Par Khaled GUEZMIR - La politique depuis Machiavel est-elle l'espace du cynisme par excellence et doit on être plus compréhensif et plus réaliste quand il s'agit des rapports de force où la « raison d'Etat » reste le maître mot ! Les crises libyenne et syrienne nous ont donné l'occasion d'assister à certaines manœuvres que les jeunes devraient avoir à l'esprit et en faire leur objet d'études et d'investigations s'ils veulent enjamber un jour le terrain politique. Les positions des grandes et moyennes puissances laissent à réfléchir quand il s'agit de marier les « intérêts » stratégiques et financiers avec la morale internationale et les droits des hommes à la liberté ! D'abord la Russie qui naturellement, et vues ses relations anciennes, ses intérêts avec la Libye et surtout la Syrie son plus gros client au Moyen Orient en matière d'armement, a traîné la patte pour condamner les répressions inhumaines, qualifiées de « crimes contre l'humanité », des régimes libyen et syrien sur les populations civiles désarmées. A son honneur quand même, son abstention au conseil de sécurité, ce qui a permis la fameuse résolution qui a ouvert la voie à l'intervention militaire, aérienne occidentale pour protéger les villes assiégées par les milices de Kadhafi. Beaucoup de gens oublient trop vite que l'armée « verte » était aux portes de Benghazi pour commettre l'irréparable sur plus de 800.000 habitants civils, ce que nous voyons par ailleurs quotidiennement en Syrie en ce moment où plus de 1200 citoyens ont été lâchement assassinés et 10.000 arrêtés pour subir ce que l'on connaît de la torture et de la répression la plus sauvage d'un système totalitaire absolu. La Turquie s'est affirmée quant à elle depuis « Gaza » et la flottille de la liberté comme le « soutien miracle » à la juste cause palestinienne abandonnée par toutes les « démocraties » du monde y compris l'ONU, livrée aux bulldozers de Netanyahu et judaïsée pierre par pierre sans aucune retenue ni respect du droit international, au vu et au su de M. Obama, Mme Clinton et de tous les leaders européens. Erdogan était perçu de plus en plus comme le « héros » et un peu « l'âme » de tous ces peuples qui aspirent à « être » face à tant d'injustice et de mépris de l'occident, et des autres puissances pour les droits arabes. C'est cette frustration et ce sentiment d'impuissance des populations arabes qui a précipité le rejet des systèmes en place et enclenchée les révolutions actuelles d'Afrique du Nord et du Moyen Orient. Les peuples auraient pu sacrifier une partie de leurs droits et libertés, comme le prescrit John Locke, pour la justice et la dignité minimales. Mais à l'arrivée le despotisme arabe n'a réalisé ni l'une ni l'autre, ni liberté ni justice en plus d'une lâche démission sur la question palestinienne qui était censée légitimer toute cette patience à accepter des régimes décadents et corrompus. Erdogan était entre le marteau et l'enclume. D'un côté il ne voulait pas lâcher la Syrie face aux appétits d'Israël et son arrogance démesurée, de l'autre il ne pouvait accepter de voir tant d'horreurs commises par les milices et l'armée de Bachar Al Assad. Après les hésitations sur la Libye qu'on lui a sévèrement reprochées, Erdogan a compris que Bachar Al Assad et son système de dictature a dépassé toutes les bornes de l'humainement « acceptable » en matière de répression générale des peuples qui aspirent à la liberté. Du coup, non seulement il dénonce ces agissements inhumains et « horribles » (c'est son mot) mais il promet de ne plus défendre le système syrien actuel devant les Nations Unies, ce qui peut aller jusqu'à la condamnation prévisible du Conseil de sécurité. Erdogan qui est Premier ministre d'une puissance régionale ascendante sait qu'il y a un « seuil critique » au-delà duquel tout soutien au régime syrien et sa répression de la liberté, le désavouera pour longtemps auprès des masses arabes et leurs élites qui savent compter leurs amis surtout dans la détresse ! Finalement la pression d'Erdogan pourrait être salutaire pour Assad lui-même s'il peut arrêter sa marche à contre courant de l'histoire et donner l'ordre à ses blindés de revenir à leur vocation première : défendre la Syrie contre l'occupation étrangère. Malheureusement les dictateurs arabes ont la peau dure à l'image de Kadhafi et Ali Abdallah Salah et leur entêtement ne peut donner du travail à la Cour pénale internationale ! Dommage !