Le Temps-Agences - Les obsèques de deux manifestants tués la veille ont pris hier une tournure politique à Deraa, à 120 km au sud de Damas, où les forces de sécurité syriennes sont intervenues à l'aide de grenades lacrymogènes pour disperser la foule appelant à la révolution. Il s'agit du défi le plus audacieux lancé aux dirigeants syriens depuis le début du printemps arabe. La manifestation de Deraa, aux cris de "Révolution, révolution ! Lève-toi Hauran" a rassemblé quelque 10.000 personnes dans le centre administratif du plateau de Hauran. La foule a défilé derrière les cercueils de Ouissam Ayyach et Mahmoud Al Djaouabra, deux des quatre personnes abattues vendredi par les forces de l'ordre qui avaient ouvert le feu sur des civils manifestant pacifiquement pour des réformes démocratiques et contre la corruption. "Dieu, la Syrie et la liberté", scandaient les protestataires hier. "Celui qui tue son propre peuple est un traître !". La Syrie, pièce maîtresse du puzzle moyen-oriental, est gouvernée d'une main de fer par la dynastie Assad et le parti Baath depuis des décennies. Une troisième victime de vendredi, Ayhem al Hariri, a été inhumée hier au lever du jour dans un village proche de Deraa. La quatrième victime, Adnan Akrad, a succombé hier à ses blessures. Selon des opposants, un homme au moins a été arrêté par la police lors des obsèques des deux victimes hier à Deraa, une ville où le dispositif de sécurité a été renforcé, notamment aux abords des commissariats de police. Les manifestations anti-gouvernementales, inspirées par les exemples tunisien et égyptien, ont pris de l'ampleur cette semaine en Syrie à la suite d'un rassemblement silencieux dans la capitale en présence de 150 personnes réclamant la libération des milliers de détenus politiques. Une activiste au moins de Deraa, Diana al Jaouabra, avait pris part à ce rassemblement. Elle a été arrêtée et risque d'être inculpée d'atteinte au moral de la nation de même que 32 autres participants emprisonnés, d'après un avocat. La région tribale de Deraa abrite des milliers de déplacés chassés de l'est de la Syrie victime de graves pénuries d'eau. Par ailleurs, les autorités syriennes ont créé une commission d'enquête sur les violences contre le pouvoir vendredi à Deraa dans le sud du pays, a annoncé hier l'agence officielle Sana. "Le ministère de l'Intérieur a formé une commission d'enquête sur les évènements regrettables qui ont eu lieu à Deraa", a indiqué Sana. "Des mesures adéquates vont être prises pour en sanctionner les responsables".