On apprend de sources ministérielles que le ministère constituera des commissions en vue de fixer de nouveaux critères objectifs pour laccès au poste de directeur dans les établissements secondaires et que les résultats seront proclamés en toute transparence. De même, le syndicat du secondaire a, semble-t-il, formulé ses suggestions concernant la nomination des directeurs sur des bases nouvelles. Une telle mesure doit se faire illico puisque un grand nombre de lycées et de collèges nont pas actuellement de directeurs, la majorité étant limogés par le personnel de leurs établissements respectifs. On compte, croit-on savoir, que le nombre de directeurs renvoyés de leurs bureaux a dépassé la centaine et quil y a autant qui, depuis des mois, prennent des congés de maladies de longue durée pour éviter des confrontations avec le personnel éducatif, des élèves ou des parents délèves. On imagine mal comment les choses marchent dans ces établissements ! Victimes de leur arrogance Ce grand nombre de directeurs expulsés de leurs bureaux par la fameuse injonction révolutionnaire « Dégage ! » à laquelle ils nont pas pu résister ont été victimes de leur arrogance, leur mauvaise gestion et leur échec à asseoir une ambiance saine et créer des rapports professionnels et sociaux étroits au sein de leurs établissements. Les enseignants qui ont expulsé leur directeur sont unanimes de dire que la plupart de ces directeurs indésirables ont fait régner dans leurs établissements une atmosphère de conflits parmi les acteurs scolaires (profs, élèves, surveillants, ouvriers, parents) usant de la formule « diviser pour régner » en créant autour deux des clans de délateurs parmi les enseignants et les élèves. Ces mêmes enseignants reprochent à ces directeurs leur total engagement dans les affaires politiques au sein du RCD, la plupart des directeurs étant présidents des cellules professionnelles et des bureaux de la Jeunesse Scolaire ou de ceux de lOTEF, sachant que ces organismes appartiennent à lancien régime et saccaparaient toutes les activités culturelles et sportives dans les établissements. Cest pourquoi, la nomination dun directeur à la tête dune institution scolaire suscite aujourdhui lintérêt de tous les acteurs scolaires, notamment les enseignants. Avant la Révolution, on désignait des directeurs parmi les enseignants rien que par nécessité sans pour autant se soucier de leurs capacités de gérer efficacement les institutions dans lesquelles ils ont été affectés. La désignation se fait par voie de concours sur dossier, à telle enseigne que le poste de directeur constitue une échappatoire dont usent la plupart des candidats qui se sont rendu compte après quelques années de carrière de leur incompétence pédagogique et de leur incapacité dinstaurer leur autorité en classe, avec les élèves. Pas mal denseignants ont accédé au poste de directeur mais ils ont échoué là où ils croyaient bien réussir ! Cest quils navaient aucune initiative personnelle, tel un pion entre les mains des grands décideurs de la politique éducative. Leurs tâches se réduisaient à amasser largent destiné à la caisse 26-26 en obligeant les élèves à y participer sous peine de sanctions, à assister à toutes les réunions organisées dans la région au niveau du gouvernorat ou de la délégation ou celles du RCD. Tous leurs efforts étaient mobilisés au service des autorités et des responsables du RCD, au risque de négliger souvent ses propres responsabilités au sein de létablissement. Nous avons contacté deux directeurs et un professeur qui nous ont donné leurs avis sur ce sujet. Témoignages : Sadok H., directeur dun lycée : « Jusquà lannée 98, le poste de directeur était très convoité. Mais la nomination à ce poste était tributaire de lappartenance des candidats et de leur adhésion au RCD. De plus, la chance daccéder à ce poste était minime. Le nombre des postulants dépassait de loin le nombre des postes vacants. Sur 80 demandes 20 seulement étaient satisfaites. Après 98, les choses ont changé. Le nombre des candidats à ce poste sest fortement réduit à tel point que pour 20 postes vacants, on enregistrait seulement 5 demandes ! Ce qui a poussé le ministère de tutelle à créer de nouvelles primes en faveur des différentes catégories des directeurs, en vue de stimuler les enseignants à participer à ce concours. Mais, malgré tout, les enseignants affichent de plus en plus une certaine réticence à l'égard de ce poste. Les raisons sont multiples : d'abord, le manque de respect envers le directeur des lycées et des collèges de la part de tous les acteurs scolaires, encore moins par ses supérieurs hiérarchiques. Ensuite, l'intervention souvent contraignante et abusive des cadres locaux et régionaux du RCD dans les prérogatives du directeur à maintes occasions. De plus, le manque d'une marge de liberté et d'initiative dans la fonction du directeur qui ne peut prendre de mesures qu'après l'approbation de la direction régionale de l'Education. Ainsi, leur rôle se bornait à une simple exécution des ordres.Venu le temps où on doit réviser les formalités de nomination des directeurs des établissements secondaires. La restructuration du poste de directeur est donc de mise surtout après la Révolution qui va changer notre vision de l'école et de l'enseignement dans l'avenir. Il faut surtout centrer les prérogatives du directeur sur la pédagogie et les candidats admis seront appelés à faire une année de formation administrative pour s'initier à la gestion de l'administration. Les directeurs actuels se sont trouvés du jour au lendemain à la tête d'une administration, un poste auquel ils n'ont jamais été préparés, puisqu'ils passent directement de la salle de classe au bureau du directeur. A l'avenir, pour être plus efficaces, les directeurs des écoles secondaires doivent se pencher essentiellement sur les questions éducatives et pédagogiques ; les affaires financières et budgétaires seront vouées à des cadres formés en la matière qu'il faudrait recruter parmi les diplômés du supérieur demandeurs d'emplois. » Entre le marteau et l'enclume... Hédi A., directeur d'un collège : « Qu'il soit désigné par le RCD ou nommé par l'Administration, le directeur se trouvait pris entre le marteau et l'enclume, ne pouvant satisfaire ni l'un ni l'autre. Mais n'empêche qu'il y a des convictions personnelles et des relations professionnelles avec le personnel de l'école qui font que le directeur doit assumer d'abord et surtout ses fonctions pédagogiques et administratives dans les règles de l'art. Son rôle est de veiller au bon fonctionnement de l'école et au respect de la réglementation, d'assurer la coordination nécessaire entre les enseignants et animer l'équipe pédagogique et la vie scolaire. Mais comment peut-il faire tout cela quand il est soumis à des tensions et des pressions quotidiennes ? Ces objectifs sont tributaires de la crédibilité du directeur auprès de toute l'équipe, de sa compétence dans la communication avec le personnel. Il y a sûrement des directeurs qui ont bien réussi dans leurs fonctions, il faut les garder et ils seront l'exemple à suivre ; nous aurons besoin de leur expérience dans le domaine. D'autres, au contraire, ont porté atteinte aux établissements scolaires et doivent être sanctionnés pour les dépassements et les abus qu'ils auraient commis. Dorénavant, un directeur doit jouir d'une forte personnalité et de l'approbation de la majorité des enseignants. Pour ce faire, il doit être ancien dans sa carrière éducative, avoir certaines prédispositions à assumer cette responsabilité administrative et surtout être loin de toute appartenance ou influence politique. En dehors de l'établissement, il peut s'adonner à ses activités politiques. Il ne faut jamais politiser les écoles ! » Zouheir H., professeur : « Les enseignants en ont assez des directeurs qui sont parachutés et imposés au personnel de létablissement. La nomination dun directeur ne doit pas être arbitraire, les postulants à ce poste de responsabilité doivent être à la hauteur des prérogatives qui leur sont attribuées. Jajouterai quune formation administrative est obligatoire pour tout directeur, on ne peut pas diriger une institution par la seule pédagogie ! Certains proposent le choix du directeur par voix de vote. Je crois que cette idée est à écarter par la majorité des enseignants. Ce refus revient au fait que le candidat au poste de directeur pourrait gagner la majorité des voix par complaisance ou par influence morale exercée sur les électeurs sans pour autant être compétent pour assumer cette tâche lourde de responsabilités. De plus, le choix du directeur à travers des élections pourrait créer des sensibilités et des jalousies parmi les collègues du même établissement. Nous tenons donc à ce quil soit nommé par le ministère de tutelle qui doit fixer de nouveaux critères pour laccès à ce poste » Propos recueillis par Hechmi KHALLADI