Le Temps-AgencesDes milliers de Bahreïnis ont pris part hier aux obsèques d'un manifestant tué la veille par les forces de sécurité, alors que d'autres campaient sur une place du centre de Manama pour réclamer des réformes. Le chef de l'opposition chiite à Bahreïn, cheikh Ali Salmane, a réclamé hier l'établissement d'une «monarchie constitutionnelle» où le Premier ministre serait «élu par le peuple», avertissant que la contestation antigouvernementale risquait de durer des mois. Cheikh Salmane a cependant assuré qu'il ne réclamait pas «un Etat religieux» et qu'il n'y avait «pas de place à Bahreïn pour une wilayat al-Faqih» sur le modèle de l'Iran où les religieux dirigent le pays. Le ministre de l'Intérieur a présenté des excuses à la population après la mort de deux jeunes chiites dans la dispersion de manifestations, et annoncé l'arrestation des responsables présumés de leur mort au sein des forces de sécurité. Les Etats-Unis se sont dits «très préoccupés» par la situation dans le royaume, siège de la Cinquième flotte, et ont appelé toutes les parties à la retenue. Plus de deux mille personnes, certaines scandant «le peuple veut la chute du régime», ont participé aux funérailles de Fadel Salman Matrouk à Mahouz, une banlieue chiite de Manama. M. Matrouk a été tué par balle lors de la dispersion mardi à Manama d'un rassemblement de personnes venues participer aux obsèques d'un premier manifestant chiite tué dans la répression de protestations antigouvernementales la veille. Le mouvement de contestation a été lancé à l'initiative d'internautes qui ont appelé sur Facebook à manifester pour réclamer des réformes politiques et sociales dans ce petit Etat du Golfe, dans la foulée des soulèvements en Tunisie et en Egypte. Dans le centre de Manama, des centaines de manifestants ont passé la nuit dans des tentes sur la place de la Perle, rebaptisée par les manifestants «Place Tahrir» (Libération), à l'instar de celle du Caire qui a été l'épicentre du soulèvement contre le président égyptien Hosni Moubarak. «J'ai passé la nuit ici, je vais aller à l'école et revenir camper jusqu'à la réalisation de nos demandes», a affirmé Amer Abdallah, un lycéen de 14 ans. «Nous réclamons la libération des détenus et la démission du Premier ministre», membre de la dynastie régnante des Al Khalifa, a affirmé Hussein Attiya, 29 ans, un autre manifestant qui a passé la nuit sur la place. Des milliers de manifestants s'étaient rassemblés mardi après-midi sur cette place sans que les forces de sécurité interviennent pour les disperser. «Ne quittez pas cette place jusqu'à la réalisation de vos revendications. Ne quittez pas cette place, c'est le message des martyrs», a clamé un dignitaire religieux, intervenu mardi soir pour galvaniser des milliers de personnes rassemblées sur la place. «Hier, on revendiquait des réformes, aujourd'hui, nous réclamons la chute du régime. Ce régime doit tirer la leçon de ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte», a lancé une oratrice, acclamée par la foule. Ces interventions étaient ponctuées de slogans qui, scandés timidement dans l'après-midi, se sont radicalisés en soirée: «Le peuple veut la chute du régime», «Sit-in jusqu'à la chute du régime», ou encore «Mort aux Al-Khalifa», la dynastie sunnite au pouvoir à Bahreïn, à majorité chiite. Des opposants ont dû intervenir pour calmer la foule. «Vous avez la responsabilité historique de choisir les slogans qui rassemblent le maximum de Bahreïnis», a averti le chef d'un mouvement de l'opposition de gauche, Ibrahim Sherif. Le roi, cheikh Hamad ben Issa Al Khalifa, avait déploré mardi la mort des manifestants et annoncé la formation d'une commission d'enquête. La Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a exhorté mardi les autorités de Bahreïn à renoncer à un «usage excessif de la force» contre les manifestants pacifiques. Amnesty International a également condamné «l'usage excessif de la force». Bahreïn fait figure de parent pauvre à côté des autres monarchies pétrolières de la région, ses réserves de pétrole s'étant pratiquement taries.