart des élèves qui sont déçus dès les premiers tests, tant ils sont habitués aux excellentes notes. " Je suis heureux de me trouver parmi ces élèves très excellents ; cela me pousse à travailler plus, nous confia un élève en 1ère Année, mais je ne suis pas vraiment satisfait du résultat ! Au début, j'étais confiant et motivé, je commence à me désespérer. Les notes qu'on nous donne ne correspondent pas aux efforts fournis, c'est démoralisant ! C'est déprimant! On travaille, on travaille et les résultats ne sont pas souvent au rendez-vous ! " Un autre problème qui se pose avec une grande acuité a été mentionné par un élève de 2è année ; il s'agit du manque flagrant de matériels dans les laboratoires : " A défaut d'équipements nécessaires, on est parfois obligé de faire le travail à moitié ou simplement de l'omettre ! De plus, les programmes sont tellement chargés que certains profs sont obligés d' aller très vite dans leurs cours, passant rapidement d'un chapitre à un autre. Beaucoup d'étudiants ont du mal à suivre ce rythme rapide auxquels ils ne sont pas habitués ! " D'autres élèves interrogés ont parlé du personnel enseignant dans ces écoles, attestant que la plupart des cours sont dispensés par des enseignants stagiaires, vacataires, titulaires d'une maîtrise alors que les professeurs de faculté sont rares !
Ils bossent mais passent grâce au rachat Nous avons bien souhaité une entrevue avec les responsables de l'IPEIT ou de toute autre école préparatoire, mais ces derniers ne sont pas autorisés à se prononcer sans l'accord du rectorat ou du ministère de tutelle, une procédure administrative obligatoire ! Cependant, nous nous sommes renseignés auprès des personnes officieuses ayant des rapports plus ou moins directs avec ces écoles préparatoires. Ils nous ont éclairé sur la réalité des choses. Tout en reconnaissant le régime disciplinaire strict et le rythme accéléré du travail dans ces écoles, les personnes interrogées estiment que malgré le niveau élevé et la formation solide des élèves de ces écoles, ceux ci ont intérêt à travailler dur pendant les deux premières années pour pouvoir réussir leur concours d'accès aux grandes écoles. Dépassé ce stade, le rythme de travail deviendra normal. Quant au corps enseignant qui est formé en grande partie par des maîtrisards, leur réponse était unanime : ces profs ont fait leurs preuves auprès des étudiants, ils sympathisent et leurs relations semblent très bonnes. On nous a aussi affirmé que le taux de réussite enregistré chaque année dans ces écoles, dépassant en général les 80%, attestait du bon niveau des élèves, sans pour autant nier que bon nombre des taupins passent en 2è année grâce au rachat. Cela n'affecte en rien le niveau réel des élèves ni l'importance de la formation reçue, nous a-t-on confirmé. On a reconnu également le fait qu'il y avait parmi les élèves des cas de déprime et de défaillance ; mais on nous a appris que ces cas sont généralement pris en charge par des psychiatres. Concernant le manque de matériel dans les laboratoires, nous croyons savoir que le ministère de tutelle est conscient du problème et qu'il œuvre pour combler cette lacune progressivement et dans les meilleurs délais. Voilà donc la situation dans nos écoles préparatoires où souvent les élèves sont à plaindre pour les raisons que nous avons mentionnées ci haut. Cependant, la situation peut différer d'une école à une autre nous l'avons constaté en visitant l'IPEST, une autre école préparatoire sise à la Marsa qui passe pour l'une des meilleures de Tunisie de tous les points de vue ! Reste à voir celles de l'intérieur.