Une fracture, un hiatus, une rupture, des creux, des bosses, des crevasses, et le silence. Lourd, mais fier. Comme avant une tempête. Et puis d'un coup, au détour d'une prose à tire-d'aile, un envol de papillons. Sauvage, débridée, et pas farouche, la poésie de Neila Gharbi qui signe-là son premier recueil, s'offre et se dérobe à la fois. Pantelante et hagarde, éperdue de douleur, elle se tord dans les plis de mots qu'elle crachote ou toussote, dans l'attente d'un chaos qu'elle sait irrémédiable, depuis que les images se sont fondues-enchaînées à sa plume « carnassière ». Mais derrière le rictus, se devine la douceur, d'acier trempé parce que le monde qu'elle rêvait tendresse, n'est plus que la plainte, atrocement bâillonné d'un pauvre transfuge de Abou Gharib. Longues sont les nuits quand l'aurore vient de s'inscrire aux abonnés absents. « A fleur de mots », des chemins se plient et se déplient, à soubresauts, comme s'ils avaient trop conscience de leur finitude, pour accepter de dévaler sans crainte et sans remords, d'autres vallées. A la lisère d'une lettre, s'enroule un hoquet. Pourvu que personne ne le reconnaisse. Il est né des cimes et craint le vertige consécutif à la chute. Parfois il ferme les yeux. Journaliste, critique et enseignante de cinéma, l'auteure de ce livre ne craint pas de tordre le cou à la rime, pourvu qu'elle épouse sa ligne. Elle est là, attentive, silencieuse, dans l'obscurité d'une salle de cinéma, autant l'ombre que la proie à vouloir dessiller des regards qui fuient. Elle ne penche jamais le front. Sauf pour caresser des yeux une aile, avant sa métamorphose. Car c'est là son destin : liberté. Sa chance et son salut aussi. Pour la douleur, elle a déjà donné… En photo de couverture, « Dame à la fleur » (portrait de N. Gharbi par Habib Bouabana, janvier 1990). En guise de « parrains » et en exergue : Baudelaire et Hugo. Les mots comme les maux de la passion. (Ed. SeptiemArt)