Avec la parution du deuxième tome de son roman « Les mystères de Tunis », Sophie El Goulli retrouve sa voix dans le concert des écrivains tunisiens. Femme de lettres et d'arts, elle est habitée par une profonde passion pour le cinéma ; elle a fait partie du Ciné- Club de Tunis et a fondé avec des amis, la cinémathèque tunisienne en 1958. Un groupe de bénévoles qui, grâce à Henri Langlois de la cinémathèque française, ont fait partie de la fédération internationale des cinémathèques. Après des études de lettres à Aix en Provence et à la Sorbonne à Paris, (licence d'anglais et licence de français), Sophie El Goulli enseigne au lycée de la rue du pacha et au lycée de Monfleury. En 1964, elle obtient une mise en disponibilité pour préparer l'agrégation de lettres modernes. Elle intègre en 1973, le ministère des Affaires Culturelles, à la Division du Cinéma puis au cabinet du même ministère. Elle obtient à la Sorbonne, un doctorat de 3ème cycle d'histoire de l'art sur l'histoire de la peinture en Tunisie et enseigne à partir de 1980, l'histoire de l'art à l'ITAAUT. Elle est lauréate en 1991, du Prix Culturel du Cinéma et aussi en 1992, du Prix national de la Critique Culturelle. En 1999, elle obtient le Prix de l'Association TunisieFrance pour les Arts Plastiques ; en 2004, le Prix spécial du jury du Comar d'Or. Le CREDIF lui décerne par ailleurs, le prix de la poésie française du XXème siècle. Un riche et élogieux parcours d'une femme qui a consacré sa vie au service de la culture de son pays et qui lui a valu méritoirement reconnaissance et notoriété. D'autre part, elle est l'auteur de Contes : «Le roi qui s'ennuyait», «Le joueur d'échecs», « Le soleil et la pluie » et de vingt autres contes pour enfants publiés en 2009 chez Zakharef, (illustrations de Adel Megdiche) ; Poésie : «Signes», «Vertige solaire», «Lyriques», «Cantate», «Nos rêves» ; Peinture : «Monographie Ammar Farhat», «La peinture en Tunisie , des origines à nos jours» ; Romans : «Hashtart» et «Les mystères de Tunis», dont le premier tome est paru en 1993 chez Ennawres et le second (Le temps de l'éveil), vient de paraître à compte d'auteur. Pour reprendre les propres termes de Hédi Bouraoui de l'université York , « Sophie El Goulli réussit à rendre les mystères de la vie avec toutes les surprises heureuses et malheureuses que le ciel réserve à l'être humain et nous livre une merveilleuse page de notre Histoire pluriculturelle qui prône toujours la compréhension et la tolérance… ». Le Temps : Comment est née l'idée de la saga des «Mystères de Tunis» ? - Sophie El Goulli : Quand je collaborais au journal Le Temps, j'ai eu l'idée de faire un roman d'été ; un roman populaire, en reprenant le titre des « Mystères de Paris » de Eugène Sue. J'ai pris comme date, celle de 1881, période de l'instauration du protectorat pour montrer comment cet événement historique allait changer la vie des habitants de la Régence de Tunis… J'ai pris une famille tunisienne musulmane, Mohamed Balghagi ; une famille d'un bijoutier juif tunisien qui vivait dans la Hara et qui s'installe dans la ville européenne (à l'avenue de Londres), Mardochée Mettoudi ; un Maltais, Joseph ; un Italien, Vito Dangelo et deux Français venus pour civiliser les « indigènes », (Durany et Savin), et qui vont chacun à sa manière, changer d'idées et de convictions. Durany devient un haut personnage de la colonisation et Savin écœuré de voir comment sont traités les «indigènes» qu'il ne trouve pas tellement «sauvages», quitte la colonie. Par la suite, quand le Ministère de la Culture avait décidé d'aider la création littéraire en subventionnant le coût de l'édition des livres, Le responsable du service culturel du temps à l'époque, m'a donné l'idée de reprendre le feuilleton et d'en faire un roman. Ainsi, m'est venue l'idée de faire une saga en trois tomes suivant les événements historiques de l'époque. Si le premier tome s'arrête dans les années 1920, le second couvre les années (1920-1940) et un troisième suivra pour retracer les événements des années (1940-1956). *Dans « Les Mystères de Tunis : le temps de l'éveil », la vie des principaux protagonistes tunisiens, français, italiens et maltais du premier tome, se trouve imbriquée dans les événements historiques qui secouent la Régence de Tunis et l'Europe…comment envisagez-vous la trame du troisième et dernier tome? Dans le deuxième tome, les personnages sont confrontés à la résistance nationale de plus en plus organisée et font face aux nombreuses répressions de la résidence générale, c'est à dire, le pouvoir colonial. Mon travail a été relativement facilité dans la mesure où j'ai vécu à une époque où les événements politiques économiques, sociaux et culturels, m'étaient familiers. Par exemple, la répression sanglante du 9 avril 1938, l'exil de Moncef Bey, le retour de sa dépouille et son enterrement au Jellaz. Le troisième tome mettra par ailleurs, avec plus de force, l'accent sur les retombées de la deuxième guerre mondiale sur la lutte nationale avec l'exil de Moncef bey, l'arrestation de Habib Bourguiba et des nombreux nationalistes et l'assassinat de Farhat Hachèd, etc… *Un feuilleton populaire qui se transforme en une saga de trois tomes, quel souffle ! Vous savez, au début, « Les mystères de Tunis » n'était qu'un feuilleton populaire en sacrifiant à tous les éléments du genre : enfant abandonné recueilli, élevé puis retrouvé par ses parents ; une princesse étrangère promise à Ahmed bey ; un mariage qui n'a pas eu lieu, le prince étant mort ; la princesse ayant « fauté » avec l'officier, son garde du corps, fut obligée d'abandonner cet enfant du pêché … Mais au fil du récit, je ne pouvais pas ne pas tenir compte et m'engager avec plus de force dans cette lutte nationale qui avait commencé avant ma naissance et qui avait pris une ampleur à la mesure du désir de plus en plus manifeste de mon peuple. Propos recueillis par : Sayda BEN ZINEB « Les mystères de Tunis » par Sophie El Goulli, édition à compte d'auteur, Tunis 2010 ; 302 pages ; prix 15dt.