Dans ce nouveau contexte de liberté recouvrée et de démocratie, les langues, pour longtemps muselées, se délient ; les esprits, enfin soulagés du joug de la censure, recouvrent leur lucidité ; la voie de la liberté, jadis parsemée d'embûches, est déblayée à la faveur d'une pensée libre et souveraine. Fortes de cette nouvelle réalité d'ouverture et de décrispation concrètement perceptible, des forces vives contraintes longtemps au silence forcé, à travers tout le territoire du pays, mues par le souci majeur de rétablir la vérité et de faire la lumière sur des événements marquants de l'histoire de notre pays, pour longtemps occultés, émergent à la surface pour faire entendre leur voix et remettre les pendules à l'heure. Le 29 mai dernier, la ville de Tataouine, à travers l'Union des associations de la société Civile en œuvre dans la région, à savoir l'Association des Amis de la Mémoire de la Terre (AAMTT) et l'Association de Sauvegarde du patrimoine de Tataouine, a tenu à commémorer pour la première fois dans l'histoire de la Tunisie indépendante le 55ème anniversaire de la bataille d'Agri et de Ghar Ejjani survenue le 29 mai 1956, au cours de laquelle des combattants de la région payèrent chèrement le prix de leur allégeance à Salah Ben Youssef et périrent atrocement sous les bombes ennemies, avec la complicité tacite du nouveau pouvoir en place. Hier encore, la ville de Bizerte, à travers sa municipalité, en collaboration avec l'Association de Sauvegarde de la Médina, de l'Amicale des Anciens Elèves et d'autres associations de la société civile, a tenu à célébrer pour la première fois de son histoire la commémoration du 50ème anniversaire de la Bataille inutile et sanglante de Bizerte, survenue du 19 au 23 juillet 1961, et dont l'issue désastreuse aurait précipité, moins d'un mois plus tard, le verdict de l'élimination du militant feu Salah Ben Youssef, assassiné par balles le 11 août 1961 en Allemagne. Ayant naquis sur son sol, l'île de Djerba, à son tour, se prépare à commémorer en grande pompe le 50ème anniversaire de l'assassinat de cette figure emblématique du mouvement de libération. Un collectif d'associations de la société civile opérant dans l'île, constitué pour la circonstance, en collaboration avec la Maison de Culture de Midoun, a concocté un programme d'activités qui sera comme suit:
Vendredi 22 juillet : la caravane de la fidélité
Une délégation représentant les différentes régions du pays impliquées dans la manifestation effectuera une brève visite de courtoisie et d'hommage à la famille du martyr, avant de se rendre au cimetière d' El Jellez pour une cérémonie de recueillement et de récitation de la Fatiha à sa mémoire. Sera donné ensuite le coup d'envoi du départ de la caravane populaire, constituée de bus et de voitures particulières décorés de banderoles véhiculant des slogans adaptés à la circonstance. Partant de Tunis, elle devra être rejointe à mesure de son passage par les villes de Kairouan, de Sousse, et Sfax par des sympathisants de la cause ayant déjà manifesté auparavant leur désir d'y participer, avant de rejoindre l'île par la chaussée romaine. Un deuxième convoi partira de la ville de Sidi Bouzid pour être rejoint en cours de route, lors de son passage par les villes de Gabès, Médenine et Zarzis, par d'autres sympathisants et fidèles adeptes du clan yousséfiste.
Samedi 23 juillet :
Tous les participants effectueront une visite au domicile familial de feu Salah Ben Youssef dans son village natal, près de Midoun, avant de se rendre à la grande salle de la municipalité pour inaugurer l'exposition consacrée à la vie du défunt, à son combat, et ses positions. Le soir, au théâtre de plein air de Midoun se tiendra un colloque auquel prendront part des personnalités et des contemporains de Feu Salah Ben Youssef, dont éventuellement son compagnon de route, et doyen des militants arabes M. Houcine Triki. Vendredi 12 août : concert de la troupe palestinienne « Aghani El Achikine » au théâtre de plein air de Houmt-Souk. Les organisateurs de la manifestation disent que la commémoration d'un tel anniversaire survenant dans ce contexte de renouveau et de rupture avec les pratiques courantes de marginalisation et d'exclusion en vigueur avant le 14 janvier n'est que pour rendre hommage à une illustre figure de la résistance, à un militant hors pair qui a servi avec dévouement la cause de son pays, et qui lui a tout donné, sans rien recevoir en contre partie, finissant de son vivant en exil, effacé pour longtemps de la mémoire collective après sa mort.