Les toilettes scolaires sont un vrai tabou. Personne n'ose en parler. Ni l'administration, ni les enseignants, ni les élèves ou les parents non plus ! On peut soulever tous les problèmes dans les conseils des classes, dans les réunions avec les parents, excepté ce sujet ! Serait-ce par pudeur ou par négligence ? Pourtant quiconque, parmi les acteurs scolaires, ne passe jamais devant les toilettes de l'école sans faire une moue de dégoût ou porter la main au nez pour ne pas sentir les odeurs nauséabondes qui s'en dégagent. Les blocs sanitaires dans nos établissements scolaires (écoles primaires, collèges et lycées) n'ont jamais bénéficié des soins ni de l'entretien nécessaire qu'ils méritent. Le manque d'hygiène et de propreté dans ces lieux constitue une source de plusieurs maladies infectieuses qui peuvent atteindre les élèves lors de leurs passages par ces coins qu'on appelle pourtant «lieux d'aisance ». Malheureusement, il paraît que les élèves ne jouissent d'aucune aisance en allant aux toilettes de l'école ! Loin de là ! Ils se retiennent à avoir mal Les toilettes posent un problème dans pas mal d'établissements scolaires qu'il faut traiter comme une véritable question relevant de la santé publique. Il ne se passe pas de jour sans que des enfants, surtout dans les écoles primaires, ne souffrent de maux de ventre pour avoir choisi d'aller (ou de ne pas aller) aux toilettes de l'école en raison des saletés et du manque de commodités nécessaires dans ces lieux : sol toujours inondé, portes sans serrures, robinets arrachés et souvent fermés, manque d'aération ou d'éclairage, bousculades pendant la récréation, absence de savon ou de papier de toilette, chasses d'eau défectueuses, odeurs désagréables… Certains élèves préfèrent « se retenir » pendant des heures entières et attendre de regagner leur foyer pour satisfaire leurs besoins naturels. Quand on sait qu'un petit enfant a besoin d'aller aux toilettes quatre ou cinq fois par jour pour vider la vessie, dont au moins deux fois à l'école ! Beaucoup d'enfants se trouvent, à leur corps défendant, dans ces toilettes scolaires où les moindres conditions d'hygiène font défaut. Les filles sont peut-être les plus exposées aux éventuelles infections du fait qu'elles sont en contact direct avec les cuvettes crasseuses des cabinets. Intimité non garantie Ces enfants ne sont pas seulement menacés à cause du manque d'hygiène dans ces blocs sanitaires, mais aussi ils risquent d'être enfermés dans les cabinets à cause d'une serrure défectueuse, de même leur intimité n'est pas toujours garantie du fait que les portes ne se referment pas et que les cloisons ne sont pas assez élevés. Souvent même, les élèves passent dans les cabinets sans se laver les mains juste après à cause de l'absence de savon et peut-être d'eau courante que l'administration coupe parfois à cause des robinets cassés ! Ces robinets qui, même fonctionnels, ne sont jamais assez suffisants pour satisfaire l'effectif d'élèves : deux ou trois robinets pour des dizaines d'élèves qui s'amassent au temps de la récréation devant ces robinets ! Ce qui pousse certains élèves à s'en abstenir, préférant rester sur leur soif jusqu'au retour à la maison. Cette privation volontaire de la part des élèves et leur refus d'accéder aux toilettes pendant la récréation à cause de l'insalubrité de ces lieux les pousse souvent à demander à leurs professeurs ou instituteurs de leur permettre d'aller aux toilettes pendant les cours, ne pouvant plus se retenir davantage ! Là-dessus, les enseignants sont souvent tolérants et compréhensifs, ils ont sans doute une idée sur l'état de ces « lieux d'aisance » ! Mais que dire d'une administration qui ferme les toilettes juste après la récréation, sous prétexte que les élèves font exprès d'y aller pendant les cours ? Les toilettes scolaires posent donc un problème crucial pour nos enfants qui sont entre deux feux : s'ils sont obligés de fréquenter des toilettes insalubres, ils sont exposés aux maladies infectieuses ; si, au contraire, ils s'en abstiennent, préférant se retenir jusqu'à leur retour à la maison, le risque est encore pire, selon l'avis des médecins, car toute rétention urinaire ou fécale répétitive peut engendrer des maladies graves chez les enfants. Hechmi KHALLADI ------------------------------------------- Témoignages : Elyès, élève en 8ème année : « On ne peut pas se déplacer sans être éclaboussé » « Les toilettes de mon collège ? Il vaut mieux ne pas en parler ! D'abord, il y a l'eau de robinet qui déborde et inonde tout le lieu à tel point qu'on ne peut pas se déplacer sans être éclaboussé ! Il n'y a pas de cuvettes dans les cabinets seulement un trou dans le sol. Des saletés partout ! Et quelle odeur se dégageant des toilettes ! Imaginez qu'il n'y a que trois robinets seulement ; c'est très insuffisant pour le monde d'élèves qui s'amassent devant les cabinets ! Les chasses d'eau ne fonctionnent pas et les fenêtres ne sont pas assez grandes pour aérer les lieux ! » Khaled, élève de 9ème année : « Il y a de l'urine partout par terre » « Ça sent mauvais ! La plupart du temps, il y a de l'urine partout par terre. Il n'y a pas d'intimité, les cabinets sont séparés par des cloisons peu élevés et sans portes. Les toilettes des filles sont juste à côté, en principe, elles doivent être plus loin, au premier étage, par exemple ! L'eau de robinet est parfois coupée et les portes des toilettes sont fermées à clé juste après la récréation pour empêcher les élèves d'y aller pendant les cours ! Or, pas mal d'élèves n'arrivent pas à accéder aux toilettes pendant la récré à cause du désordre qui y règne ! A part le manque d'hygiène, l'odeur d'urine qui s'y dégage peut atteindre les salles de classes avoisinantes ! » Olfa, mère de deux enfants : « Nos enfants peuvent être victimes d'infections abdominales » « Un jour, ma petite fille souffrait d'un mal de ventre, je l'ai emmenée chez le médecin. La première question qu'elle m'a posée : est-elle allée aux toilettes de l'école ? C'est que nos enfants peuvent être victimes d'infections abdominales à partir des toilettes de l'école où il y a beaucoup de saleté et de promiscuité. On devrait désinfecter ces lieux toutes les heures ou au moins avant et après chaque récréation ! Quant à mon fils qui est en 8è année de base, il n'a pas mis les pieds dans les toilettes du collège depuis le jour où il s'est enfermé dans le cabinet à cause de la serrure qui fonctionnait mal ! » Hamdi, parent d'élève : « Il faut bien prendre soin de ces lieux » « Je me demande si le médecin scolaire est concerné par l'hygiène et la propreté des toilettes de l'école. Si oui, pourquoi ne contrôle-t-il pas de temps en temps ces lieux et n'alerte-t-il pas l'administration en cas de malpropreté et d'insalubrité des toilettes ? Il y va de la santé de nos enfants : un enfant a besoin d'aller aux toilettes à l'école, il ne peut pas se retenir comme un adulte, il faut donc bien prendre soin de ces lieux pour qu'il soit à l'aise ! Qui dit que les maux de ventre et les infections urinaires dont sont atteints certains enfants ne proviennent pas de ces toilettes de l'école ? Je ne sais pas si les parents ont le droit de voir les toilettes de l'école, comme ils font dans les crèches et les jardins d'enfants, comme ça, ils peuvent contribuer à l'amélioration des conditions d'hygiène et de propreté des toilettes scolaires en signalant les irrégularités. »