De notre envoyée spéciale : Neila Gharbi - Lors de la conférence de presse qui a suivi la projection de son film, le cinéaste danois, Lars Von Trier, a franchi l'infranchissable, et choqué par ses propos nazis : ce qui peut réduire les chances d'une Palme pour son film pourtant le plus accompli de sa carrière. « Melancholia » est l'histoire d'une fin du monde racontée à travers deux soeurs que tout oppose : Justine (Kirsten Dunst) blonde hystérique et mélancolique qui vient de se marier et Claire (Charlotte Gainsbourg) brune rigide et les pieds sur terre est mariée et mère d'un enfant. La brune et la blonde comme le soleil et la lune vivront sous le choc des sentiments contradictoires. Dans ce portrait croisé en deux parties, le réalisateur introduit l'histoire par des images ralenties, soutenues par une musique de Wagner qui montre une mariée dont la robe blanche s'embrouille dans des lianes grises, un cheval qui s'abat lourdement sur le sol, une planète Melancholia qui entre en collision avec la Terre et un enfant qui taille un morceau de bois. Ce début opératique et onirique ressemble à un bref résumé des événements qui vont suivre. La première partie intitulée « Justine », met en scène le soir de noce de cette dernière. Limousine blanche, robe de mariée blanche, repas, musique, danse, pièce montée, enfin tout le rituel d'un mariage bourgeois bien orchestré où les retrouvailles de la famille et des amis provoquent des embrouilles. Justine, qui a la tête ailleurs, préfère prendre son bain, faire patienter ses convives. Elle donne l'impression qu'elle vit un vrai calvaire aidé en cela par une caméra portée qui reflète l'instabilité du personnage et donne le tournis. Ses parents ne donnent pas l'air de s'amuser, sa soeur, plus raisonnable, s'inquiète pour elle. Quant au mari, il est présent-absent. La cérémonie s'étale durant une bonne heure où Justine est presque forcée par sa soeur à ouvrir le bal, à couper la pièce montée, mais c'est plutôt dans le hors champ qu'elle vivra ses angoisses mélancoliques en s'accordant un moment de sieste ou en prenant un bain. Le mariage vole vite en éclat et se termine en séparation et voilà que Justine se retrouve chez sa soeur. La deuxième partie est dédiée à Claire qui redoute la mort et s'accroche inexorablement à la vie. Elle veut tout contrôler, d'autant que la fin du monde approche de la Terre au rythme de la planète Melancholia. Dans le jardin un télescope est braqué sur Melancholia, autrefois caché derrière le Soleil, mais qui a changé de trajectoire et file droit sur la Terre. Claire panique. Elle rêve que tout s'est arrêté : Justine nue au bord d'une rivière, son mari est introuvable, une pluie de cendres commence à tomber et Claire, son fils et Justine de se retrouver sous un tipi avant le dernier acte de la pièce. Une sorte de rite paën pour protéger les siens contre une catastrophe imminente. La planète Melancholia joue un rôle fondamental en créant le suspense qui retient en haleine le spectateur. Deux ans après «Antichrist», Lars von Trier revient avec un film sur la fin du monde narrativement et visuellement époustouflant et réussit avec une simplicité effarante à bouleverser nos convictions sur le pouvoir considérable de la nature.