Il y en aura des livres sur Bouazizi, mais celui-ci est le premier. Ecrit sans doute dans l'urgence de témoigner, le plus vite possible, sur ce que fut sa courte vie, son destin fulgurant dont le cours s'arrêta pour pouvoir permettre, paradoxalement, au cours de l'histoire, la grande, de s'accélérer, jusqu'au dénouement final. Inespéré. Quelque chose qui ressemble à un miracle, car c'en fut un. Est-il utile de rappeler, comme s'interrogera l'auteur de cet ouvrage, que Mohamed Bouazizi, même s'il ne fut pas le premier, ni le seul hélas à s'immoler par le feu, par désespoir, aura été, quelque part, indubitablement, cette « étincelle qui a destitué Ben Ali », précipitant sa chute lors même que sa machine infernale, était censée écraser toute velléité de révolte ou même l'esquisse d'un sursaut, dans le sang, dans la droite ligne de sa logique meurtrière qui ne connaît ni foi ni loi ? En son âme et conscience, Mohamed Bouamoud, auteur notamment de « Visages » (2009), de « Les années de la honte » (2010), ou encore de « Ce qu'Allah n'a pas dit » (2010), a choisi d'édifier ce récit, en hommage à l'enfant de Sidi Bouzid, devenu à jamais un symbole. De ceux qui vous portent à bout de bras, et font basculer le destin de tout un peuple, frappé de plein fouet par cette tragédie, laquelle a été cette goutte de trop qui a fait déborder le verre, drainant, dans son sillage un océan d'amertume et de révolte, jusqu'à la libération. « Bouazizi, ou l'étincelle qui a destitué Ben Ali », un récit concis de quelque 80 pages (Almaha Editions), ne fait pas que relater les tristes faits qui ont conduit un jour, un jeune homme de 27 ans, à se faire « torche vivante », mais essaie d'aller plus loin pour tenter d'expliquer, en quoi ces régions défavorisées du pays, oubliées même, comme l'a été de tout temps Sidi-Bouzid, auront nourri le ferment de la révolte, jusqu'à l'explosion finale. Pour qu'un homme choisisse de s'embraser, afin d'éteindre le feu qui lui mangeait les entrailles, ne pouvant plus souffrir, outre les injustices extrêmes, l'affront qui lui fera monter le rouge au front. A Sidi Bouzid, on ne badine pas avec la « Karama ». Et c'est toute la Tunisie qui relève la tête…