C'est une question de culture. Avoir appris à être ouvert sur le monde, ou avoir choisi plutôt de se claquemurer sur soi-même, jusqu'au dépérissement, en regardant son nombril, c'est, comme qui dirait deux visions aux antipodes. Deux mondes qui se regarderaient en chiens de faïence, et qui ne peuvent se rencontrer qu'en se heurtant violemment, ou en opérant épisodiquement à un dialogue, qui serait plutôt un dialogue de sourds, avec de faux sourires, à l'occasion, et quelques pseudo- tentatives de rapprochement ponctuelles, qui ne feront pas illusion longtemps, quand il s'agira de passer aux choses sérieuses. Et les choses sérieuses, c'est du sérieux ! Ceux qui prônent l'ouverture sur le monde, prêcheraient-ils en plein désert ? Croisons les doigts pour que ça ne soit pas le cas pour une fois, et que leurs vœux pieux finissent par aboutir. En ce qui nous concerne justement, même si la question des priorités nationales se pose, bien évidemment avec acuité, sur d'autres plans, liés au sécuritaire et au financier, le pire devant être envisagé derrière, et non pas devant nous, cela ne doit, en aucune façon signifier le rejet d'autres questions, tout aussi essentielles, fondamentales même, puisqu'elles impliquent notre devenir même de Tunisiens, se tenant à la croisée des chemins, et s'apprêtant à franchir le gouffre, nous l'espérons, définitivement, ou à tomber pile -poil dedans, sans espoir de retour. Et c'est justement ces questions essentielles qui ont été au centre d'un débat sur Nessma, il y a quelques jours, avec trois thématiques différentes, qui n'ont a priori, rien à voir l'une avec l'autre, mais qui sont en réalité inextricablement liées. C'est la question de l'identité, celle de la séparation entre le religieux et le politique, et enfin celle de la normalisation avec Israël. Les sujets qui fâchent. L'identité tunisienne ? Arabo-musulmane bien évidemment, la question ne devant même pas être posée. Et Haro sur l'animatrice qui a eu l'outrecuidance de proclamer sa berbérité sur antenne, suprême sacrilège ! On lui rétorquera, ainsi qu'a celui qui se mêlera d'expliquer que la Tunisie est le fruit d'un métissage, et que c'est ce qui fonde sa richesse et sa singularité, que les racines comptent pour du beurre et que c'est de l'histoire ancienne. Invoquer alors une identité qui ne serait pas spécifiquement arabo-musulmane c'est être traître à son propre pays, car il n'y a ni culture, ni civilisations qui tiennent. Séparer la religion de l'Etat ? Oui, mais… enfin on verra plus tard, et surtout, ne prononcez pas ce mot que je ne saurai entendre: laïcité ? C'est grave et dangereux et ça cache beaucoup de choses! Ceux qui sont pour sont sûrement à la solde de l'ennemi et ne feront que servir ses obscurs desseins. Quant à la normalisation avec Israël, voilà une paire de manches qui donnera encore du fil à retordre pendant longtemps, à ceux qui ne voient pas comment faire abstraction de cette donne, dans la région méditerranéenne, s'ils veulent être solvables, sur le plan des échanges économiques, puisque dans la foulée, le problème se posera également pour savoir s'ils doivent couper les ponts avec d'autres pays arabes, « normalisés » depuis un bail, et les tenants d'une rupture nette et sans appel, au nom de la solidarité avec le peuple palestinien, lequel sera peut-être appelé, le jour où il y aura enfin un Etat Palestinien, à normaliser ses relations avec Israël, pour des enjeux autrement vitaux. Bref, pas besoin de souligner que le débat aura été instructif à plus d'un égard, dans la mesure où le discours du représentant d'Ennahdha, ou celui du panarabisme, étaient les discours attendus d'un représentant d'Ennahdha, ou du Panarabisme. Quant aux discours éclairés de ceux qui ne voient d'issue que dans l'ouverture sur l'Autre, et sur le non-reniement des racines, dans le respect de l'Histoire d'un pays, qui n'a pas à rougir de ses brassages, loin s'en faut, car une mémoire tronquée est une mémoire amputée de sa vérité, et qui ne saura jamais sur quel pied danser, ils n'auront pas fait mouche, face à des interlocuteurs, en réalité fermés à tout dialogue, et qui sourient hypocritement en attendant que cela passe. Il n'empêche : dans certaines circonstances particulièrement, la parole est toujours d'or…