Par Khaled Mongi TEBOURBI - Le Professeur Mohamed Moncef Marzouki militant des Droits de l'Homme, brillant universitaire, défendeur des bonnes causes, figure de proue de l'opposition dans l'ancien régime, président du Congrès pour la République est devenu comme nous le savons tous le IIIème Président de la République tunisienne pour la 2èmepériode de transition démocratique, ayant été élu le 12 décembre 2012 par ses collègues membres de l'Assemblée Nationale Constituante, avec une majorité des deux/tiers. L'ayant félicité et ayant «eu droit» à une chaleureuse accolade comme beaucoup de nos compatriotes, j'ai voulu offrir ma cravate au nouveau Président, qui semblait l'homme le plus heureux du monde, avec une telle consécration de sa carrière. Mais mon geste ne sembla pas hélas, avoir été apprécié par le nouveau Président Moncef Marzouki, Changeant brusquement de visage, semblant contrarié, voire en colère et fort mécontent, il s'est aussitôt exclamé vivement à notre grande surprise: «non, je ne veux pas ça, je veux pas ca; non, non et non» accompagnés des gestes de désapprobation…Je lui ai répondu: «ce n'est pas la peine de vous emporter, je garde et remets ma cravate». Un nouveau style de gouvernance, marquant une rupture avec l'ancien régime M. Moncef Marzouki à refusé ce modeste cadeau symbolique sans vergogne, s'opposant catégoriquement au port de la cravate. Ce geste marque sans doute la volonté du nouveau Président de la République provisoire de demeurer ce qui le caractérise. Certes Docteur Moncef Marzouki a une forte personnalité, ayant beaucoup de mérites. Brillant, intelligent, intègre et anticonformiste, il est fidèle à lui-même, Les caméras de TV l'ont suivi durant sa campagne électorale, nous faisant mieux découvrir un homme affable proche du peuple, sa personnalité, sa spontanéité, son franc-parler, sa sensibilité parfois à «fleur de peau», son comportement au quotidien et son caractère plutôt réactif. Personnage complexe, M. Mohamed Moncef Marzouki et sûr de lui. Ceux qui le connaissent pensent «qu'il est toujours prêt à rebondir en dépit des déceptions, des vicissitudes et de toutes les difficultés qu'il peut rencontrer». Ses détracteurs disent que son ambition est sans limites. D'autres estiment que si « Moncef est une personnalité controversée», étant adulé par les uns, mal aimé ou rejeté par d'autres; voir M. Moncef Marzouki applaudir la motion limitant les pouvoirs du Président de la République au cours d'un vote au sein de l'Assemblée constituante est pathétique et pour le moins étrange. Il est cependant indéniable que c'est une des personnalités les plus populaires du pays. C'est en fait un homme simple, parfois opiniâtre, voire cassant. Quoi qu'il en soit, n'importe qui ne devient pas Président de la République par simple coup de «baguette magique», même si c'était pour lui un rêve de jeunesse, son ambition sa raison de vivre. La tache était rude pour y parvenir, ingrate et parsemée de multiples difficultés, d'embuches et d'entraves dans notre pays sous la dictature dite «éclairée» du Président Bourguiba et sous le régime dictatorial et mafieux de l'ex Président déchu le Général Zine El Abidinne Ben Ali, qu'il ne cessa de combattre en Tunisie et à l'étranger. Il n'en demeure pas moins vrai que M. Moncef Marzouki est en opposition avec le comportements des anciens dirigeants de l'ancien régime, de l'ancien Président intérimaire M. Foued M'bazaa et de l'ex Premier Ministre du Gouvernement provisoire M. Beji Caid Essebssi, qui plaçait le prestige de l'Etat au dessus de tout. La notion de l'Etat et de son prestige «sacro-saint» peuvent être différemment interprétés. Au prestige de l'Etat, car on peut y ajouter le prestige ou si veut préférer la dignité tout aussi inamovible du citoyen tunisien. C'est bien le contraire de la gouvernance élitiste que nous avons connue jusqu'ici. La simplicité et la spontanéité du nouveau Président tranchent indéniablement avec ses collègues très distingués des Gouvernements précédents portant cravates et pochettes, l'ancien ministre de la culture et du patrimoine M. Ezeddine Bach Chaouéch portant du matin au soir une cravate papillon. Un nouveau «look» avec de belles lunettes, mais sans cravate? Sans doute aussi que le nouveau Président de la IIème période transitoire qui est un universitaire cultivé» voulait-il consciemment ou inconsciemment marquer la prépondérance du «être sur le paraitre». On peut néanmoins s'interroger sur les exigences de la gouvernance et du protocole de ses nouvelles fonctions de chef de l'Etat. «Qui veut la fin, veux aussi les moyens» dit un vieux dicton populaire. «L'habit il est vrai aussin ne fait pas le moine, mais la plume ne fait-elle pas fait également l'oiseau?». M. Moncef Marzouki qui a une forte personnalité pourra-t-il assumer ses nouvelles fonctions sans revêtir les habits de Président de la République? Nous n'irons pas jusqu'à lui proposer de porter une tenue de gala avec un smoking et une redingote? Néanmoins notre nouveau Président résistera-t-il longtemps aux «sirènes» et aux impératifs du protocole du cérémonial caractérisant ses nouvelles fonctions et de la Réal-politique? L'avenir nous le dira. Une chose est sûre, la gouvernance de M. Moncef Marzouki ne sera pas du même style élitiste de ses prédécesseurs et à ce titre on peut s'en réjouir. Tous les hommes politiques « font des promesses électorales, qui selon Machiavel n'engagent que ceux qui les écoutent». L'ancien Président de la République française François Mitterrand, qui n'avait pas cessé de combattre les institutions de la Vème République instaurée par son prédécesseur le Général de Gaulle, s'en était finalement bien accommodé, du fait des multiples avantages que lui ont procurés les fonctions de Président de la République de la Vème République, qui devinrent les siennes lorsqu'il fut élu président de la République française. «Seuls les sots ne changent jamais d'avis» il est vrai. On se souvient aussi de l'embarras de la Reine mère Elisabeth d'Angleterre venue en visite officielle dans notre pays il y a plusieurs décennies lors d'un diner ou figuraient par inadvertance des «bricks» à l'œuf au menu, diner offert par le premier Président de la République tunisienne Habib Bourguiba, qui fut grandement confus par ce mini incident diplomatique, tout autant que sa Majesté britannique. «Chaque chose, son temps», un Chef d'Etat peut naturellement porter tenue de sport, entre en «Jean» ou autres durant ses moments de détente et de loisirs ou en vacances, comme cela arrive au Président des USA Barak Obama, au Président français Nicolas Sarkozy et autres…On est naturellement libre aussi de porter ou non une cravate. Les nouvelles lunettes de M. Marzouki lui ont certes donné un nouveau «look », apprécié par ses partisans. Une belle cravate n'aurait rien gâché, bien au contraire. Quoi qu'il en soit, la liberté d'expression de s'habiller et autres sont garanties dans toute démocratie digne de ce nom. Est-ce en son nom aussi que M. Marzouki défend aujourd'hui le port de la burqa. On voudrait bien y croire. Il n'en demeure pas moins qu'au lendemain de son refus de porter une cravate qui lui a été offerte, mais reduséen le nouveau Président de la République est apparu le lendemain, portant un «burnous» bien de chez nous. L'authenticité n'empêche pas certes la modernité et devant l'insistance de ses proches, selon lui de ses propres filles, de l'encourager à porter une cravate, Il s'est curieusement engagé selon auprès d'elles, à porter une cravate, à la seule condition que Cheikh Rached Ghanouchi en porte aussi une. Pour notre part, nous n'allons pas anticiper sur la façon de s'habiller du nouveau Président, conforme aux exigences de ses nouvelles fonctions et du protocole de tout chef d'Etat. Il y va de sa propre responsabilité. On peut néanmoins s'interroger: le Président d'Ennahdha Cheikh Rached Ghanouchi serait-il devenu à ce point un exemple à suivre dans notre pays et en particulier pour notre légendaire défenseur des libertés et des droits de l'homme? Il y a de quoi être perplexe. Une autre question se pose: verrons dans les tous prochains jours le Président de la République M. Mohamed Moncef Marzouki porter aussi une «jebba» avec son fameux burnous, avec une «bedyaa» et une «fermla», en compagnie du Premier ministre M. Hamadi Jébali, des nouveaux ministres et des nouveaux secrétaires d'Etat nouvellement nommés, tous en habits traditionnels? Authenticité oblige. Khaled Mongi TEBOURBI (politologue)