La salle du 4ème Art était archicomble ce soir du 2 décembre à tel point que certains spectateurs ont dû suivre le spectacle debout durant deux heures environ. « Monologue Essebsi », un one man show fait à la mesure de la conjoncture politique et sociale du pays, a sans doute suscité la curiosité des gens, même ceux qui ont une certaine aversion pour ce genre de théâtre, pour les thèmes abordés qui sont puisés dans le quotidien du citoyen avant et après le 14 janvier 2011, date de la Révolution. Le mot « Essebsi », choisi pour le titre de cette pièce, n'a en fait aucun rapport avec le nom de notre Premier ministre, sauf que ce vocable évoque dans la mémoire collective ce fumet utilisé par nos ancêtres pour faire un bon kif. Sauf que « Essebsi », devenu aujourd'hui « zatla », devient une source de fuite et d'évasion pour oublier les soucis quotidiens et les amertumes de la vie pour se réfugier dans un monde de rêve et d'illusions. En effet, le Tunisien n'a pas encore trouvé son chemin, sa vocation depuis longtemps, sous les anciens régimes tout comme après la Révolution ; il se cherche encore aujourd'hui pour construire son avenir qui ne semble pas assez clair ni assez sûr. C'est peut-être là que réside le fil conducteur de ce premier one man show ayant pour cadre la Révolution. La scène finale présentée sous forme d'une chanson interprétée par le comédien dans l'euphorie générale est un appel adressé à tous les Tunisiens pour se réveiller et mettre la main dans la main pour construire un avenir meilleur ! La pièce s'ouvre sur un paysage au relief montagneux et où le personnage principal (joué par Foued Litaiem) s'est réfugié pour y élire domicile, fuyant le monde et tous ses tracas quotidiens, croyant retrouver dans cette vie d'ermite la paix et la sérénité. C'est à partir de cet endroit qu'il commence à se remémorer toutes les aventures et les péripéties de sa vie passée qu'il nous relate avec beaucoup d'humour, mais aussi d'amertume. La trame se repose sur une histoire d'amour qui se déclencha le soir du 13 janvier, la veille de la fuite de l'ancien président : il était seul chez lui à regarder la chaîne « Al Jazira » et à chercher les dernières nouvelles sur Facebook, comme tous les Tunisiens à l'heure de la révolution, quand soudain une jeune fille fit irruption chez lui. Ce fut le coup de foudre avec cette fille aux idées progressistes et révolutionnaires qui lui apprit son nom « Noura » mais aussi à « fumer ». Dès lors, ils participèrent ensemble au sit-in de la Kasbah, se séparèrent pendant un moment. Le jour où ils se rencontrèrent de nouveau par hasard, il découvrit que « Noura », a changé de camp, devenue, à sa grande surprise, partisane dévouée au parti « Ennahdha » avec un nouveau prénom « Nour El Houda ». Contraint à suivre sa bien-aimée dans sa nouvelle vocation, il se transforma lui-même en un « nahdhaoui » fervent. Cette métamorphose est bien illustrée dans la pièce : la perruque jusque-là portée par le personnage se transforma en une barbe touffue qui lui donnait l'allure de ces jeunes barbus qui apparaissent dans nos rues chaque jour davantage. C'est alors qu'il invoqua Dieu dans une série de prières et de supplications pour se faire pardonner ces péchés antérieurs ! Mais, il ne tardera pas de vivre encore une autre expérience, celle de mener une vie de luxure : il s'adonna alors aux plaisirs de la « zatla » qui lui permit de fuir la réalité pour aller vivre dans des horizons lointains, comme par exemple en Arabie-saoudite où il rencontra le président déchu qui voulait lui chiper quelques pièces de sa poche sous prétexte que l'argent tunisien lui manquait… La pièce finit par une prise de conscience du personnage qui mit fin à toutes ses illusions. Un one man show d'actualité, où se mêlent humour et sérieux, interprété avec beaucoup d'habileté par le talentueux Foued Litaiem que le public a applaudi à plusieurs reprises, un public tunisien qui s'est reconnu à travers les aventures vécues par le personnage et les rêves qu'il a évoqués pour la Tunisie de demain. Rappelons que « Monologue Essebsi » est écrit et mis en scène par Hatem Belhaj, l'auteur de la sitcom « Choufli Hal » que les téléspectateurs ont eu l'occasion de voir sur plusieurs années.