Le Samedi 20 février 2010, trois groupes d'artistes de la « Lyme Academy College of Fine Arts » de New York ont créé des toiles selon ce qu'ils ont désormais désigné par le « Tunisian-style Collaborative Paintings ». Cet événement a été relayé par plusieurs médias New-Yorkais ainsi que par de nombreux blog d'artistes Américains. Les séances de peinture collaborative ont été menées sous la direction de l'artiste David Black qui est devenu depuis un an et demi une sorte d'ambassadeur aux USA du « Tunisian-style Collaborative Paintings ». Black a découvert ce concept lors de sa visite en Tunisie en Novembre 2008 en participant, avec un groupe d'artistes tunisiens, à la création d'une grande toile dans l'atelier de L'Espace Bouabana. Le titre de la toile, qui s'est imposé par lui même, n'était autre que « A Night in Tunisia » dans un clin d'œil au morceau de Jazz homonyme, désormais classique, de Dizzy Gillepsie. Cet événement a été aussitôt relayé par le magazine Allemand Aufbau qui lui a consacré quatre pages dans son édition de Décembre 2008. Le concept de peinture collaborative a été développé par Hechmi Ghachem à partir de la fin des années 80. C'est un concept aux règles simples et portant le nom générique des B.I.P. (Brigades d'Intervention Plastiques) en référence aux artistes peintres qui le composent. Un grand nombre de peintres tunisiens ont déjà participé à une ou plusieurs actions des B.I.P. dont Néjib Belkhodja (qui a participé dans une œuvre monumentale en compagnie de Zied Lasram, Najet Ghrissi, Hechmi Ghachem et Mourad Zéraï) , Faouzi Chtioui, Lamine Sassi, Bessma Haddaoui, Halim Karabibène, Mohamed Chalbi, Hamadi Ben Saâd, Olfa Jegham, Omar Bey, Mustapha Ben Attia et j'en oublie sûrement encore. Les B.I.P. ont créé dans les huit dernières années, par exemple, pas moins d'une vingtaine de grandes toiles (environ 4x2 mètres) disséminés dans plusieurs régions de la Tunisie dont Douz, Tazarka, Hammamet et Tunis. L'expérience des B.I.P. est à mon sens une contribution majeure dans la jeune histoire de la peinture tunisienne. Et ceci pour plusieurs raisons dont l'ouverture du concept à toutes les sensibilités artistiques et son universalité. Ce concept a été célébré dans plusieurs articles de presse et d'émission télé et radio de par le monde et particulièrement en Suisse, au Canada, aux U.S.A. et en Angleterre. Le concept a été aussi diffusé dans le monde arabe grâce à un documentaire sur le sujet qu'a préparé la chaine El Arabiya. Le seul pays ou ce concept est occulté est… la Tunisie. Les rivalités claniques des artistes y sont pour beaucoup et c'est dommage ! Il est aussi pour le moins étrange de constater que les Ecoles des beaux arts aux USA (en Caroline du Sud, Philadelphia et New-York particulièrement) expérimentent ce concept tout en lui accordant le joli nom de « Tunisian-style Collaborative Paintings » et que le pays qui l'a vu émerger ne lui accorde pas l'intérêt qui lui revient. L'histoire de la jeune peinture tunisienne s'écrira, sans aucun doute un jour et les B.I.P. trouveront une place à la mesure de ce qu'ils ont apporté aux arts plastiques tunisiens. Revenons à New York, en ce jour du 20 février 2010 et je donne la parole à Paula BILLUPS, artiste du « Lyme Academy College of Fine Arts » de New York qui relate sur son blog le récit de l'expérience de BLACK à Tunis : « Il a senti et vu comment l'art transcende les frontières de la culture et de la langue en collaborant à l'exécution d'une toile. Le désir de partager cette connexion cosmique conduit BLACK, dès son retour aux Etats-Unis, à introduire le concept de «Peinture Collaborative » dans les milieux artistiques américains par l'organisation de ce type d'action. Hier s'est tenue la première manifestation du genre aux Etats Unis. Novembre, une collaboration plus importante aura lieu à Manhattan, sous les auspices de l'Art Students League et en compagnie d'artistes tunisiens. » Et plus loin dans son blog, Paula BILLUPS relate l'expérience de peinture en groupe selon les règles des B.I.P. : « Après l'achèvement des toiles, David Black s'est entretenu avec les artistes à propos de l'expérience vécue. Cette échange a été rehaussé par la visite et la participation d' Ira Goldberg, directrice de l'Art Students League de New York. A l'analyse des toiles exécutées, le constat est sans appel : aucun d'entre nous n'aurait pu créer seul, et pas seulement à cause des contraintes logistiques, mais parce que, par nos propres moyens, personne n'aurait pu produire ou même concevoir ces images.David Black n'a pas manqué de souligner l'harmonie de cette œuvre collective. Il a ensuite posé une question :«Si vous voyez l'une de ces toiles accrochées au mur d'une galerie, combien de personnes diriez-vous l'avoir exécutée? «Une seule !» fusait la réponse des quatre coins de la salle. On n'est pas loin du miracle ! David Black a ensuite évoqué les influences de la peinture selon l'approche des B.I.P. et montré comment celle-ci a affecté son propre travail, lui permettant d'être plus audacieux dans ses choix et moins réticent à changer ou effacer les dissonances. Cette expérience de peinture collective n'était pas exempte de moments de tension, mais pas autant qu'on le redoutait. Un grand merci à David Black pour avoir partagé cela avec nous tous!»