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Un talent tout en générosité
Un café à Paris avec Kerim Bouzouita, compositeur
Publié dans Le Temps le 13 - 11 - 2010

De Paris : Khalil KHALSI - Nous entamons à partir de ce samedi, la publication bi- mensuelle d'une nouvelle rubrique intitulée « Un café à Paris », signée Khalil Khalsi, notre correspondant permanent à Paris. Une rubrique dans laquelle nous brossons le portrait d 'un citoyen ( ou une citoyenne), résidant en France et qui se distingue par sa créativité culturelle, littéraire ou artistique.
Rendez-vous à Métro Cardinal Lemoine, ligne 10. Matin d'octobre un peu froid et gris, le Quartier Latin s'éveille lentement, le cœur de Paris recommence à battre. Kerim aime bien ce lieu où il a élu résidence depuis quelques années. Il connaît bien son chemin, les cafés comme les endroits chargés d'Histoire. Quelques jours auparavant, ses pas et sa passion nous ont guidés jusqu'à un hôtel du Quartier Latin où avaient habité des auteurs de la Beat Generation. Sujet sur lequel Kerim s'était consacré l'année dernière au cours de sa thèse.
Non, Kerim n'a pas eu de formation littéraire, même s'il avoue – et peut-être le fait-il rarement – que son rêve d'enfance était de devenir écrivain. « Ce rêve est toujours dans le placard », susurre-t-il, lui qui a participé récemment à un concours de nouvelles où « ça a plutôt pas mal marché » pour lui. Mais il reste réaliste : « On ne peut pas tout faire, et surtout tout bien faire », tranche-t-il.
C'est que Kerim Bouzouita, musicien et compositeur de 31 ans, vise l'excellence. Que ce soit dans son cursus universitaire ou dans son travail musical, deux parcours qui étaient à l'opposé l'un de l'autre avant qu'il ne décide de se restreindre à la musique. Car Kerim, maîtrisard en Informatique de Gestion (ISG Tunis), s'est installé en 2002 en France pour poursuivre des études en communication publicitaire ; durant son Master, il a même été embauché par une grande agence publicitaire, ensuite par le groupe Vivendi Universal. « Ayant très vite gravi les échelons, j'ai été complètement refroidi par rapport à la perspective de passer ma vie à trouver des idées pour faire consommer les gens », dit-il, avant de comparer cette expérience à la même qu'il a eue, à 23 ans, dans une grande maison de disques : « Je devais me conformer à un cahier de charges obéissant aux lois du marché que les producteurs pensaient correspondre aux attentes du public… Je me retrouvais, quelque part, à refaire de la pub. »
Et d'enchaîner : « On ne sait pas comment l'art va se transformer, et à partir de là se déploie tout un champ de possibles qui nous surprendra toujours… Alors je préfère suivre ma voie sans être dans le consensus, en faisant une musique qui échappe à la loi du marché, une musique plus instinctive, motivée par l'audace et la prise du risque… La pub me faisait très bien vivre, mais je vis mieux en gagnant moins d'argent avec la musique. Et je suis convaincu que la réussite commerciale d'un compositeur est possible à force de persévérance. »
L'électron a alors choisi de redevenir libre, exactement comme quand il avait découvert la guitare et qu'il avait commencé à prendre des cours, à se balader à Tunis, son instrument sur le dos, comme une curiosité exotique. « C'était dans les années 90, nous étions une poignée à jouer de la guitare… » rappelle-t-il. Mais il était sûrement le seul à décider de prendre des cours avec le meilleur dans chaque style de musique : Riadh Matar pour le répertoire classique, Adel Mrabet pour le Metal, Mehdi Azaiez pour le Blues et Adel Jouini (fils de feu Hedi Jouini) pour le Jazz. Il ne savait peut-être pas dans quoi il se lançait à l'époque, mais il s'y lançait avec détermination, une sorte de prescience de l'instinct. D'autant plus que, à ce moment-là, il n'était pas question pour lui de choisir. Il explique : « La matière première de la musique, c'est le sens, et me limiter à un style aurait été me priver de tous les autres, ce qui, à mon avis, est un non-sens. »
Il dit alors que c'est un concours de circonstances qui l'a amené à faire de la musique. Mais, en rompant avec le monde de la publicité, il savait bien vers où il allait. Résultats : une Maîtrise en Musique, un Master en Sociologie de l'art à Paris-8 où il mène désormais des recherches sur les courants Underground et la Contre-culture.
Entre-temps, Kerim multiplie les projets et continue son apprentissage. « Il faut se lancer dans un projet avec humilité, en se disant qu'il y aura toujours quelque chose à apprendre. » Et c'est ainsi qu'il découvre lui-même les différentes facettes de son talent, comme quand, en 2009, à la demande de Kahena Sanâa pour son spectacle « Je ne sais plus où j'en suis », il a composé de la musique concrète, chose qu'il ne connaissait pas deux mois auparavant. « Ce genre de circonstances éveille des sensibilités, pousse à des compétences ignorées ; être au service de l'imaginaire d'autrui élargit aussi son propre imaginaire, et je trouve cela passionnant… »
Une nouvelle corde à sa guitare, donc… Comme la réalisation. Kerim n'a pas fini de nous surprendre, sûrement comme il s'est surpris lui-même en visionnant les vidéos qu'il avait faites pour les besoins d'un documentaire. « Je devais enregistrer des voix, mais le réalisateur, ayant été cambriolé la veille, m'a donné un caméscope. Ironie du sort, avant cela, je n'avais même pas un appareil-photo jetable ! » Quelque temps plus tard, en 2009, Kerim est à la finale du « Plus Grand Concours Photo au Monde » ; l'année suivante, il tourne et réalise une minisérie pour Slam Village, avec le comédien Mohamed Dahech…
C'est ainsi que Kerim fait son bonhomme de chemin dans tout ce qu'il entreprend : découverte, exploration, ensuite la passion bourgeonne et se déploie. Cependant, il se déclare, d'abord et avant tout, comme compositeur et directeur artistique. « Je ne crois pas réellement en la polyvalence, répète-t-il, car soit on est parmi les meilleurs, soit on n'est pas!»
Mais alors, ce rêve resté dans le placard ? « Ecrire oui, mais dans quelle langue ? » s'interroge Kerim, qui poursuit : « La langue que je maîtrise le mieux à l'écrit, c'est le français, mais ce serait dommage que, en tant que Tunisien, il me faille passer par une langue étrangère pour m'exprimer. Cela m'intéresserait, en revanche, de travailler dans le dialectal. L'état de l'industrie du livre et de la lecture en Tunisie a déjà prouvé que les Tunisiens ne sont pas intéressés par l'arabe châtié, ni par une langue qui est, à l'origine, celle de l'ancien colonisateur… Pourquoi alors ne pas lui parler dans son dialecte ? »
C'est que Kerim a entamé un projet dans ce sens. Dans la continuité du disque « Le Jardinier de Metlaoui », où F.-G. Bussac lit son propre roman sur une musique de Kerim, paraîtra prochainement un nouveau disque, cette fois bilingue : des poèmes anglo-saxons lus par une voix écossaise et, en tunisien, par des voix tunisiennes.
Un projet pour les Tunisiens, en somme, par lequel Kerim veut transmettre sa passion de la littérature. Les poèmes sont d'auteurs qu'il apprécie lui-même, comme Sir Tennyson, Dylan Thomas, Emily Dickinson, Borrows…
Pareil pour le Centre artistique Art'Village, qu'il a ouvert avec Oussama M'hidi et Saloua Ben Salah, et où des cours de musique sont dispensés gratuitement aux jeunes. Le second nouveau projet de Kerim est de donner carte blanche aux jeunes âgés entre 12 et 20 ans pour qu'ils composent de la musique sur des textes de la Fontaine et d'Ibn Moukaffaa.
« Ma génération a un rôle à jouer pour celle qui arrive. Nous devons ouvrir des portes, partager, pousser notre passion. Pour cela, j'ai envie de continuer à travailler en Tunisie ; pour l'enthousiasme dont font preuve certains artistes de la vingtaine ou de la trentaine, des artistes en devenir – je ne parle pas des dinosaures qui ne se décarcassent pour personne –, des gens dont l'engagement vis-à-vis de l'art est noble mais que l'on veut marginaliser parce qu'ils font de l'underground. C'est dans cette perspective-là que nous avons fondé Art'Village… Nous faisons en sorte que les projets deviennent réels ; en deux ans, nous avons quand même monté une trentaine de concerts dans les musiques alternatives. Et, à ce propos, la Cité de la Culture aurait tout à gagner en allant vers le public de la musique alternative ; ce serait plus facile de s'occuper de ce public-là que de vouloir en créer un, par exemple, pour l'opéra…»
Kerim aurait encore beaucoup à répondre, beaucoup à dire, beaucoup à inventer et à surprendre… Quand une idée vient, dit-il, on ne sait pas comment elle vient, et cette idée peut le mener jusqu'au Petit Népal pour aller faire écrire des histoires futuristes à des petits orphelins… sans se demander pourquoi. Cette idée est peut-être, plus que le talent, tout simplement la passion.


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