L'aventure américaine n'a pas pris l'eau de toutes parts mais il se trouve que l'imprévu a décidé de faire partie du voyage. Il n'empêche : les artistes ont bien honoré leurs engagements, et n'ont pas raté le rendez-vous, tant attendu, avec les BIP (Brigades d'Intervention Plastique) accommodées à la sauce New Yorkaise. Au sein de la prestigieuse institution de « l'Art School League » qui abritait l'événement, des participants, venus du monde entier, et se partageant, entre plusieurs ateliers, s'affairaient, dans une ambiance, tantôt bon enfant, tantôt surchauffée, à habiter, parcimonieusement, ou en long et en large, le cœur d'une toile, selon l'inspiration du moment, et étrangement, sans se consulter au préalable, acceptant tacitement les règles d'un jeu, dont les codes ont été établis d'avance, par le créateur des fameuses BIP, en l'occurrence Hechmi Ghachem, avant qu'un autre artiste américain, -David Black ne fasse œuvre de passeur entre deux rives, entre deux cultures, pour en adapter le principe chez lui, le rebaptisant sous le titre de « Tunisian Collaborative Painting ». Et c'est bien en hommage à ce concept artistique, importé de Tunisie, que s'est tenue, du 12 au 21 novembre 2011 à l'Art School League of New York, autour du créateur des BIP et des deux peintres tunisiens, invités pour l'occasion, à savoir ; Olfa Jegham et Mourad Zerai, une manifestation culturelle, réunissant un florilège d'artistes de tous bords, habités par une même passion –la peinture-, et assoiffés d'expérimenter cette manière d'œuvrer en commun, pour donner naissance, au final, à un tableau immense, où auront accepté de cohabiter des égo différents, transcendant toute forme de narcissisme inhérente à toute création d'ordre artistique, relevant la gageure animant l'esprit même des BIP, qui est de transcender clivages et différences, pour céder la place à la peinture, comme unique maîtresse à régner sur un monde où le partage veut bien dire quelque chose. La toile finale réalisée par les artistes, accompagnés de l'inénarrable David Black, sera intitulée « Night in New York », et fera le chemin à rebours pour venir à Tunis, tout comme la précédente création des BIP à l'Espace Bouabana pour les Arts, avait été intitulée « Night in Tunisia ». David Black, heureux comme un enfant d'avoir pu faire aboutir son rêve de ramener le créateur des BIP, ainsi que les artistes tunisiens, à New York, n'arrêtait pas de jubiler devant les succès incontestables de la manifestation, accueillie par Ira Goldenberg au sein de l'Art School League of New York, et ayant drainé un monde fou, tout au bonheur de saluer ces artistes venus dans le sillage du printemps tunisien, et de découvrir le « Tunisian Collaborative Painting », dont Black enseigne le concept, depuis déjà deux années aux States, depuis son retour de Tunisie où il en avait épousé l'idée et la cause. Ayant été invité à Tunis en 2008, dans le cadre de « Art in Embassis », il avait pu rencontrer, grâce à un autre passeur formidable : à savoir Khaled Souissi, chargé des affaires culturelles à l'ambassade des Etats-Unis à Tunis, l'équipe, ainsi que le créateur des BIP (H. Ghachem) à l'Espace Bouabana, avait accepté de mettre la main à la pâte, alors qu'il voulait juste regarder faire les artistes de prime abord, jusqu'à ce qu'il soit tellement séduit par l'idée qu'il en fit, depuis, son cheval de bataille, devenant, ainsi, son meilleur ambassadeur du côté de chez lui. Et c'est ainsi que les artistes New Yorkais, quelque deux, voire trois ans après, purent accueillir, à leur tour, ces « amis tunisiens » dont ils voulaient absolument partager le rêve : celui des frontières abolis sur une toile, démontrant, si besoin est, qu'il suffit d'y croire pour y parvenir. Un monde, à la mesure d'une toile à partager, remisant, haine et méfiance au placard, et les enfermant à triple tour, pour ne laisser place qu'à la beauté, et au règne sans partage, de l'art comme transcendance. Avec les lumières scintillantes d'un New York qui ne dort jamais, et où la diversité veut vraiment dire quelque chose, en dépit, envers et contre tout, le rêve n'avait pas un goût d'inachevé. Bien sûr, du côté de Wall Street, les revendications des manifestants n'étaient pas de la même nature que celle des artistes réunis pour créer de la magie sur la blancheur immaculée d'une toile, mais il se trouve qu'il s'avère difficile, étant au sein de l'Art School League of New York, de ne pas croire à tous les possibles. Une parenthèse enchantée, entre Tunis et New York, entre des artistes des deux bords, avec, comme figures de proue : Hechmi Ghachem d'un côté et David Black de l'autre, qui reçurent, par ailleurs, une lettre de félicitation émanant de la ministre des Affaires étrangères américaine Hillary Clinton, pour avoir réussi à œuvrer de concert afin que la culture, fasse office de « pont entre deux rives », envers et contre tout ce qui pourrait séparer, et qui a posé genou contre terre, par respect pour l'Art.