Auxiliaires de justice délégataires d'une partie de la puissance de l'autorité publique, les huissiers notaires sont entre le marteau d'une situation matérielle peu envieuse et l'enclume du rétrécissement de leur champ d'intervention dans le sillage de l'augmentation continue du nombre de nouveaux entrants dans la profession. L'arrêté portant actualisation des honoraires des huissiers notaires, promulgué le 7 octobre par le ministère de la Justice et des Droits de l'Homme et le ministère des Finances, provoque le courroux de ces auxiliaires de la justice chargés de la signification des actes et de l'application des décisions des tribunaux en matière civile. « L'arrêté a revalorisé les émoluments de l'huissier notaire pour certains actes et supprimé carrément les frais relatifs à d'autres actes. Cet arrêté, dont la promulgation était attendue depuis 2002, donne de ce fait d'une main ce qu'il reprend de l'autre», s'offusque M. Habib Dridi, président du Conseil de l'Ordre national des huissiers notaires. Et d'ajouter : «A titre d'exemple, les honoraires ayant trait à la rédaction du procès verbal principal ont été revus à la hausse, mais ceux relatifs à la rédaction d'autres exemplaires modifiés du même procès verbal ont été carrément annulés». M. Dridi déplore également le fait que les émoluments relatifs aux significations, qui constituent l'essentiel des activités des huissiers notaires, soient restés inchangés, à 12 dinars. «Le conseil de l'Ordre a reçu plusieurs centaines d'appels téléphoniques de la part de confrères estimant que l'actualisation de la grille des émoluments constitue un pas en arrière à l'heure où la situation matérielle des huissiers notaires ne cesse de se détériorer», indique M. Dridi. De plus en plus de jeunes huissiers notaires n'arrivent plus, selon lui, à payer leurs loyers ou à engager des clercs.
Etendre le champ de compétence
Outre la révision à la hausse de leurs honoraires, les huissiers notaires, réclament l'extension de leur champ de compétence, dont l'évolution n'est pas allée de pair avec l'augmentation du nombre de nouveaux entrants dans la profession. « Il y a une vingtaine d'années, le nombre des huissiers notaires ne dépassait pas une centaine. Aujourd'hui, nous sommes près d'un millier, mais le champ d'intervention couvert par le notariat est resté très limité », souligne M. Dridi. Le président du Conseil de l'Ordre national des huissiers notaires souhaite notamment étendre le domaine d'intervention de ses confrères aux actes de procédure pénale, au recouvrement amiable des créances et à la vente des fonds de commerce. Du côté du ministère de la Justice et des Droits de l'Homme, on estime, en revanche, que le nouvel arrêté fixant les émoluments «vient consolider les acquis» des huissiers notaires qui constituent un rouage indispensable de l'appareil judicaire. Le ministère réitère aussi sa prédisposition à débattre de l'élargissement du domaine de compétence de la corporation.
«Eternels mal aimés»
Souvent perçus comme des «machines» chargées d'exécuter sans états d'âme les décisions des tribunaux, les huissiers notaires continuent, d'autre part, de souffrir d'une mauvaise image de marque auprès de leurs concitoyens. « Globalement, les représentations sociales de notre profession ne sont pas à la hauteur de son utilité publique. Les huissiers notaires ont très souvent mauvaise presse. En effet, même si les avocats ou les magistrats sont parfois vilipendés, les huissiers apparaissent comme les professionnels du monde judiciaire les plus mal aimés», peste M. Dridi La perception négative du rôle de l'huissier notaire trouve son origine, selon les gens de la profession, dans certains faits historiques datant de l'époque beylicale. A cette époque, les huissiers notaires qu'on appelait «loussi» procédaient d'une manière plutôt agressive pour collecter les impôts, allant jusqu'à agresser physiquement ceux qui accusaient un retard de paiement. « Dans la littérature, les médias ou encore au cinéma, les huissiers notaires sont fréquemment tournés en dérision, voire vilipendés. On se souviendra notamment du goût prononcé pour l'escroquerie d'un huissier notaire dans le feuilleton ‘Donia' diffusé durant la dixième quinzaine du mois de Ramadan sur canal 7 ou encore des insultes proférées contre un autre dans la sitcom ‘Choufli Hal'» déplore, de son côté, M. Habib Dridi. Mais tout cela c'est du passé. Les huissiers-notaires de la nouvelle génération font tout pour rehumaniser la profession…