Qui sera le premier dictateur arabe à divorcer de son trône avant d'entendre, en dialecte local, le mot « Dégage » sous ses fenêtres ? Il faut dire que depuis que les Tunisiens ont fait tomber la première pièce du domino, le vent de la révolution souffle sur le monde arabe, tantôt «chirch » tantôt « chlouq ». Chaque futur ex-dictateur adopte sa propre stratégie désespérée de survie et jusqu'ici, l'issue du scénario est le départ forcé du grand méchant. Ainsi, Ben Ali, premier cancre des dictateurs professionnels à minimiser l'éveil de son peuple, avait cru, jusqu'aux derniers tirs aveugles de ses snipers, qu'il pourra remettre sa chape de plomb en place. Dieu merci, la rue, que le fou de Laïla n'a jamais plus écoutée, a eu raison de ses ambitions de règne à vie. L'artisan septuagénaire du changement a pris ses claques et quelques membres de sa clique mais surtout la poudre d'escampette. C'était si brusque qu'il avait dû renoncer à son argent de poche planqué dans ses palais mais aussi à la plupart des membres de sa belle-famille mondialement connus pour leur sens inné des affaires… louches. En tombant, le mur de la peur tunisien a fissuré celui des Egyptiens et Moubarak qui croyait, à tort bien sûr, que sa popularité, cultivée par sa presse officielle et officieuse, sauverait son interminable règne de trente ans. Seuls les bandits à dos de chameaux loués cash ont pu retarder l'inévitable de quelques jours. Fin du feuilleton égyptien, du moins de sa première saison… Pris en sandwich, le très visionnaire Kadhafi a eu l'idée du siècle en s'empressant de condamner la révolution des Tunisiens afin de ne pas donner de mauvaises idées à son peuple. Trop tard ! Ce dernier, opprimé depuis 40 ans par une famille Adams qui donne toujours des complexes aux plus doués des gagmen de Hollywood, avait déjà décidé de chasser le père de Seif el Islam, le petit couteau de la politique locale. Là aussi, l'illusion du sauvetage du régime a inspiré la répression bestiale des écervelés de la caserne de Bab « Lazizazia », la citadelle fragile de papy botox. Après les snipers en Tunisie et les bandits en Egypte, les libyens se font canarder par les mercenaires, nouveaux pyromanes de la politique de la terre brûlée. A qui le tour dans ce jeu de roulette russe panarabe ? Un jeu, où la chambre du pistolet est chargée en totalité. Oui mais les dictateurs arabes sont têtus et lâches. Heureusement que le peuple l'a enfin compris.