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Sales temps pour les médias
Ça gronde de toutes parts
Publié dans Le Temps le 27 - 01 - 2012

Selon le dernier classement de la liberté de la presse, pour l'année 2011-2012, nous serions à la 134e position alors que nous occupions la 164e place. Il faut dire que le miracle de la Révolution a eu un impact direct sur la liberté d'expression, surtout lors des premiers temps de la fin du régime dictatorial.
Or, il est à noter que certains agissements menacent de nouveau la liberté d'expression et le pluralisme idéologique. Les dernières violations faites à l'encontre des journalistes que cela soit de la part du gouvernement ou des citoyens, n'en sont que des exemples patents. Les journalistes tirent la sonnette d'alarme. Une nouvelle dictature contre la liberté d'expression. On tente de cadenasser l'information.
Aujourd'hui, la presse, secteur primordial de l'instauration de la démocratie est menacée de forfaiture.
En réponse à la violence et aux agressions dont sont victimes les représentants des médias nationaux, certains de nos confrères, spécialisés dans les affaires judiciaires, ont décidé de boycotter, il y a quelques jours, la 4ème audience du procès des martyrs et des blessés de la Révolution, qui se tenait près le tribunal militaire de Tunis.

Des agressions à la pelle !

S'il y a bien un acquis dont le peuple tunisien pourrait être fier, c'est bien la liberté d'expression. Sortie de l'ère obscurantiste, la presse tunisienne postrévolutionnaire fêtait aux premiers temps de la Révolution son émancipation. Certains masques tombèrent, les langues se délièrent et les muselières furent arrachées. Sauf que, depuis un an, les choses marchent à reculons. Les journalistes sont ciblés de plus en plus agressés, insultés et intimidés. Le incidents sont innombrables et deviennent presque anodins dans une société frustrée et assoiffée de liberté. Les avis divergent et les esprits s'enflamment dans un pays en permanente mouvance. On s'en prend aux journalistes, soupçonnés d'envenimer la situation, de s'allier à la Gauche, de souiller l'image du gouvernement, d'orienter les têtes et de profaner le sacré.
Résultat des courses : lors de la couverture de plusieurs évènements d'ordre social, juridique ou politique, les journalistes sont traités de tous les noms, tabassés, voire même arrêtés. La montée des courants théologiques aidant, le silence observé par le gouvernement, constituent des facteurs préparant une nouvelle aliénation aux médias. Progressivement, la dictature de la rue s'installe et celle de la censure reprend de plus belle.
Malgré les communiqués affichés par le SNJT (Syndicat national des journalistes tunisiens), dans lesquels ils condamnent et dénoncent les violations de la liberté d'expression, aucune mesure juridique n'a été prise.
En réaction à cette nouvelle situation calamiteuse dans laquelle se trouvent aujourd'hui les médias tunisiens, certains journalistes ont donc boycotté le procès des martyrs et des blessés de la révolution près le tribunal militaire de Tunis.
Cet acte illustre l'indignation des journalistes quant aux récurrentes attaques dont ont fait l'objet nos confrères la veille du procès, aussi bien que celles qui ont été commises contre certains représentants des médias depuis la fin des élections. Des attaques venues de toute part, que cela soit émanant du corps policier, des représentants du gouvernement ou de la part de certains mouvements aux penchants théologiques extrémistes.

Sacrer le profane et vivre à l'envers

Il est à rappeler que les dernières agressions à l'encontre des journalistes n'ont jamais été prises au sérieux, étant donné que les auteurs des agressions n'ont jamais été jugés ou arrêtés. Citons l'exemple de l'agression dont ont été victimes nos consœurs lors de la dispersion manu militari du sit-in des enseignants et des étudiants devant le ministère de l'Enseignement Supérieur. Les agresseurs ne sont autres que les agents de l'ordre…
Or, pour la dernière agression en date et qui a eu lieu devant une institution aussi sacrée et indépendante que l'est le ministère de l'Enseignement supérieur, il s'agissait cette fois-ci de jeunes barbus affichant des slogans aussi inquiétants les uns que les autres. Ils réclamaient la peine de mort pour les journalistes, les taxant d'athées et d'ennemis. Ces mêmes fauteurs de troubles qui ont semé à l'époque la zizanie à l'université de la Manouba où la violence monte en crescendo.
Aucune mesure n'a été prise par le gouvernement ou la magistrature. Pourtant, les noms, les photos et les vidéos des agresseurs circulent partout. Par contre, quand le journaliste de la radio Mosaïque FM, Chaker Besbes filme le procès de Nessma TV, le procureur général l'appelle, à peine 6 heures après la fin du procès pour qu'il y ait une confrontation avec le policier qui l'a dénoncé…
On ne juge pas les policiers qui ont frappé des journalistes femmes, on n'arrête pas les jeunes salafistes qui agressent les représentants des médias devant le tribunal. «On préfère ne pas utiliser la répression qui rappelle le régime défunt, on préfère à cela la souplesse… On préfère être traité de mou plutôt que de tyrannique », répondit hier le porte-parole du gouvernement et ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, lors d'un point de presse portant sur la situation sécuritaire et sociale actuelle.
Bien que la logique dit qu'il faudrait plutôt arrêter et juger ceux qui sèment le trouble, qui agressent les citoyens et les journalistes qui faisaient leur travail, la nouvelle dialectique veut que l'on laisse les fauteurs se balader en toute impunité aiguisant ainsi leurs actes violents voire terroristes dans toutes les institutions et dicter leur loi dans la rue. D'ailleurs, la preuve en est, hier, ils se sont de nouveau dirigés à la faculté de la Manouba pour saccager et casser le département de la langue arabe, sans qu'il n'y ait bien évidemment d'intervention de la part de la police.
Tout laisse à croire que les journalistes tunisiens seraient victimes d'une conspiration à la fois latente et patente de la part des courants politiques et idéologiques qui tiraillent la nouvelle Tunisie. C'est à se demander si c'est un crime que de vouloir exercer dans des conditions respectueuses de la déontologie du métier !

Journaliste et loi : doit-on sonner le glas des espoirs révolutionnaires?

En l'absence d'un texte juridique qui sacrerait le métier de journaliste et protègerait ce dernier, on ne pourra guère parler d'un média libre, indépendant et respecté. Bien que celui-ci soit considéré comme un 4ème pouvoir, on le voit malmené, chahuté et même menacé. Les multiples agressions, les messages latents dans certains discours gouvernementaux, l'interdiction de nombre de magazines en Tunisie ne sont que des exemples patents. Si l'on rajoute à cela les dernières nominations imposées par le nouveau gouvernement à la tête des institutions médiatiques publiques, un acte qui constitue une enfreinte aux projets de loi de l'article 19 n°2011-116 datant du 2 novembre 2011 et qui concerne l'audiovisuel. Quant à la situation des journalistes Web, la loi demeure taciturne en ce qui concerne la question du respect de la déontologie du métier et aux limites de la liberté d'expression.
En outre, il faudrait penser aux cartes de presse de l'année 2012, car depuis la disparition de l'ATCE (Agence Tunisienne de Communication Externe), il n'y a plus d'organisme juridiquement apte à fournir les cartes nationales de journalistes professionnels aux représentants des médias.
Aujourd'hui, gouvernement et média, frères à la limite ennemis, citoyens et média, demi-frères pas toujours sur la même longueur d'ondes, devraient signer ce pacte d'armistice, car l'heure n'est pas au tiraillement, aux condamnations, aux violences et aux accusations. Il faudrait que le peuple ait un minimum de confiance en la presse et que le gouvernement qui se dit respectueux des libertés d'expression cesse certains agissements qui contredisent sa lutte pour le libre arbitre et l'opinion neutre. On ne peut nullement parler de pays démocrate si les médias devraient appartenir à tel parti ou tel mouvement politique ou religieux. On ne peut nullement réussir cette étape démocratique transitionnelle si l'on agresse et l'on musèle de nouveau les médias. L'indépendance journalistique est l'un des piliers fondamentaux et conservateurs de la démocratie.

Témoignage

Manel Houaneb, journaliste dans un magazine électronique
«J'ai été taxée de mécréante et d'athée parce que je suis journaliste !»

«J'ai été conviée, tout comme mes confrères, à assister à la conférence de presse donnée par le ministère des Affaires religieuses et qui portait sur le rôle de la religion dans la vie politique actuelle. Trois fois, l'adresse changea, ce n'est pas grave, ça arrive. Après avoir perdu 1 heure de temps à chercher l'endroit, je me suis retrouvée à l'Institut de «Oussoul Eddine» (Les Principes ou les origines de la religion). Sur place, je suis tombée sur trois hommes. J'ignore si c'est des enseignants ou s'ils font partie du corps administratif de l'institution. Jusque-là tout va bien. Je me suis adressée à eux pour savoir si la conférence se déroulait bien au sein de cet établissement. On me dévisagea d'une drôle de manière. Ensuite, l'un d'eux me dit sur un ton hautain : «Qui êtes-vous et que voulez-vous ? ». Je répondais que j'étais journaliste et que j'étais là pour la conférence de presse. Il me sortit, toujours aussi aimable «Partez d'ici ! On ne veut pas de vous ! Têtes de cons et d'athées ! Vous êtes derrière toutes les terreurs qu'il y a maintenant ! Allez-vous-en ! ». Médusée, je lui répondis tout de même que par principe, il me devait du respect en tant que femme, que journaliste et surtout en tant que Tunisienne ! Je quittais les lieux sur le champ accompagnée de leurs moqueries et insultes. Une quatrième personne s'adressa à moi sur un ton plus poli cette fois-ci. Je lui ai expliqué ce que je cherchais, il m'indiquait que la fameuse conférence avait plutôt lieu à l'institut de la Chariaâ. Arrivant avec une heure de retard à cause de cette histoire de mauvaise organisation, je me suis installée au fond de la salle. Parmi les présents, il y avait à mes côtés trois hommes dont les habits révélaient leur appartenance au mouvement salafiste. Ça ne m'a point dérangée vu que chacun est libre et que, heureusement pour nous tous, la pluralité est désormais un acquis depuis la révolution. Sauf qu'à ma grande surprise, ces hommes en question, apprenant que j'étais journaliste, ont commencé à maugréer : «Voilà la presse athée ! La presse de Ben Ali ! C'est vous qui êtes derrière ce chaos que nous endurons ! Médias de la mécréance et du déshonneur ! A bas Nessma ! A bas la presse ! ». Je commençais à me poser la question si l'on devait dorénavant cacher notre identité dans une Tunisie qui ne ressemble plus à cette patrie qui a crié son ras-le-bol contre l'aliénation et la violation des droits de l'homme. Devrais-je, désormais, cacher ma carte de presse ??? Doublement attaquée en tant que journaliste, je découvre hébétée l'émergence de cette nouvelle communauté qui menace notre intégrité et notre droit d'exercer librement notre travail. Une nouvelle dictature semble s'installer sur la liberté d'expression et c'est réellement alarmant ! ».


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