Le Temps-Agences - Plusieurs manifestants ont été abattus hier par les autorités alors que leur cortège se dirigeait vers Deraa, épicentre de la contestation. Le mouvement gagne désormais Damas et sa banlieue. Désignée «journée de la dignité» en mémoire des protestataires tués ces derniers jours, hier a été marqué par les manifestations et les violences en Syrie. Selon un témoin cité par Al-Jazeera, vingt personnes ont été abattues à Sanamein alors que leur cortège se dirigeait vers Deraa, point névralgique de la contestation dans le sud du pays. Des villageois de Ghabagheb se sont rassemblés avant de prendre la route de Daraa pour exprimer leur solidarité vis-à-vis de la contestation. D'après un habitant, les forces de sécurité syriennes ont aussi ouvert le feu sur les manifestants dans cette ville qui a vu naître il y a une semaine la fronde contre le régime de Bachar AL Assad. La fusillade a commencé après que les manifestants ont mis le feu à une statue représentant feu le président Hafez Al Assad, père du «raïs» actuel Bachar Al Assad. Les milliers de protestataires, qui participaient aux funérailles d'opposants tués lors d'affrontements avec les forces de l'ordre, y ont défilé, criant «liberté, liberté», «le peuple veut libérer le Golan» ou «avec notre sang et notre âme, nous nous sacrifierions pour le martyre». Les protestataires ont aussi visé le frère du président syrien et chef de la garde républicaine, Maher Al Assad. «Maher, tu es un lâche, envoie tes hommes libérer le Golan», conquis par Israël en 1967. Plus tôt dans la journée, les journalistes ont été expulsés de la ville. La contestation a même gagné Damas, la capitale, où deux rassemblements ont réuni 500 personnes clamant «Deraa, c'est la Syrie», «Nous nous sacrifierions pour Deraa», «Dieu, la Syrie, la liberté et c'est tout». La police secrète a arrêté au moins une douzaine de protestataires. Des marches de soutien ont aussi eu lieu à At Tal dans la banlieue de Damas, à Banias, à 250 km au nord-ouest de la capitale, à Hama, ville de l'ouest de la Syrie où la répression d'un soulèvement islamiste a fait des milliers de morts en 1982. Les concessions jeudi du gouvernement n'auront pas suffi. Les fonctionnaires devraient ainsi être augmentés de 30%, des militants libérés, et la levée de l'état d'urgence serait «à l'étude». Une commission d'enquête a été créée afin de sanctionner les responsables des tueries. Le bilan de la répression se compte en dizaines de morts.
Craintes d'un scénario à la libyenne Le Temps-Agences - A l'instar du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, le président syrien Bachar Al Assad choisira vraisemblablement la force, non les réformes, pour étouffer le mouvement de contestation dans son pays, estime Anas Abdah, l'un des chefs de file de l'opposition au régime baasiste. Bachar Al Assad, au pouvoir depuis l'an 2000, a esquissé un geste jeudi en annonçant la création d'une commission chargée d'étudier la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963 et une législation sur la liberté de la presse et les partis politiques. "Cela fait 11 ans qu'on promet ces réformes et rien n'est advenu. Le peuple veut des réformes en profondeur, un changement radical. Nous voulons que l'Etat reste en place mais que le régime chute", souligne Anas Abdah, président du Mouvement pour la Justice et le Développement, une formation basée à Londres qui a participé jeudi à Paris à une réunion des partis d'opposition syriens. "Nous ne pouvons contrôler la réaction du régime", explique-t-il dans un entretien à Reuters. "En Egypte et en Tunisie, les régimes ont réagi par la force et se sont effondrés, en Libye, il a prôné la violence. Le régime syrien suivra probablement les pas de Kadhafi en tuant des civils". "Le fait que le régime (syrien) tue des gens montre sa faiblesse", ajoute Anas Abdah. Selon lui, le nombre de victimes de la répression syrienne serait pour l'heure proche des 150 morts. Pour Anas Abdah, Assad pliera si les pays occidentaux font pression en ce sens, non par la force comme en Libye, mais par des moyens politiques. "Il y a un profond sentiment de colère, pas seulement à Deraa, mais dans le reste du pays. C'est un mouvement qui émane de la jeunesse, pas des partis politiques. (...) Notre seule option est un changement pacifique", déclare-t-il.