La soirée fut répartie en deux périodes : c'est Ismaël Lô qui se produisit durant la première heure du spectacle ; ensuite et après une demi-heure d'entracte, ce fut au tour d'Idir de chanter. Cette conception du programme nous permit de très vite comprendre que le public nombreux (entre 6000 et 7000 spectateurs) qui assista au concert connaissait très vaguement la vedette sénégalaise et qu'il attendait fébrilement le show du chanteur kabyle. A preuve, la relative apathie qu'il manifesta en écoutant les airs d'Ismaël Lô. Ce dernier et son ensemble durent « chauffer » de toutes les manières possibles l'assistance très peu familiarisée avec le répertoire du groupe africain. Il y eut certes des réactions enflammées mais si sporadiques et presque arrachées de force qu'on ne pouvait les comparer au délire spontané qui accompagna l'apparition d'Idir et de son orchestre. A partir de ce moment en effet, la foule n'eut plus besoin de motivation pour chanter et danser aux airs anciens et nouveaux d'Idir. Même lorsque les paroles des chansons interprétées leur échappaient, les spectateurs n'en continuaient pas moins leur transe collective. Il faut dire que les quelques centaines de jeunes kabyles (ou tout simplement algériens) qui étaient là contribuèrent à cette ambiance bon enfant qui néanmoins confinait par moments à celle des stades de football. D'ailleurs, on alluma et lança quelques pétards lorsqu'Idir fit son entrée son scène, ensuite deux ou trois fanions de la Jeunesse Sportive de Kabylie flottèrent sur les gradins de Carthage. Idir, de son côté, n'arrêtait pas de chanter sa Kabylie natale à tel point d'ailleurs qu'une partie du public tunisien s'était sentie comme exclue de cette fête de « famille ». Heureusement que certains refrains du groupe algérien appuyées par quelques phrases émouvantes du chanteur kabyle nous rappelèrent à des drames et à des émotions plus universelles. Idir ranima alors les souvenirs douloureux de la guerre et rendit hommage à toutes les mères et à toutes les femmes du monde. C'était tendre comme musique, mais jeudi soir, le public était venu pour « s'éclater » avec Idir ; ce dernier ne l'en priva nullement. Bien au contraire.