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La révolution tunisienne dans la presse internationale
Publié dans Le Temps le 25 - 01 - 2011


Le Point
Où sont donc passés les amis de Ben Ali ?
Aujourd'hui que le régime est tombé, difficile de trouver un décideur français qui reconnaisse son indulgence envers Ben Ali.
Vae Victis, malheur aux vaincus : le vieil adage romain est plus que jamais d'actualité du côté de l'antique Carthage, même si c'est un chef gaulois (Brennus) qui l'a popularisé vers 390 avant Jésus-Christ. Trouver aujourd'hui un Français admettant avoir, peu ou prou, soutenu le régime de Ben Ali ou avoir fait preuve d'une quelconque indulgence envers lui relève de l'exploit.
Le journaliste qui s'aventure sur ce terrain est à peu près dans la même situation que l'infortuné prince de Soubise cherchant son armée à la lueur d'une lanterne après la défaite de Rossbach (1757).
Du bout des lèvres
Les habitués d'Hammamet, les accros de Djerba, ceux qui allaient volontiers colloquer en Tunisie, en évitant les questions grossières qui auraient pu indisposer leurs hôtes, se sont volatilisés. Disparus, envolés, réduits à l'état gazeux.
Quelques-uns reconnaissent, du bout des lèvres, avoir fréquenté les cercles du pouvoir, mais c'était pour de bonnes raisons. Et chaque fois qu'ils ont eu l'occasion de voir Ben Ali ou l'un de ses proches, ils n'ont pas manqué d'insister sur la nécessité de démocratiser, d'ouvrir des espaces de liberté, de mettre un peu moins la main dans le pot de confiture. Si l'on pousse un peu ces téméraires dans leurs retranchements, ils vous susurreront dans le creux de l'oreille qu'ils étaient, en réalité, des sortes de résistants soigneusement dissimulés.
Cécité politique
Soyons sérieux : personne n'avait prévu que le régime de Ben Ali s'effondrerait aussi vite. Et il est légitime que la France ait cherché à préserver ses intérêts dans le pays. Si l'on n'entretenait des relations qu'avec des Etats démocratiquement irréprochables, on pourrait licencier la moitié des diplomates du Quai d'Orsay. Une politique étrangère n'est fondée ni sur des sentiments ni sur des principes uniquement moraux. Elle s'enracine sur l'histoire, la géographie et les intérêts. Mais cela n'empêche pas d'évaluer la réalité, de cerner les courants qui se dessinent dans la société, de mesurer les changements qui se profilent, les aspirations des nouvelles générations. Or on a la fâcheuse impression qu'il y a eu sur ce plan de sérieuses défaillances.
Et une question subsidiaire surgit : la proximité de nombre de décideurs français avec le pouvoir en place à Tunis n'a-t-elle pas largement contribué à cette cécité politique ?
Par Pierre Beylau, rédacteur en chef Monde
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Libération
Laboratoire
Qui aurait pensé que la Tunisie deviendrait ce laboratoire vivant de la transition vers la démocratie ? Un exemple pour le monde arabo-musulman et au-delà ? Jusqu'à présent, les Tunisiens ont évité les débordements et les bavures des changements de régime. Malgré la haine que suscitait la famille mafieuse du couple présidentiel, le pays a échappé aux règlements de comptes et aux exécutions sommaires de ses tortionnaires et geôliers. Mais le plus dur reste à venir. La Tunisie doit reconstruire un appareil d'Etat, dépecé et détruit par la dictature. Elle doit rebâtir une économie, littéralement rackettée. Elle doit créer une presse libre, une justice équitable, une administration affranchie de la mainmise d'un parti unique.
Les Tunisiens se sont délivrés seuls et c'est à eux de décider des aides et soutiens extérieurs. Le gouvernement français, totalement déconsidéré, ne peut que se faire oublier. Mais la société civile française peut proposer appui et coopération à la société civile tunisienne. Les avocats et les magistrats aider la justice tunisienne. La presse assister des médias qui se dégagent de décennies de censure. Les universitaires, chercheurs, médecins, ONG peuvent aussi apporter leur coopération. Ces appuis doivent profiter de l'expertise des milliers de Franco-Tunisiens prêts à aider à refaire leur pays. Preuve que la France ne se résume pas aux politiques et journalistes bronzant sous le soleil d'une dictature. Preuve aussi qu'elle a autre chose à envoyer que son savoir-faire en matraques et lacrymo.
Par François SERGENT
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Le Monde
Un printemps en hiver
Par Tahar Ben Jelloun
Quand une dictature se rouille de l'intérieur, il suffit d'une étincelle pour qu'elle s'effrite. On dit qu'un maillon faible a cédé, et de ce fait il est plus fort que toute la chaîne. Ainsi le régime d'un ancien flic et d'une ancienne coiffeuse est tombé sur le fil des évidences, un fil tenu par un peuple qui ne pouvait plus supporter les humiliations, le mépris, le vol et la misère. Un peuple qui, dès 1988, avait manifesté sa colère et avait été réprimé sauvagement.
Voir un chef d'Etat, gras et épais, cheveux teints et regard satisfait, fuir comme un voleur, mendier un lieu d'asile, essuyer quelques refus, apprendre que cet homme qui a semé la terreur chez un peuple bon et patient est dans la détresse d'un Bokassa ou d'un Duvalier, tout cela prouve qu'il ne méritait pas d'avoir été un chef d'Etat et que, tout au plus, il aurait pu poursuivre sa carrière de fonctionnaire médiocre dans une ambassade lointaine. Le Tribunal pénal international devrait se dépêcher de l'inculper et espérer l'arrêter et le juger. Sinon, c'est trop facile : on réprime, on torture, on vole puis on part en exil doré à Djedda.
A présent, ce que feront les Tunisiens de ce printemps en plein hiver est une affaire qui les regarde. Cependant l'exemple tunisien fascine et inquiète. Il suscite l'admiration et des interrogations. Des régimes arabes tremblent en silence ; des dirigeants se passent et se repassent le film des événements : "Et si ça arrivait chez moi ?" Des insomnies sont à prévoir et des comptes à l'étranger à bien fournir (ils viennent d'apprendre qu'il faut éviter les banques françaises).
Il est des sociétés dans le monde arabe où tous les ingrédients sont réunis pour que tout explose. Trois Etats entrent dans cette configuration.
La Libye d'abord, parce qu'on ne sait rien de ce qui s'y passe. Un homme, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat (1969), cultive son culte de manière si grotesque qu'il échappe à toutes les prévisions. Le pays vit sous un linceul de silence et de résignation. Rien ne filtre. Pour la Tunisie, c'est un voisin dangereux et pervers. Il faudra s'en méfier. Quand le "raïs" se déplace à l'étranger, il impose à ses hôtes son folklore et son arrogance. Il a la maladie du pétrole. D'où, après l'illégitimité, l'impunité. Et certains Occidentaux se mettent presque à genoux dans l'espoir de lui faire signer de gros contrats. En vain.
L'Algérie. Un pays et un peuple magnifiques. Des potentialités exceptionnelles. Une jeunesse nombreuse et vive. Des richesses immenses en gaz et en pétrole. Mais un système militaire qui tient le pays depuis l'indépendance et qui ne lâche rien. Quand l'armée installe un civil à la présidence de la République, il est là pour exécuter ses ordres. Sinon, son élimination est possible, comme ce fut le cas de Mohamed Boudiaf, qui avait cru pouvoir gouverner selon ses propres principes et valeurs. Il fut assassiné le 29 juin 1992.
L'écrivain algérien Rachid Mimouni (1945-1995) avait publié un roman, La Malédiction (Stock, 1993). Il parlait de son pays. On peut hélas ! inclure une grande partie du monde arabe dans cette malédiction qui dure depuis si longtemps. Des régimes issus de coups d'Etat, des présidents qui se font "élire" à des scores frisant les 99 %, un mépris profond pour le citoyen, les richesses du pays accaparées par des individus qui tirent les ficelles dans l'ombre - ainsi la manne pétrolière et gazière de l'Algérie ne profite pas au peuple, qui reste pauvre et sans espoir de changement.
L'autre pays, c'est l'Egypte. Là, la pauvreté, la corruption et le culte de la personnalité ont fini par installer la rouille dans tous les rouages de l'Etat. Au moment où Mohamed Bouazizi s'immolait par le feu à Sidi Bouzid (cet acte sacrificiel ne fait pas partie des traditions du monde musulman, c'est dire combien le désespoir est immense !), la police égyptienne faisait du Kafka sans le savoir.
Il s'appelait Sayyid Bilal, il avait 31 ans, musulman pratiquant. Il vivait à Alexandrie tranquillement avec sa femme, qui était enceinte. Le mercredi 5 janvier, il reçut un coup de téléphone du ministère de l'intérieur : "Venez nous voir ce soir à 10 heures ; apportez une couverture avec vous, vous en aurez peut-être besoin." A l'heure dite, il se présenta, ne sachant pas la raison de cette curieuse "invitation", mais, en bon citoyen, il ne posa pas trop de questions.
Vingt-quatre heures plus tard, le même agent de police appelle sa famille et leur dit : "Venez chercher le corps de Bilal : il est mort." Stupeur. Le corps porte de nombreuses traces de torture. Les parents reconnaissent à peine leur fils, ils ont juste le temps de prendre des photos. La famille porte plainte. On lui ordonne de la retirer sous peine de se retrouver tous dans les locaux de cette police si délicate. En outre, ordre est donné pour que le corps soit enterré le jeudi soir et non le lendemain, jour de la grande prière. La presse relate cette affaire. La police veut que ce cas soit porté à la connaissance du plus grand nombre. Le message est clair : voici ce qui vous attend si vous choisissez le camp de l'opposition. Le fait d'avoir choisi un citoyen sans histoires est une façon vicieuse de marquer le message.
On dirait que Dieu a maudit ces pays, il les aurait abandonnés à des guignols bruts et cruels jusqu'au jour où le feu de la justice surgit de la rue, comme un printemps en plein hiver. Ce printemps sera complet le jour où le monde arabe sera débarrassé de ces momies aux cheveux gominés qui sèment la détresse et le malheur parmi leur peuple.
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Le Figaro
Le gel difficile de la fortune des Ben Ali
L'organisme anti-blanchiment Tracfin a demandé aux banques françaises de lui signaler le moindre mouvement de fonds suspect lié à l'entourage du président tunisien déchu. Mais le gel des avoirs n'est pas automatique.
Les proches du président tunisien déchu sont dans le viseur de la cellule française de lutte anti-blanchiment, Tracfin. Nicolas Sarkozy a déclaré samedi que Paris avait «pris les dispositions nécessaires pour que les mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France soient bloqués administrativement».
En clair, le gouvernement français a demandé aux enquêteurs de Tracfin «d'exercer une vigilance particulière» et de lancer des «blocages administratifs» si besoin. L'objectif: que l'argent provenant de présumés pots-de-vin et de spoliations placés en France ne puisse pas être évacué vers des cieux plus cléments par les familles du président en fuite Zine el-Abidine Ben Ali et de sa femme Leïla Ben Ali Trabelsi. La fortune de Ben ali est estimée à 5 milliards d'euros par le magazine américain Forbes.
«Mesures de vigilance»
Dimanche 16 janvier, Tracfin a publié sur son site Internet une note destinée aux professionnels. La cellule invite ces derniers «à appliquer avec une particulière attention les mesures de vigilance». En cas de mouvements suspects, Tracfin peut, dans un premier temps, «bloquer [les fonds] pendant 48 heures et ensuite saisir une instance judiciaire», a précisé la ministre de l'Economie Christine Lagarde. «C'est très souvent ce qu'il se passe dans des situations troubles de ce type, en cas de changement et de transition de régime.»
Au-delà de ces 48 heures, seule une décision de justice ou des sanctions internationales peuvent entraîner le gel des avoirs suspects. Bercy liste trois types de sanction : celles imposées par les Nations unies ; celles mises en place par l'Union européenne et celles émanant de la justice française.
Problème, note Danièle Lebègue, président de Transparency International France, «si des avoirs sont bloqués 48 heures et si cela n'est pas suivie d'une décision de justice, les Tunisien incriminés retrouveront-ils leurs fonds mal acquis?», s'interroge le responsable de l'ONG.
«Eviter une évaporation des sommes»
Transparency International et l'ONG Sherpa porte donc plainte pour obtenir une intervention de la justice comme une décision conservatoire du type gel des avoirs. Avant une restitution des fonds à la Tunisie. «Il faut absolument éviter une évaporation des sommes vers le Moyen-Orient et les paradis fiscaux», insiste Danièle Lebègue. Les deux associations sont déjà à l'origine de la plainte en France contre trois chefs d'Etat africains, Ali Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzavile) et Teodoro Obiang (Guinée équatoriale) dans l'affaire dite des «biens mal acquis».
Le clan des Ben Ali et des Trabelsi, qui possède des résidences en France, n'a probablement pas placé tous ses œufs dans le même panier. «Les Trabelsi ont beaucoup investi à Dubaï, notamment dans l'immobilier», indique Catherine Graciet, journaliste et auteur de «la régente de Carthage», une enquête sur la femme de l'ex-président. «Ben Ali s'est récemment rendu en Argentine et soignait son cancer à Malte, ce qui laisse supposer qu'il y a placé une partie de sa fortune.» Les cercles d'exilés tunisiens de Paris bruissent également de rumeurs de placements en Suisse et à Monaco. Autant d'endroits où le gel des avoirs n'est pas une pratique toujours très répandue
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La croix
Après l'exubérance
Paroles libérées, parole qui libère… Dix jours après la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali, les Tunisiens sont toujours transportés par une exubérance volubile. Le droit d'expression est à la portée du premier venu. Beaucoup s'en saisissent, en famille, entre jeunes, sur les réseaux sociaux… Des structures d'opposition préexistantes – syndicats, organisations de défense des droits de l'homme, partis politiques – restent des canaux privilégiés pour orienter le flot des attentes. D'autres, liées à l'ancien régime, se fissurent ou cèdent sous la pression de la révolte. Cette marée tumultueuse a été jusqu'ici presque entièrement pacifique.
Un jour, les eaux se retireront et un nouveau paysage apparaîtra. Mais l'enjeu de la reconstruction est dès aujourd'hui urgent. La lutte politique retrouve ici toute son âpreté. Sur quels fondements le nouveau régime devra-t-il reposer ? À quels principes adosser la légitimité des futurs gouvernants ? Dans quel cadre organiser la confrontation des projets de société ? Les dirigeants, ceux de l'ancien système comme les ex-opposants, sont confrontés à la double nécessité d'assurer la continuité de l'Etat et de briser l'emprise de l'ancien parti présidentiel sur les institutions. Les arbitrages seront parfois délicats.
Dans cette période mouvante, on ne perçoit pas encore très bien l'action des forces islamistes. La figure historique de ce courant, Rached Ghannouchi, s'apprête à revenir de son exil à Londres. Il a affirmé que son projet n'était pas d'instituer la « charia », la loi islamique. Son homonyme, Mohammed Ghannouchi, premier ministre de la transition, a affirmé que le statut de la femme ne serait pas remis en cause. Des propos importants qu'il faudra vérifier dans la durée. Jusqu'ici, la « révolution » tunisienne contredit le postulat de tous les régimes voisins qui mettent en avant le « péril » islamiste pour s'accrocher au pouvoir. Un des principaux enjeux à long terme est là : l'émergence de projets et de partis politiques qui n'aient besoin ni du détour par l'islam ni de la coercition pour l'emporter. Les Tunisiens écrivent une page d'histoire qui déborde largement leurs frontières.
Jean-ChristophePloquin
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L'express
Le rôle des avocats dans la révolte en Tunisie
Le Conseil de l'Ordre est le seul corps démocratiquement élu du pays Il a trés tôt accompagné le mouvement contestaire.
Cela n'est pas un hasard si les avocats ont été les premiers à organiser à Tunis, dès le 27 décembre, une manifestation de soutien aux jeunes émeutiers de Sidi Bouzid : le barreau, dans la Tunisie de Ben Ali, faisait un peu figure de village d'Astérix. Un bastion de résistance à la mainmise du pouvoir sur l'ensemble des corps constitués, politiques ou professionnels. "Nous sommes les seuls élus de Tunisie !" dit fièrement le bâtonnier Abderrazak Kilani, patron du Conseil de l'ordre. Forte de 10 000 membres, dans un pays de 10 millions d'habitants, la profession avait en effet réussi à préserver, contre vents et marées, le droit de choisir ses représentants. Toutes les tendances sont d'ailleurs représentées au Conseil de l'Ordre: laïcs et islamistes, membres du parti au pouvoir et opposants de toujours. "L'Ordre n'a plié ni devant Bourguiba, ni devant Ben Ali, il a été un front du refus contre l'asservissement de la justice" dit Me Alya Cherif Chammari, avocate et petite-fille d'avocat.
Culture contestataire
Les avocats d'aujourd'hui sont les héritiers d'une longue tradition. "Le mouvement indépendantiste tunisien, rappelle Me Kilani, a été créé et dirigé par des avocats. Par la suite, en défendant les opprimés face à un ordre répressif, la profession n'a jamais cessé de se battre pour les libertés et les droits de l'homme." Pas un procès politique en effet, ces dernières années, dans lequel les avocats n'aient dénoncé avec force l'asservissement de la justice. Il faut dire que la formation et l'entrée dans la profession se faisaient jusqu'à une date récente sans que le pouvoir y mette directement son nez: un cursus universitaire couronné par le Certificat d'aptitude à la profession d'avocat. La réforme introduite il y a deux ans par le gouvernement - création un institut spécialisé dont il était facile d'exclure les candidats jugés trop contestataires.- n'aura pas eu le temps de prendre effet.
Fidèle à sa culture contestataire, le Conseil de l'Ordre fait aujourd'hui partie de ceux qui exigent le départ des ministres issus du Rassemblement constitutionnel démocratique (le parti au pouvoir) du gouvernement de transition. Il a publié un communiqué en ce sens au début de la semaine. "Même si de bonnes mesures sont prises par ce gouvernement, il n'a pas de légitimité" souligne Me Kilani. Convié à la passation de pouvoir entre le nouveau ministre de la justice et l'ancien, le bâtonnier a décliné l'invitation.


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