Au-delà de la viande salée et séchée au soleil (Kadid), l'auto-approvisionnement traditionnel « Oula » est récupéré par l'industrie agro-alimentaire. Pour sa part, l'ODC prêche dans le désert…- L'Aïd Al Idha que les Tunisiens s'apprêtent à célébrer avec les autres peuples musulmans, reste pour la plupart des familles tunisiennes citadines et rurales une occasion privilégiée pour se constituer une bonne réserve de viandes salées et séchées au soleil, appelées communément ‘'kadid'', à partir de portions de viande fraîche prélevées sur les moutons sacrifiés. Certaines familles en profitent pour sacrifier un mouton supplémentaire et le consacrer à ces traditionnelles préparations culinaires, en vantant la qualité supérieure de la viande salée et séchée au soleil, le kadid. Un spécialiste explique la pratique, plutôt, « par le grand plaisir de renouer avec les habitudes ancestrales relatives à la constitution de réserves alimentaires au sein du groupe familial ». Plaisir de la préparation et de l'acquisition « En effet, a-t-il dit, au-delà de la satisfaction future des besoins de nutrition, la constitution de réserves alimentaires, au sein de chaque groupe familial, représentait, en soi, autrefois, une véritable fête et un événement marquant de la vie du groupe, donnant lieu à de grandes réjouissances collectives, comme on peut le constater, encore, de nos jours, au sein des familles, notamment dans la campagne et les villages, à l'occasion des opérations de séchage, de salaisons, de fermentation et de distillation des divers fruits, légumes, fleurs et feuilles vertes ». «La préparation et les pratiques d'acquisition de la nourriture donnent du plaisir autant que l'acte de manger, car elles font partie de l'acte de manger, comme la chasse, aux époques reculées de l'histoire », a-t-il relevé, ajoutant que « les gens trouvent, toujours, du plaisir, à faire des emplettes et aller au marché, et dans ce qu'on appelle, aujourd'hui, le shopping ». Mais, cet auto-approvisionnement familial traditionnel, qu'on désigne, aussi, en Tunisie du nom de « oula », dans certains cas, voit son champ d'application se restreindre et a tendance, même, à disparaître, notamment, en milieu urbain, tandis que les procédés traditionnels de conservation des denrées alimentaires, tels que le séchage et les salaisons, ont été largement récupérés par l'industrie et sont devenus de véritables activités industrielles. En Tunisie, la conservation des produits agro – alimentaires par séchage, salaisons et transformation, est devenue une importante et fructueuse activité industrielle, au moment où l'Organisation de Défense des Consommateurs (ODC), entre autres, essaie de réhabiliter les modes d'auto-approvisionnement alimentaire traditionnel, au sein des ménages, comme étant des moyens permettant de se libérer de l'emprise du marché. Plusieurs citoyens et citoyennes, en Tunisie, défendent, encore, énergiquement, ces modes traditionnels de constitution de réserves alimentaires, à l'instar de Mme Nébiha Guerfali, mère de famille, habitant au quartier de Montfleury, à Tunis, et employée dans une société commerciale, qui nous a avoué sa peine de voir « toutes ces bonnes habitudes se perdre, sans raison ». Savoir faire En ce qui me concerne, nous a-t-elle dit, « je veille, chaque année, à constituer des réserves alimentaires pour ma famille, au moyen des procédés traditionnels de conservation, notamment le séchage au soleil, et les salaisons ». Elle procède, chaque année, au séchage de toutes sortes de fruits et légumes, comme les tomates, les piments, les oignons, en grandes quantités atteignant des dizaines de kilogrammes pour chaque variété. Elle nous a parlé d'une méthode de conservation des piments au moyen du séchage et de l'huile, très typique, et rien qu'à l'entendre décrire la manière de le faire, on a l'eau qui monte à la bouche. Avec elle, on réalise que la préparation de la nourriture est un art et un savoir faire. « La perte des habitudes et méthodes de l'auto – approvisionnement alimentaire traditionnel équivaut à une perte du savoir faire », a-t-elle fait remarquer. Aussi, a-t-elle pris soin de transmettre tout son savoir faire en la matière, à ses filles dont l'une est étudiante à Tunis. « Tous les Tunisiens, sans exception, vous vanteront les mets préparés à la maison, appelés « diari », même au moyen d'ingrédients achetés, au marché. Le plaisir procuré devient double lorsque les ingrédients, aussi, sont préparés, à la maison », a-t-elle souligné. De l'avis de beaucoup, l'oignon séché au soleil a davantage de goût que l'oignon frais, tandis que des études très sérieuses ont montré que la nature des aliments peut être un facteur de risque ou de protection contre les maladies, autant que les pratiques d'acquisition des aliments, de préparations culinaires et de prises alimentaires.